La Cour des comptes globalement satisfaite du niveau de dépenses publiques de Paris 2024
La Cour des comptes a produit un premier rapport sur les dépenses publiques occasionnées par les Jeux olympiques de Paris 2024. Elle y souligne l'importance décisive des pouvoirs publics dans l'organisation de l'évènement tout en pointant des montants cohérents avec le caractère exceptionnel des Jeux.

© Huang Zongzhi/XINHUA-REA
Près de six milliards d'euros, c'est ce qu'ont coûté – au minimum – les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 pour les finances publiques, selon un "premier recensement" de la Cour des comptes, publié ce 23 juin. Dans cette "note d'étape", la Cour "s'est tenue à un strict travail de recensement des dépenses publiques liées aux Jeux, sans émettre d'appréciation sur les retombées économiques [...]". De fait, ce rapport est avare en commentaires et se garde bien d'affirmer si, oui ou non, les Jeux ont été une bonne affaire économique pour la France.
Ces dépenses se répartissent en deux grandes catégories : l'organisation et les infrastructures. Côté organisation, les dépenses des pouvoirs publics – qui s'ajoutent à celles du comité d'organisation (Cojo), de nature privée – sont évaluées à 2,77 milliards d'euros.
La sécurité en tête des dépenses
Si on y trouve 286,9 millions d'argent public (État et collectivités territoriales) destinés au Cojo afin d'équilibrer le budget des Jeux Paralympiques, la part la plus importante a été affectée à la sécurité et assumée à 95% par l'État : 1,44 milliard d'euros. Jusqu'à 35.000 policiers et gendarmes quotidiennement ainsi que 8.000 militaires ont ainsi été engagés pour la sécurisation de l'événement. Ici, la Cour note que "de manière anormale, les estimations détaillées n'ont été réalisées qu'après le vote de la loi de finances pour 2024. Cette absence de prévision sérieuse est l'un des facteurs explicatifs de la gestion chaotique du budget consacré à la sécurité des Jeux en 2024".
Deuxième poste des dépenses d'organisation : les transports, à hauteur de 570 millions d'euros, dont 335 millions au titre du renforcement de l'offre, financés à 83% par la RATP et la SNCF. Petit point noir toutefois : les dépenses spécifiques au transport des personnes accréditées ont doublé par rapport à la prévision, pour s'établir à 292 millions d'euros.
Des moyens pour mobiliser la population
Autre gros budget en faveur de l'organisation : 341,4 millions d'euros consacrés à la "mobilisation populaire" autour des Jeux. Cette somme comprend notamment les moyens spéciaux déployés par l'État et ses opérateurs : 256,9 millions pour la "billetterie populaire", la Grande cause nationale 2024 dédiée à la promotion de l'activité physique et sportive, les appels à projets initiés de l'Agence nationale du sport (ANS), etc.
À ces dépenses d'animation de l'État s'ajoutent celles des collectivités territoriales dans le cadre du label Terre de Jeux ou du Relais de la Flamme. Les 4.000 collectivités ayant répondu à une enquête de la Cour des comptes font état de 62,1 millions de dépenses, un montant qui n'intègre pas les dépenses des collectivités franciliennes. Par ailleurs, 7,9 millions d'euros sont allés aux fans zones "Clubs 2024" de 12 collectivités, mais ce coût est forcément beaucoup plus élevé puisqu'on a dénombré 181 "Clubs 2024" dans 62 départements. 72 collectivités ont également dépensé 18,3 millions au titre du programme "Collectivités hôtes" et 567 ont acheté des billets pour un montant total de 3,7 millions au titre des programmes Terre de Jeux et Relais de la Flamme. Quant à l'Olympiade culturelle, elle bénéficié de 9,4 millions pour 2.596 projets labellisés. "Nonobstant le caractère partiel de l'estimation de leurs dépenses à la date de publication de la présente note, les collectivités territoriales ont également joué un rôle-clé dans cette mobilisation", souligne la Cour des comptes.
Les collectivités en tête pour les infrastructures sportives
Le second grand volet des dépenses publiques a porté sur les infrastructures, pour un montant de 3,19 milliards d'euros. On y trouve d'abord les dépenses relatives aux infrastructures sportives pour 1,24 milliard, un investissement financé aux trois quarts par les collectivités territoriales.
Les financements publics affectés aux aménagements urbains sont pour leur part évalués à 839 millions d'euros, dont les trois quarts correspondent aux projets de construction du village olympique et du village des médias.
Dans cet ensemble, la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) a supervisé la réalisation de 70 ouvrages pour une "maquette financière" finale de 1,65 milliard d'euros, dont 67% à la charge de l'État et 33% à la charge des collectivités territoriales.
En dehors de cette maquette, on note que des travaux supplémentaires pour les Jeux ou concrétisés à l'occasion des Jeux sont évalués à hauteur de 821,7 millions d'euros, dont 522 millions à la charge des collectivités territoriales.
Autres dépenses de poids relatives aux infrastructures : les 595 millions d'euros liés au transport. Si la Cour pointe qu'"aucune infrastructure nouvelle de transports en commun n'a été réalisée pour les Jeux, dans un souci de sobriété", les "surcoûts d'accélération ou des modifications de programmation portant sur des projets préexistants" sont chiffrés à 236 millions.
Enfin, les dépenses d'investissement sur le périmètre de la sécurité s'élèvent à 304,5 millions d'euros, portées par l'État à 70,4%, dont 100 millions d'euros pour la vidéoprotection (installation de caméras dans les transports et les sites olympiques, etc.).
De nombreuses dépenses toujours à évaluer
Ce premier chiffrage est pourtant loin de refléter la réalité des dépenses publiques de Paris 2024. Tout d'abord parce que la Cour des comptes reconnaît "une incertitude concernant l'estimation des dépenses publiques relatives à la mise en œuvre du plan Baignade liées aux Jeux". Pour rendre la Seine "baignable" et pouvoir y organiser les épreuves de natation en eau libre et de triathlon, mais aussi assurer l'ouverture de sites de baignade pérennes après les Jeux, la dépense est estimée entre 200 millions et un milliard d'euros. Un grand écart si périlleux que la Cour a choisi de ne pas intégrer pour l'instant cette dépense aux dépenses totales liées aux Jeux.
Ensuite, parce que la Cour souligne que les dépenses des collectivités territoriales, en dehors des estimations déjà avancées, "ne seront en effet pas connues dans leur intégralité avant que les CRC [chambres régionales des comptes] aient achevé leurs investigations en cours à la date de cette publication".
Enfin, on peut signaler un dernier bémol : l'évaluation des exonérations fiscales dont a bénéficié l'organisation des Jeux (lire notre article du 13 février 2020). Sur ce point, l'administration fiscale a fait savoir qu'il n'était pas prévu "pour l'instant" d'estimation globale. Une position jugée "non satisfaisante" par la Cour des comptes, qui demande que l'évaluation de ces dépenses fiscales puisse être engagée par l'État sans délais.
Un net dépassement des prévisions
Au final, la Cour des comptes juge que "les montants identifiés sont cohérents avec le caractère exceptionnel des Jeux et soulignent, au-delà du rôle du Cojop, l'importance décisive des pouvoirs publics dans l'organisation d'un tel évènement". On rappellera toutefois que le "jaune" budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2019 envisageait que "l'ensemble des contributions publiques se limite à 1,5 milliard d'euros". Avec 5,96 milliards d'argent public a minima, cette estimation de départ a été allègrement dépassée.
Cette première évaluation sera suivie, le 1er octobre prochain, d'un rapport au Parlement qui actualisera l'analyse des dépenses, avant un dernier rapport dans le courant de l'année 2026, qui complètera les travaux précédents, notamment sur l'héritage des Jeux.