PLF 2026 : les ponctions sur les collectivités s'élèvent, non à 4,6 milliards mais à 8 milliards, selon André Laignel
En prévoyant un effort des collectivités locales à hauteur de 4,6 milliards d'euros selon le gouvernement, le projet de loi de finances pour 2026 est "ravageur pour les collectivités et donc nos concitoyens", a déploré ce 15 octobre André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL). L'élu évalue, lui, à "au moins 8 milliards d'euros" la contribution des collectivités à la réduction du déficit public en 2026. Le gouvernement cherche à faire passer la pilule en annonçant des mesures de simplification qui pourraient générer des gains. Et la ministre chargée de l'Aménagement du territoire laisse déjà entendre que l'exécutif pourrait lâcher du lest.

© Antoine Homé/ Comité des finances locales présidé par André Laignel, en présence d'Amélie de Montchalin et de Françoise Gatel.
En exigeant un effort de "4,6 milliards d'euros" de la part des collectivités, qui pourrait en réalité s'élever à "plus de 8 milliards d'euros", le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 organise une "purge massive" qui menace les services aux citoyens, a fustigé le 15 octobre devant la presse le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel.
Avec ses collègues de l'instance de concertation dédiée aux finances des collectivités, le maire d'Issoudun sortait d'une réunion avec la ministre de l'Aménagement du territoire, Françoise Gatel, et la ministre de l'Action et des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Une rencontre destinée à la présentation officielle du volet consacré aux finances des collectivités dans le projet de budget. Des mesures ayant principalement pour but, comme on le sait, de faire participer le secteur public local à la réduction du déficit public, et ce à hauteur de "4,6" ou "4,7" milliards d'euros, comme l'a indiqué Françoise Gatel à l'issue de la réunion du CFL.
"Ponction d'au moins 8 milliards d'euros"
Le gouvernement de Sébastien Lecornu affiche pour 2026 une ponction sur les collectivités un peu moins élevée que celui de François Bayrou (5,3 milliards d'euros). Mais le président du CFL retient surtout que la contribution des collectivités mise en avant par l'exécutif ferait plus que doubler par rapport au décompte avancé par le gouvernement Bayrou en ce qui concerne les économies permises par la loi de finances pour 2025 (2,2 milliards d'euros).
En outre, André Laignel récuse le chiffrage officiel, estimant que les ponctions budgétaires pourraient priver les collectivités d'au moins 8 milliards d'euros en 2026 si le PLF reste en l'état. Des coupes inscrites au projet de budget, qui ne sont pas prises en compte par le gouvernement dans son calcul, impacteraient fortement les collectivités. Le président du CFL cite la réduction des crédits du fonds vert ("-500 millions d'euros") et la baisse des moyens alloués aux agences de l'eau ("-900 millions" d'euros) et à l'Agence nationale de l'habitat ("-700 millions" d'euros). En outre, l'élu prend en compte la hausse de trois points des cotisations dues par les employeurs territoriaux au régime de retraites des fonctionnaires territoriaux ("+ 1,4 milliard" d'euros).
À cause de "ce budget ravageur", il y a "tout un ensemble de besoins de nos concitoyens auxquels on ne pourra plus répondre", a dénoncé le maire PS d'Issoudun.
"Recentralisation financière"
Les nouvelles modalités du dispositif qui oblige les collectivités à épargner ("Dilico") deux milliards d'euros en 2026 relèvent du "même type de contraintes que les contrats de Cahors", qui avaient limité les dépenses de fonctionnement des grandes collectivités en 2018 et 2019, a-t-il critiqué. Elles prévoient, pour rappel, que les collectivités contributrices percevront un reversement à condition que l'évolution des dépenses de fonctionnement du secteur public local soit globalement inférieure au PIB (sur le Dilico et les autres mesures du PLF 2026, voir notre article du 14 octobre).
Alors que le Premier ministre entend présenter prochainement un projet de loi de décentralisation, la "restriction financière", arme la plus massive de la recentralisation, "continue à être à l'œuvre", a par ailleurs vivement regretté André Laignel. Il a aussi dénoncé "une aggravation dans la volonté de faire des collectivités territoriales des sous-traitants de l'État".
"Si le budget des collectivités ressemble ne serait-ce qu'au squelette de ce qui nous est proposé aujourd'hui, cela justifierait à soi seul la censure du budget", a estimé l'élu socialiste, en précisant que sa position est "personnelle".
"Tous dans le même bateau"
"Nous sommes tous dans le même bateau, il n'y a pas les collectivités d'un côté et l'État d'un autre côté", avait déclaré à la presse quelques minutes auparavant la ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel. L'ancienne sénatrice centriste a mis en avant un budget qui ponctionne moins les collectivités que ne le prévoyait l'ex-Premier ministre François Bayrou ("4,6 ou 4,7 milliards" d'euros, contre 5,3 milliards) et qui comporte quelques hausses (300 millions d'euros d'aide aux départements via le fonds de sauvegarde et une augmentation de 40 millions d'euros en faveur des collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques). Elle a par ailleurs mis en avant des politiques par lesquelles l'État vient en appui des collectivités ("Villages d'avenir", le projet esquissé par le Premier ministre en faveur des maisons de santé, ou les mesures du projet de loi sur le statut de l'élu local en cours de discussion). Ce "partenariat" n'est "pas intégré dans les milliards" d'euros de la facture que les collectivités vont devoir payer, a-t-elle déclaré.
"Des choses sont discutables"
La ministre a par ailleurs dit vouloir "s'attaquer aux normes excessives qui ne produisent pas d'efficacité (…) et sont extrêmement coûteuses". Des marges de manœuvre pourraient ainsi être offertes aux collectivités. Cela commence dès à présent, puisque le gouvernement a prévu de simplifier "le cadre en vigueur en matière de rénovation énergétique des bâtiments tertiaires" qui doit "toucher de plein fouet les collectivités en 2026". "On ne renonce pas à l'objectif, mais peut-être faut-il revoir le calendrier" et "espacer", a précisé Françoise Gatel.
Le gouvernement cherche à faire passer la pilule du projet de budget auprès des collectivités. Et dans le même temps, la ministre de l'Aménagement du territoire l'assure : "il y a sans doute des choses discutables" dans ce dernier. Le projet de loi de finances "va suivre son cours" et les débats vont s'engager, a-t-elle dit, rappelant que le Premier ministre souhaitait "une construction parlementaire" du projet de budget. Comme le gouvernement de Michel Barnier il y a un an, celui de Sébastien Lecornu est déjà prêt à des concessions en direction des collectivités locales pour arracher l'adoption du budget. Mais l'on sait que les gestes consentis par l'ex-Premier ministre LR n'avaient pas suffi à lui éviter la censure.