Règlement Gigabit : les associations d'élus exigent un mode d'emploi
Le règlement européen visant à accélérer le déploiement des réseaux très haut débit, dit "gigabit", entrera en application le 12 novembre 2025. L'AMF, la FNCCR et l'Avicca réclament des clarifications avant son entrée en vigueur et formulent plusieurs réserves, notamment sur les délais et les coûts induits.

© Adobe stock/ Placement de la fibre optique dans une rue
Le règlement européen "relatif à des mesures visant à réduire le coût de déploiement de réseaux gigabit de communications électroniques", adopté le 29 avril 2024, abroge la directive 2014/61/UE et entend faciliter l'émergence de la "société du Gigabit" en offrant a minima 1 Gbps pour tous d'ici à 2030. En pratique, il prévoit de faciliter l'accès des opérateurs aux infrastructures physiques publiques (poteaux, conduits, bâtiments, mobilier urbain) pour installer des réseaux télécoms ou des (micros) relais de téléphonie mobile. Il concerne donc très directement les collectivités territoriales.
Accès, coordination et centralisation des informations
Son entrée en vigueur est prévue le 12 novembre 2025 et les principales obligations pour les collectivités portent sur quatre points :
- la mise à disposition d'informations numériques géoréférencées sur leurs infrastructures physiques. Au-delà des équipements précités, le périmètre est très large, allant jusqu'aux feux de circulation, panneaux de signalisation, tuyaux, façades, toitures…. Les infras liées à l'eau potable ou à la fibre noire sont en revanche exclues ;
- la réponse obligatoire aux demandes des opérateurs : sous 10 jours pour les demandes d'information, sous un mois pour les demandes d'accès ;
- la coordination des travaux : obligation d'informer sur les travaux à venir pour favoriser une mutualisation des coûts selon des clés de répartition prédéfinies. Les tarifs pour l'accès aux infrastructures doivent être équitables et permettre de couvrir les coûts tout en ne nuisant pas aux plans d'affaire des opérateurs ou towercos ;
- la fibre dans les bâtiments neufs : le texte introduit l'obligation (bienvenue) de mettre en place une infrastructure fibre optique à l'intérieur de tous les bâtiments neufs ou significativement rénovés pour les permis déposés après le 12 février 2026.
Sa mise en œuvre passe par la création d'un "point d'information unique" centralisant les données sur les bâtiments. S'il s'applique à toutes les collectivités, les communes de moins de 3.500 habitants bénéficient d'un report d'un an pour certaines dispositions, jusqu'au 12 mai 2027.
Lever toute ambiguïté
Même s'il s'agit d'un règlement d'application immédiate, la direction générale des entreprises estime qu'il exige quelques ajustements au code des postes et communications électroniques (CPCE). Les modifications envisagées ont été incluses à un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue). Elles ont fait l'objet d'une consultation publique cet été à laquelle l'AMF, l'Avicca et la FNCCR ont apporté une réponse commune. L'occasion de faire passer quelques messages.
Priorité des priorités des associations, "la nécessité absolue" de disposer d'une "note explicative" avant l'entrée en vigueur du règlement, à destination des collectivités comme des services de l'État. Les associations souhaitent lever des ambiguïtés et éviter "des interprétations erronées" telles que la confusion entre le nouveau régime d'information et le régime existant pour les arrêtés de travaux.
Elles demandent aussi des clarifications terminologiques. Elles préfèrent notamment le terme "bâtiment" à "immeuble" pour définir l'infrastructure d'accueil, estimant que la notion d'immeuble en droit français "est plus large et pourrait induire des interprétations excédant le texte même du règlement".
Des inquiétudes organisationnelles et financières
Les élus expriment enfin leurs "inquiétudes sur le raccourcissement des délais d'instruction" et "les coûts inévitables" du point d'information unique dématérialisé. Ils redoutent que cet effort de numérisation ne soit "difficilement supportable dans le contexte financier actuel", surtout s'il reste exclusivement à la charge des collectivités. Les élus ont notamment à l'esprit le bilan très mitigé du guichet "réseaux et canalisations".
Les associations demandent aussi l'ajout de dérogations permettant de ne pas répondre aux demandes d'information, "lorsque cette fourniture est dispendieuse", comme l'autorise la Commission européenne ou quand "la sécurité des personnes" (particuliers, agents communaux ou intercommunaux, professionnels) est menacée.
Il reste maintenant à savoir quand le projet Ddadue pourra être discuté, le Conseil d'État ne s'étant pas encore prononcé sur le texte. Aussi, dans le contexte politique actuel, c'est bien la publication d'un guide d'interprétation officiel qui est urgente à quelques semaines de l'échéance du 12 novembre.