PLF 2026 : la partie recettes largement rejetée en commission
Les députés ont largement rejeté en commission des finances la partie recettes du projet de loi de finances pour 2026. C'est donc la version initiale qui doit être discutée en séance dès ce vendredi 24 octobre. Le président de la commission, Éric Coquerel, a évoqué un texte "patchwork" dans lequel "personne ne va complètement se reconnaître". 251 amendements avaient été adoptés. Parmi eux, une série de dispositions concernant les finances des collectivités, qu'il s'agisse de dotations ou de fiscalité locale.

© Capture vidéo Assemblée nationale/ Vote en commission des finances le 22 octobre
Onze voix pour, 37 contre : les députés ont largement rejeté en commission des finances, dans la nuit de mercredi à jeudi, la partie recettes du projet de loi de finances pour 2026. Ce qui annonce des débats difficiles pour le gouvernement dans l'hémicycle. L'ensemble de la gauche, le Rassemblement national, mais aussi LR, dont plusieurs ministres du gouvernement sont issus, ont voté contre la copie résultant des travaux de la commission. Les députés MoDem, Horizons et Liot se sont abstenus, seuls les députés Renaissance votant finalement pour le texte.
La commission des finances avait commencé à examiner cette première partie du budget lundi, et a tenu les délais prévus, au terme de débats de "qualité" et marqués par une forte mobilisation, ont souligné les orateurs. Du fait de ce rejet, les débats en séance plénière repartent de la copie initiale du gouvernement.
"Nous avons fait un grand chemin, mais il y a beaucoup à faire parce que le budget tel qu'il est n'est pas un budget crédible. Il va falloir le retravailler", a commenté le rapporteur général du Budget, Philippe Juvin (LR), qui s'est abstenu au vu des "grandes incertitudes qui demeurent", voire d'un "certain nombre d'impasses". Selon le député des Hauts-de-Seine, le texte prévoit après son passage en commission une réduction de la pression fiscale de 7 milliards d'euros (13 milliards de recettes en moins, et 6,3 milliards de recettes nouvelles) par rapport à la copie gouvernementale, ce qui supposerait, pour ne pas dégrader l'objectif de déficit (4,7%), de réduire d'autant les dépenses.
L'hémicycle sera-t-il le lieu de davantage de compromis ? "En commission, chacun a mis en avant ses idées, et je crois savoir qu'on va tous être plus raisonnables en séance", veut croire un député Horizons.
Les socialistes ont également fait part de leurs réserves. "Pour nous bien sûr le compte n'y est pas ce soir", a commenté le chef de file du PS sur le budget, Philippe Brun, jugeant insuffisantes les recettes votées et le texte "déséquilibré" dans l'effort demandé aux classes moyennes et populaires. Le président de la commission des finances, Éric Coquerel (LFI), a lui évoqué un texte "patchwork dans lequel (...) personne ne va complètement se reconnaître". La gauche s'est toutefois félicitée de plusieurs mesures, dont la suppression de la fiscalisation des indemnités journalières pour affection longue durée, soutenue aussi par LR et le RN.
Le gouvernement a lui aussi essuyé quelques déconvenues : les députés ont revu à la marge le gel du barème de l'impôt sur le revenu en excluant du dispositif la première tranche de l'impôt, ils ont rejeté la suppression de l'abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités ou bien encore, dans une belle unanimité, voté une taxe "Gafam" sur les bénéfices des géants de la tech américaine.
À rebours de cette unité, les débats se sont à plusieurs reprises tendus, comme lorsque les députés ont adopté un amendement de l'ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian (Renaissance), qui entend réduire de moitié l'exonération de taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux.
Zoom sur cet amendement… et sur une courte sélection d'autres amendements intéressant les collectivités et leurs finances, parmi les 215 amendements adoptés par la commission (sur un total de 1.821 amendements déposés). En sachant que certains pourraient bien refaire surface lors de la discussion en séance.
Dilico. Un amendement signé Charles de Courson visait simplement à "obtenir du gouvernement des précisions sur la nature juridique du Dilico", le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités. "S’agit-il d’une imposition de toute nature ?", s'est interrogé le député Liot.
FRR et FRR+. "Porter le seuil d’éligibilité de 30.000 à 35.000 habitants pour les dispositifs FRR et FRR+ [zonages "France ruralités revitalisation"] afin de mieux prendre en compte la réalité des bassins de vie et d’emploi (…) et d'éviter qu’un franchissement marginal du seuil prive soudainement une collectivité d’aides structurantes, ce qui a été le cas l’an passé pour la ville de Nevers." (amendement de Perrine Goulet)
Airbnb / érosion côtière. "Instaurer une taxe sur les commissions encaissées par les plateformes de locations touristiques de courte durée dans les communes littorales" et dédier le produit de cette taxe au fonds Érosion côtière (FEC) dont la création est inscrite dans la deuxième partie du PLF 2026 (un amendement comparable avait été adopté l'an dernier mais avait sauté en commission mixte paritaire).
Restauration scolaire. Étendre aux syndicats intercommunaux à vocation unique (Sivu) l’exonération de TVA actuellement applicable à la fourniture de repas dans les cantines scolaires uniquement lorsque celle-ci est assurée par une collectivité.
Révision des valeurs locatives. Rendre effective et annuelle la révision des valeurs locatives cadastrales, dès 2026, "afin de garantir une équité fiscale réelle entre collectivités, de mieux refléter la valeur réelle des biens dans la base d’imposition et d’assurer des recettes justes et dynamiques pour les collectivités locales". C'est ce qu'a proposé le groupe LFI, sachant que la réforme avait été reportée à 2028.
Financement des Sdis. Mettre en place une contribution des sociétés d’assurance versée aux départements afin de financer les services d’incendie et de secours. Cette contribution serait fondée sur le chiffre d'affaires des assureurs et serait répartie entre départements en fonction de leur population.
Taxe foncière des collectivités… "Exonérer de droit de taxe foncière sur les propriétés bâties l’ensemble des locaux communaux et intercommunaux ou loués par la collectivité, et situé sur le territoire de la collectivité pour la part d’impôt qu’elle se paye à elle-même". Une demande portée par l'Association des maires de France.
... et des bailleurs sociaux. L'amendement signé Guillaume Kasbarian, donc, a fait débat. La proposition de l'ancien ministre : "réduire de moitié l’exonération de taxe foncière en faveur des logements issus du parc social". Ceci, dans la mesure où cette exonération "prive les collectivités de ressources importantes" et agirait au final "comme une désincitation à la production de logements sociaux". Cette proposition représenterait une hausse des ressources fiscales des collectivités d'environ 400 millions d'euros. Afin de compenser les bailleurs, le député propose en parallèle d'augmenter le plafond de production de logements locatifs intermédiaires et de permettre à ces mêmes bailleurs de réviser les loyers à la relocation (dans le respect des plafonds réglementaires). Si certains députés y ont vu une mesure "de bon sens", d'autres ont dit craindre "une déstabilisation des bailleurs" et ont rappelé que les exonérations de TFPB sont conditionnées à des conventions prévoyant des actions d'amélioration du cadre de vie.
Déliaison des taux. Un amendement PS prévoyait de "supprimer la règle de liaison des taux entre la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et la taxe foncière". Ce n'est pas la première tentative en ce sens.
DGF. Un amendement LFI est venu plaider pour une revalorisation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) "à hauteur de l’inflation prévisionnelle pour 2026, fixée à +1,3%". Soit une hausse d’environ 248 millions d’euros de la DGF du bloc communal par rapport à 2025. "Pour 2026, le PLF prévoit une augmentation de la péréquation de 290 millions d'euros. Sans revalorisation globale de la DGF, cette progression sera de nouveau financée par les communes et intercommunalités", a-t-il été expliqué.
Locaux industriels. Un amendement de Stéphane Delautrette, le président de la délégation aux collectivités de l'Assemblée, entendait "supprimer le dispositif prévoyant une réduction de 25% de la compensation aux collectivités territoriales de l’abattement de 50% sur la base des locaux industriels assujettis à la taxe foncière". Il s'agirait ainsi tout simplement de "respecter les engagements pris il y a quatre ans à l’occasion de la réforme des impôts de production".