Quand les start-ups de la PropTech accompagnent la transformation du secteur immobilier

Colossal. C’est le moins que l’on puisse dire dès lors qu’il s’agit du poids de l’immobilier dans l’économie française. Le secteur représente 17 % du PIB, 2 millions d’emplois directs et indirects et le premier poste de dépense des ménages. Mais aujourd’hui, le marché, pourtant réputé peu innovant, a besoin d’opérer une transformation profonde. Il se trouve que la PropTech pourrait ouvrir le champ des possibles. Explications avec Tristan Jégourel, responsable de projets d’investissements au sein du pôle « Villes et Territoires intelligents » de la Banque des Territoires.

Si le secteur de l’immobilier et de la construction doit évoluer, c’est en particulier pour répondre aux exigences des réglementations. « L’immobilier a toujours fait l’objet d’une attention politique soutenue, explique Tristan Jégourel. Parmi les réglementations récentes, la plus emblématique est la RE2020 dont l’objectif est d’améliorer la performance énergétique mais aussi, et pour la première fois, la performance environnementale des bâtiments neufs en analysant les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie. »

Le parc immobilier est tellement vaste, il y a tellement de choses à faire pour concrétiser les ambitions de la réglementation qu’il ne faut pas traîner. Nous devons être extrêmement proactifs !

Tristan Jégourel, responsable de projets d’investissements au sein du pôle « Villes et Territoires intelligents » de la Banque des Territoires

Du côté des bâtiments existants, on pense également au décret tertiaire, qui prévoit la réduction de 40 % de la consommation d’énergie d’ici à 2030, de 50 % d’ici à 2040 et de 60 % d’ici à 2050, par rapport à une année de référence postérieure à 2010. « Le parc immobilier est tellement vaste, il y a tellement de choses à faire pour concrétiser les ambitions de la réglementation qu’il ne faut pas traîner. Nous devons être extrêmement proactifs ! », rappelle Tristan Jégourel.

Productivité, satisfaction client et impact carbone : les 3 maillons faibles à combler

Au-delà des exigences fixées par la réglementation, le secteur de l’immobilier doit relever plusieurs défis. Malgré le poids qu’il représente dans l’économie française (et même mondiale !), il connaît tout d’abord d’importants problèmes de productivité. « Sur les 20 dernières années, là où l’industrie a réussi à progresser de 80 %, l’immobilier et la construction stagnent en termes de productivité, voire sont en perte de vitesse de - 5 % selon certaines études », précise Tristan Jégourel. 

Autre problématique : l’enjeu de satisfaction des clients, que ce soit au niveau de la promotion, de la transaction, de la construction ou de la gestion immobilière. « Cela vaut notamment pour les acteurs du tertiaire et les bailleurs sociaux. Il y a un vrai sujet autour de l’expérience utilisateur et sur la recherche de solutions pour simplifier la vie des usagers, pour avoir une meilleure gestion des interventions techniques dans les bâtiments, pour améliorer la communication avec les locataires… ». 

Enfin, le dernier enjeu, et non des moindres, concerne la transition écologique et énergétique des bâtiments, ces derniers restant à ce jour responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre en France1. « Il est par exemple indispensable que les acteurs de l’immobilier aient une bonne vision de la performance de leur patrimoine dans le temps. C’est un point de départ pour avoir des bâtiments qui consomment moins et mieux ».

Sur les 20 dernières années, là où l’industrie a réussi à progresser de 80 %, l’immobilier et la construction stagnent en termes de productivité, voire sont en perte de vitesse.

Tristan Jégourel

Les technologies numériques peuvent accompagner la transformation du secteur immobilier

Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs de l’immobilier et de la construction s’accordent sur la nécessité de transformer le secteur pour répondre aux trois grands défis de la productivité, de la satisfaction client et de la transition écologique. De l’utilisation de nouveaux matériaux à leur recyclage, en passant par la gestion des déchets sur les chantiers, de nombreuses idées sont d’ores et déjà explorées.

Mais il y a aussi une carte essentielle à jouer du côté du numérique, comme le souligne Tristan Jégourel : « Les technologies digitales sont de précieuses alliées pour faire évoluer le secteur. Elles apportent de nouvelles solutions, notamment grâce à la modélisation numérique des bâtiments, la mise en œuvre d’objets connectés, l’interopérabilité des données ou la création de BIM2 ». Ces nouvelles technologies sont regroupées au sein d’un nouveau marché en pleine ébullition : la PropTech

La PropTech, pour de nouvelles opportunités d’innovation

La PropTech, contraction des mots anglais « property » et « technology », fait référence à l’utilisation des nouvelles technologies pour améliorer les produits et les services de l’industrie immobilière. Elle désigne autant le marché des innovations digitales pensées pour l’immobilier que les start-ups et entreprises qui le composent. 

La PropTech couvre de nombreux pans de l’immobilier tels que la conception, la construction, la gestion du patrimoine, la performance énergétique et environnementale, les services du logement, le vivre ensemble et la ville pilotée, citoyenne, résiliente et mobile. Du côté des innovations, le marché propose notamment des solutions de smart building, de jumeau numérique, de plateformes de données, d’Internet des Objets ou encore de CivicTech.

Depuis 2015, le marché de la PropTech est en forte croissance […], avec une centaine de start-ups créées et près de 200 millions d’euros levés en moyenne par an depuis 2017.

Tristan Jégourel

Un marché qui a de beaux jours devant lui

Il n’y a pas de doute : les start-ups de l’immobilier qui se positionnent sur la data et les technologies digitales se trouvent sur un créneau porteur. En effet, les acteurs de l’immobilier et de la construction, les bailleurs sociaux et les collectivités s’investissent de plus en plus dans le développement des usages du numérique. « Depuis 2015, le marché de la PropTech est en forte croissance, souligne Tristan Jégourel. Nous assistons à une accélération des créations de start-ups et des levées de fonds, avec une centaine de start-ups créées et près de 200 millions d’euros levés en moyenne par an depuis 2017 ».

En outre, si le contexte macro-économique actuel demeure incertain, « les besoins de numérisation et de réponse aux enjeux de la transition écologique et de la satisfaction client perdurent », rappelle Tristan Jégourel. Et d’ajouter : « 2022 s’annonce encourageante puisqu’une levée de fonds de 100 millions d’euros a déjà eu lieu en février-mars par une start-up travaillant sur la performance énergétique ! » L’effervescence observée depuis quelques années devrait donc se poursuivre, en dépit de quelques ralentissements, et l’écosystème de la PropTech devrait avoir besoin d’investisseurs pour continuer à maturer. 

Accompagner les sociétés innovantes de la PropTech

Par son empreinte au niveau des territoires, il apparaît naturel que la Banque des Territoires s’intéresse au développement des sociétés innovantes de la PropTech, notamment celles qui répondent aux enjeux des collectivités et des bailleurs sociaux. « Nous animons un cercle de réflexion sur les évolutions de l’immobilier et de ses usages avec un groupe de travail constitué d’experts travaillant dans le groupe Caisse des Dépôts et ses filiales, parmi lesquelles CDC Habitat et Icade », explique Tristan Jégourel.

Par ailleurs, à travers le pôle « Villes et Territoires intelligents » de la direction de l’investissement pour la transition numérique (DITNUM), la Banque des Territoires investit au capital de start-ups au service des métiers de l’immobilier, de la conception, de la gestion du patrimoine ou de la construction. Elle se concentre également sur les solutions de City Information Modeling (enjeux de ville pilotée, ville citoyenne, ville résiliente, ville mobile…) matures et déployables à l’échelle territoriale, voire nationale.

Un portefeuille de huit start-ups issues de la PropTech

À ce jour, la Banque des Territoires a déjà investi dans huit start-ups de la PropTech. Au-delà de l’aspect financier, elle les aide à renforcer leur visibilité et à accélérer leur développement en communiquant au sein du Groupe, en les accompagnant sur des salons, en les invitant à des événements et en les mettant en relation avec des acteurs de l’écosystème Caisse des Dépôts.

Au sein du portefeuille, on trouve :

  • Homeland, qui développe un outil numérique simple, efficace et transparent pour faciliter le quotidien du syndic de copropriété. 
  • Saqara, qui, après être devenu leader de la numérisation de l’appel d’offres privé dans le BTP, s’attaque au marché public, notamment aux collectivités et bailleurs sociaux qui prévoient des travaux de construction ou de rénovation.
  • Datasoluce, une société pionnière du BIM en France, qui aide les acteurs de l’immobilier tels que les Ehpad ou les bailleurs sociaux à mieux connaître leur parc grâce à un jumeau numérique.
  • UpFactor, qui réalise des scans de foncier disponible en surélévation auprès de grandes métropoles (Paris, Lyon, Strasbourg…) pour proposer une alternative à l’artificialisation des sols.
  • Intent Technologies, qui est spécialisée dans la remontée de données IoT (objets connectés), du bâtiment pour améliorer son efficacité et son attractivité, et dont les solutions sont utilisées par plus de 20 bailleurs sociaux en France.
  • Qarnot, qui propose une infrastructure IT axée sur la réutilisation de la chaleur fatale informatique pour réduire son empreinte carbone.
  • Vizcab, qui aide les acteurs de la construction à prendre le virage de la RE2020 à l’aide de solutions numériques d’analyse du cycle de vie des bâtiments. 
  • jestocke.com, qui propose une solution d’exploitation de la ressource « parking » sous utilisée notamment dans les résidences des bailleurs sociaux.

Nous souhaitons non seulement continuer à accompagner les huit start-ups dans lesquelles nous avons investi pour les aider à accélérer leur développement, mais aussi investir dans de nouvelles start-ups qui proposent des solutions porteuses d’avenir.

Tristan Jégourel

Et la suite ?

La Banque des Territoires souhaite poursuivre son rôle de diffuseur et d’accélérateur des nouvelles solutions au service de l’immobilier dans les territoires. « Nous sommes convaincus que la PropTech est au début d’un tremplin, précise Tristan Jégourel. Nous souhaitons non seulement continuer à accompagner les huit start-ups dans lesquelles nous avons investi pour les aider à accélérer leur développement, mais aussi investir dans de nouvelles start-ups qui proposent des solutions porteuses d’avenir comme le pilotage énergétique des bâtiments ou le maintien à domicile des seniors ». 

L’objectif est de réaliser deux investissements par an pour des tickets d’entrée individuellement compris entre 1 et 3 millions d’euros. Et Tristan Jégourel de conclure : « Cela dépendra bien sûr de la qualité des solutions proposées et de la capacité des start-ups à répondre aux enjeux des collectivités et des bailleurs sociaux. Nous n’excluons pas non plus de sortir des sentiers battus en cas d’opportunité intéressante ou d’évolution du marché ».

1 Source : ministère de la Transition écologique, 2020
2 BIM pour Building Information Modelling

Tristan Jégourel

Responsable de projets d’investissements au sein du pôle « Villes et Territoires intelligents » de la Banque des Territoires

Tristan Jégourel est responsable de projets d’investissements au sein du Pôle Villes et Territoires Intelligents du département Transition Numérique, au sein duquel il s’occupe plus particulièrement des sujets Prop Tech (il est représentant de la CDC aux boards de 4 sociétés). Il a rejoint la Banque des Territoires en septembre 2021 après avoir passé 7 ans chez PwC (en Audit et en Transaction Services) où il a travaillé pour des fonds d’investissement (PAI Partners, CVC…) et des grands groupes (SNCF, Naval Groupe, Thales, Alstom et Dassault Systèmes) et 4 ans chez Equalis Capital, une Banque d’Affaires et Société de Gestion spécialisée dans l’actionnariat salarié où il a conseillé et accompagné plusieurs sociétés du monde de l’ingénierie, de la construction et de l’industrie du bâtiment (Egis, Artelia, Systra Les Zelles, CETIH, Demathieu Bard, Groupe Legendre, Ginger, AIA Life Designers…).

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