Statut de l'élu local : la proposition de loi adoptée en deuxième lecture au Sénat

Le Sénat a adopté à l'unanimité en deuxième lecture, ce 22 octobre, la proposition de loi visant à créer un statut de l'élu local, très attendue par la classe politique locale. Il est revenu sur un certain nombre de dispositions votées par la commission des lois qui avaient déplu aux associations d'élus locaux, dont l'Association des maires de France.

L'ambiance était au consensus peu avant le vote sur la proposition de loi, ce 23 octobre. "Nous avons abouti à un texte qui va dans le bon sens", s'est félicité Laurent Somon (LR), tandis que pour le socialiste Pierre-Alain Roiron, "un pas important, mais mesuré" a été franchi. Une position partagée par le centriste Jean-Michel Arnaud, pour qui le texte faits de "petits pas", "n'est pas une révolution", mais permet d'"atteindre des cols".

Se disant "assez émue", la ministre de l'Aménagement du territoire, Françoise Gatel – qui était à l'origine de la proposition de loi, en tant que sénatrice – a affirmé que "la République reconnaît l'engagement de ceux qui la servent".

Le Sénat n'a pas modifié la décision prise par l'Assemblée nationale de cibler la hausse des indemnités des maires sur ceux des communes de moins de 20.000 habitants, en prévoyant une dégressivité (de + 10% pour les maires des communes de moins de 1.000 habitants à + 4% pour ceux des communes dont la population est comprise entre 10.000 et 20.000 habitants). L'indemnité de fonction maximale pour un maire d'une commune comprise entre 500 et 1.000 habitants serait fixée à 1.821 euros, contre 1.657 actuellement.

Hausse des indemnités en trompe-l'œil ?

La chambre haute a donc renoncé à augmenter de 10% les indemnités de tous les maires, une ambition qu'elle avait inscrite dans le texte lors de l'examen en première lecture, en mars 2024. Certains sénateurs, dont Bernard Delcrois, président de la délégation aux collectivités, ont toutefois alerté sur le fait que la hausse des indemnités des maires des petites communes sera en trompe l'œil si la dotation particulière "élu local" (DPEL) n'est pas accrue simultanément dans le projet de loi de finances pour 2026, pour la compenser.

Le Sénat a par ailleurs modifié les dispositions établies par sa commission des lois concernant l'extension à l'ensemble des membres des exécutifs locaux - donc au-delà du maire, comme c'est la règle aujourd'hui - de la fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal. La Haute Assemblée a supprimé l'extension de ce principe aux adjoints au maire, revenant ainsi au texte qui avait été adopté par les députés. Mais elle a aussi fait disparaître l'extension pour les vice-présidents des intercommunalités, des départements et des régions. La fixation des indemnités de fonction du maire et des adjoints au maximum légal conduisait à "rigidifier fortement la marge d'appréciation du conseil municipal dans l'attribution des indemnités de fonction", ont expliqué les défenseurs des amendements (indépendants et macronistes). En effet, l'application du maximum légal "consommerait toute l'enveloppe indemnitaire", empêchant sa répartition à d'autres élus, comme les conseillers délégués. 

Retraites : bonification limitée à trois trimestres

Les sénateurs ont voté la mesure majorant la durée d’assurance d’un trimestre pour un mandat complet effectué en tant que membre de l’exécutif, mais en la limitant à trois trimestres supplémentaires au total par élu – contre un plafond de huit trimestres dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. Le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, a soutenu cette modification en raison du contexte budgétaire, soulignant qu'un tel dispositif constituait "une entorse au principe contributif du système de retraites". Il a évalué le coût de cette mesure à 230 millions d'euros.

S'agissant des dispositions visant à clarifier le régime de la prise illégale d'intérêt, le Sénat et le gouvernement ont "trouvé non pas un compromis, mais un accord exigeant", s'est félicitée la ministre de l'Aménagement du territoire, Françoise Gatel. Un accord "avec lequel les associations d'élus sont en phase", a-t-elle ajouté non fortuitement. En effet, la commission des lois avait adopté le 15 octobre des modifications au texte de l'Assemblée nationale. Et selon l'Association des maires de France (AMF), celles-ci rétablissaient le principe de la prise illégale d’intérêts entre deux intérêts publics. Cela "va continuer de mettre en difficulté les élus dans l’exercice de leur mandat", critiquait-elle dans une tribune publiée le 20 octobre, qui depuis, a été cosignée par "les principaux dirigeants de l’association" et "90% des présidents d’associations départementales (AD)", selon le quotidien Maire-info.

"Texte équilibré"

Une tribune dans laquelle, par ailleurs, l'AMF s'emportait contre une mesure "au caractère accusatoire" voulue par les sénateurs de la commission des lois. Ces derniers proposaient que les maires et présidents d'intercommunalité "prennent publiquement l’engagement de respecter les valeurs de la République" mentionnées par la charte de l'élu local. En outre, ils ajoutaient dans la charte l'engagement à "respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de dignité de la personne humaine ainsi que les lois et les symboles de la République." Pour l'AMF, cette nouvelle exigence s'apparentait à demander aux élus locaux de prêter serment en début de mandat, ce qu'en séance, la rapporteure, Jacqueline Eustache-Brinio, a nié avoir voulu établir. Dans le texte finalement adopté au terme d'une longue et vive discussion dans l'hémicycle, les ajouts à la charte de l'élu local ont été validés, sans toutefois l'obligation de promettre publiquement de les respecter.

Le Sénat "a adopté un texte équilibré et porteur d’avancées", s'est réjoui l'AMF dans un communiqué, ce 23 octobre.

La proposition de loi regagne maintenant l'Assemblée nationale, où elle doit être examinée en seconde lecture, à une date qui n'est pas encore fixée. Les débats budgétaires dans l'hémicycle, rendus prioritaires du fait d'un calendrier ultra-serré, risquent de repousser la discussion sur le texte au début de l'année 2026. Or, une commission mixte paritaire devra encore se réunir, si la proposition de loi n'est pas adoptée conforme par les députés. La fenêtre de tir d'ici les municipales de mars est donc étroite.

 

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