Sébastien Martin : "Je ne crois pas à une réindustrialisation sans les territoires"
Le ministre de l’Industrie a détaillé sa feuille de route devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée, jeudi 13 novembre. Il entend notamment travailler avec les régions à l’accompagnement des PME qui sont hors des radars des grands programmes nationaux tels que France 2030.
© Capture vidéo Assemblée nationale/ Sébastien Martin
Passé en peu de temps du Grand Chalon au ministère de l’Industrie, après un détour par le Palais Bourbon, Sébastien Martin ne change pas de ligne. "Je ne crois pas à une réindustrialisation sans les territoires. Je ne crois pas à une réindustrialisation sans les élus locaux", a-t-il martelé, jeudi 13 novembre, en présentant sa feuille de route devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.
Assimilant la volonté de réindustrialisation à une "religion de convertis" après des décennies à avoir considéré "assez benoîtement que ce pays pouvait bien fonctionner sans usine", le ministre a reconnu que la situation était précaire. Fin 2025, "la tendance économique est un peu moins florissante" qu’elle n’a pu l’être entre 2021 et 2024, a-t-il concédé, alors que la dernière édition du baromètre industriel de l'Etat est marquée par un essoufflement, avec deux fois plus de fermetures d’usines que d'ouvertures au premier semestre (lire notre article). Avocat du programme Territoires d'industrie, l’ancien président d’Intercommunalités de France plaide pour une "organisation alignée entre le monde industriel, l'Etat et les collectivités locales pour permettre aux projets d'atterrir, aux écosystèmes d'être animés et aux projets locaux d'être soutenus". Une organisation qui a porté ses fruits dans son agglomération qui a su rebondir après le choc de la fermeture au début des années 2000 de l’usine Kodak qui employait quelque 2.500 personnes. Aujourd’hui, "neuf usines sont sorties ou sont en train de sortir de terre", s’est félicité l’élu d’un territoire où le taux de chômage est tombé à 6,5%. Un exemple salué par le professeur du Cnam Olivier Lluansi, dans une étude qu’il vient de faire paraître pour La Fabrique de la cité : "Territoires : le défi du dernier kilomètre". L’ancien délégué aux Territoires d’industrie loue tout particulièrement le "plan local de développement de l’enseignement supérieur" qui permet à cette "agglomération de sous-préfecture" de maintenir et former les étudiants nécessaires à son développement économique. Pour Sébastien Martin c’est l’un des gros enjeux actuels car "on ne peut pas parler de l’industrie 4.0" sans outils de formation qui soient plus proches des sites de production, "de Bac-3 à Bac+3 et au-delà". "C'est un sujet que je dois aborder avec Philippe Baptiste et Edouard Geffray", les ministres de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Education nationale, a-t-il indiqué.
Nouvelles labellisations au fil de l'eau de "sites clés en main"
Sébastien Martin a également annoncé qu’il adresserait aux préfets "la semaine prochaine" avec Françoise Gatel (Aménagement du territoire et Décentralisation) une circulaire pour labelliser "au fil de l’eau" de nouveaux sites industriels clés en main. Ce dispositif est selon lui "la vraie réponse aux complexités administratives et aux délais". Le ministre s’est également dit "plutôt favorable" à l’idée d’une "garantie financière" pour permettre la requalification de sites après un accident industriel.
S’il se félicite des effets du programme France 2030 sur les ruptures technologiques, le ministre constate qu’il a surtout profité aux "très grandes entreprises". Voilà pourquoi il entend travailler à présent avec les conseils régionaux à l’accompagnement des PME et des PMI, "à ce patron de boîte qui est là dans son territoire depuis trente ans, quarante ans, cinquante ans, qui n'a jamais droit à rien et qui est souvent un sous-traitant d'un grand donneur d'ordre". "Nous avons un parc machine en France qui est l'un des plus anciens d'Europe, nous avons un niveau d'accès aux technologies numériques et à la robotisation qui n'est pas satisfaisant", a-t-il constaté.
Reconnaissant une "forme de naïveté" de l’Union européenne sur les questions industrielles et commerciales, le ministre a appelé - en pleine polémique "Shein" -, à "une forme de protection par rapport à une concurrence internationale débridée, assez déloyale et par ailleurs, qui ne partage pas nos valeurs". "Je suis Européen, je crois en la nécessité de l’Europe et que l’Europe est la bonne échelle de réaction, même si comme vous, je mesure aussi parfois la lenteur des réactions", a-t-il conclu.