RSA : un collectif dépose quatre recours contre le décret Sanctions auprès du Conseil d’État

Quatre recours ont été déposés par trois syndicats et la Ligue des droits de l’homme auprès du Conseil d’État pour obtenir l’abrogation du décret fixant les barèmes de sanction des demandeurs d’emploi et allocataires du RSA ne respectant pas leurs obligations. 

Quatre mois après la publication du décret Sanctions des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires du RSA en cas de non-respect de leurs devoirs (lire notre article), l’opposition à ce texte issu de la loi pour le plein emploi ne faiblit pas. Un collectif de seize associations et de syndicats* s’unissent pour demander au Conseil d’État son abrogation. Ils ont annoncé, lors d’une conférence de presse, mercredi 22 octobre, le dépôt de quatre recours, portés par la CGT (avec Solidaires et la FSU), la CFDT, l’Unsa et La Ligue des droits de l’homme. Sans se faire d’"illusions" sur leur issue, le secrétaire confédéral de la CGT, Denis Gravouil, veut "porter le combat politique" de "millions de personnes". 

Pour rappel, le décret du 31 mai 2025 permet aux départements de suspendre le RSA de 30 à 100% pendant un à deux mois dès le premier manquement des allocataires, puis d’allonger cette période jusqu’à quatre mois ensuite. Les sommes "suspendues" sont reversées en cas de "remobilisation" de la personne. Avant la sortie du texte, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté (lire notre article), ATD Quart Monde (lire notre article) ou le collectif Alerte (lire notre article) étaient montés au créneau pour contester cette réforme. 

Manque de "proportionnalité" des sanctions 

Atteinte au droit et aux moyens convenables d’existence (figurant dans le préambule de la Constitution), hausse du non-recours, "travail forcé et atteinte à la dignité" en raison des 15 heures d’activité obligatoires, massification des contrôles du côté de France Travail contre insuffisance des moyens d’accompagnement… Le collectif, à travers ses quatre recours, rappelle ce qui pose problème à ses yeux avec la loi pour le plein emploi dans son ensemble. 

Il y a aussi des contestations plus précises, portant sur le décret lui-même. L’autorisation de "suspensions totales et prolongées" du RSA constituerait "une disproportion manifeste des sanctions". Le collectif s’en remet au Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision sur la constitutionnalité de la loi pour le plein emploi (lire notre article) avait exigé que le futur décret veille au respect du principe de proportionnalité des peines. La régularité de la nouvelle procédure de sanction serait par ailleurs nuisible aux "droits de la défense", les personnes concernées n’ayant qu’un délai de dix jours pour réagir, et sans garantie qu’elles puissent être reçues afin de justifier de leur manquement. 

Hétérogénéité des sanctions

Autre critique : la confusion entre chômage et RSA. "Assimiler les allocataires du RSA à des demandeurs d’emploi indemnisés est une erreur de qualification juridique", estime le collectif. 

Un problème "renforcé" par la procédure d’orientation. "Des personnes cumulant plusieurs difficultés se retrouvent ainsi dans un parcours 'emploi' et doivent justifier au moins 15 heures d’activités obligatoires alors que ce parcours n’est pas adapté à leur situation. Elles sont d’autant plus susceptibles d’être sanctionnées car n’étant pas en capacité de respecter les obligations du contrat d’engagement", souligne le collectif dans son dossier de presse.

Enfin, pour le collectif, l’hétérogénéité des sanctions selon les départements et l’opérateur (qui peut être France Travail) porterait atteinte "au principe d’égalité et à la sécurité juridique".

Des départements durcissent les sanctions

Associations et syndicats observent déjà, à partir de remontées internes, les conséquences de la mise en œuvre du décret sanctions. "C’est un non-sens pour les professionnels de l’accompagnement", a souligné Lydie Nicol, secrétaire nationale de la CFDT, en charge notamment des politiques jeunesse et d’insertion. Ils subissent une "réelle pression" pour "faire appliquer les sanctions". 

"On a déjà un certain nombre de remontées de départements qui nous expliquent les différences de traitement, d'interprétations qui sont faites, dans l'application de cette sanction-remobilisation. Dans le Finistère par exemple, dès le premier manquement (…), c'est potentiellement 100% de l'allocation qui est suspendue pendant 4 mois", avance la syndicaliste. Certains départements "interprètent très durement le décret plutôt que d’essayer d’avoir une approche qui tienne compte des réalités et des difficultés des personnes", malgré l’obligation d’individualisation des sanctions, inscrite dans le décret. 

À France Travail, des syndicats constatent une mise en œuvre "arbitraire" des sanctions. La direction régionale Normandie de France Travail a décidé d’appliquer temporairement une sanction unique à tous les privés d’emploi de 80% de leur allocation pendant un mois, rapportaient la CGT et la FSU dans un communiqué publié en juin. Selon le Secours catholique, le département du Calvados a décidé de déléguer à France Travail la décision de sanctionner les bénéficiaires du RSA, comme le permet la loi pour le plein emploi. 

 

* Liste des associations : APF France Handicap, ATD Quart Monde, AequitaZ, Changer de cap, Coorace, Emmaüs France, MNCP, Ligue des droits de l’homme, Solidarité Paysans, Secours catholique-Caritas France, Solidaires, Mouvement des mères isolées

 

 

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