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Protection de l'enfance : les départements font entendre leur voix

La protection de l'enfance fait l'objet de toutes les attentions depuis la semaine dernière, la diffusion télévisée d'un documentaire ayant visiblement accéléré ou du moins attisé les choses. On apprenait vendredi la nomination d'un secrétaire d'Etat "chargé de la protection de l'enfance" et dès lundi, Adrien Taquet et Agnès Buzyn s'exprimaient sur le sujet en installant le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Tous deux ont évoqué les grandes lignes d'une feuille de route devant conduire à la présentation d'une stratégie nationale de protection de l'enfance... d'ici cet été. L'accélération est donc toute relative, sachant que la ministre avait dès novembre 2017 dévoilé les grands axes de cette future stratégie "2018-2022".
L'Uniopss, qui participait lundi à la réunion du CNPE, estime ainsi que c'est en réalité "un nouveau report de cette stratégie" qui a été annoncé. L'union représentant les organismes associatifs sociaux et médicosociaux souhaite donc que "cette stratégie annoncée il y a près d’un an" soit désormais "élaborée rapidement". Dans un communiqué diffusé lundi soir, l'Uniopss précise par ailleurs que "contrairement à ce qui avait été préalablement annoncé, le portefeuille de M. Taquet ne se limiterait pas aux seuls dispositifs de protection de l’enfance mais inclurait bien une politique globale incluant parentalité, santé, éducation, logement, accès aux droits fondamentaux…". Ce dont elle se félicite.
Quelques élus ont ces derniers jours tenu à faire entendre la voix des départements. Dont Stéphane Troussel, le président de la Seine-Saint-Denis, pour qui "les axes évoqués" par le nouveau secrétaire d'Etat sont "louables, pleins de bonnes intentions"… sauf que "l'Etat 'oublie' de mentionner les départements, dont relève pourtant la compétence de la protection de l’enfance".

"Les maux et difficultés sont connus"

Ce mardi, c'est l'Assemblée des départements de France (ADF) qui s'est exprimée pour rappeler le difficile rôle des départements, sachant que ces derniers ont pris en charge "300.000 mesures d’accompagnement ou de placement" (en établissement ou en famille d’accueil) en 2018, pour un coût de 7,37 milliards d'euros hors dépenses de personnels (chiffre Odas sur 2017). L'association insiste sur le fait que "le nombre de mineurs pris charge par l’ASE ne cesse de progresser". Une courbe ascendante redoublée par le phénomène massif des mineurs non accompagnés (MNA). Parlant d'une "situation préoccupante qui déstabilise les équipes", l'ADF met l'accent sur le fait que "un tiers des mineurs confiés à l’ASE requerrait des soins spécialisés" et sur le manque criant de moyens dans ce champ de la santé et de la pédopsychiatrie. Elle insiste, enfin, sur la nécessité d'un "climat apaisé et constructif entre tous les acteurs" - Etat, départements et associations.
"Après des mois d’alertes des professionnels de la protection de l’enfance, des magistrats et des présidents de départements, le gouvernement présente enfin une feuille de route", écrit le groupe de gauche de l'ADF dans son propre communiqué. Pour ces présidents de gauche, "les maux et difficultés sont connus" (tout comme l'ADF rappelle l'existence des nombreuses données fournies par l'Observatoire national de la protection de l’enfance). Il serait donc vain de se perdre dans un énième état des lieux. Ils soulignent la nécessité d'une stratégie "globale" allant de la prévention à la protection judiciaire de la jeunesse et impliquant une vision "décloisonnée des politiques publiques" qui impliquerait notamment l'Education nationale.
On sait que la députée LREM Perrine Goulet a demandé la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur la protection de l'enfance. Pour l'heure, c'est côté Sénat qu'un groupe de travail a été lancé ce mardi 30 janvier par le sénateur PS Xavier Iacovelli avec, selon ses termes "une vraie volonté de tous les sénateurs de toutes sensibilités de poser tous les sujets sur la table sans totem ni tabou" et une série d'auditions et déplacements prévus dès les jours à venir "pour rencontrer l’ensemble des acteurs".