Statut de l'élu local : la proposition de loi franchit l'étape de l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté le 10 juillet la proposition de loi sur le statut de l'élu local, destinée notamment à encourager les vocations à l'approche des élections municipales. Les débats ont notamment porté sur le coût, jugé excessif par certains, de l'amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux. Mais plusieurs mesures favorables ont été validées, comme l'attribution de trimestres de retraite supplémentaires aux élus locaux et une hausse des indemnités des maires et adjoints aux maires des communes de moins de 20.000 habitants.

Avant que la session extraordinaire ne prenne fin ce 10 juillet vers 16h20, l'ambiance était au consensus dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Un moment plutôt rare sous cette législature placée d'habitude sous le signe de l'opposition entre les trois blocs composant la chambre basse.

L'objet de cette entente cordiale entre les députés : la proposition de loi "portant création d'un statut de l'élu local", rebaptisée "proposition de loi visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local". Au terme d'un débat qui avait démarré le 7 juillet au soir, les députés ont adopté en première lecture ce texte d'origine sénatoriale par 132 voix pour et aucune voix contre. Mais le groupe LFI et une majorité des députés démocrates (Modem et apparentés) se sont abstenus.

Financement de la protection fonctionnelle, retraite, conflits d’intérêts, formation... Sur plusieurs points, les députés LFI restent insatisfaits. Leurs collègues démocrates déplorent eux, malgré leur "attachement" aux élus locaux, la "surenchère" de ces derniers jours. Les mesures adoptées "risquent de faire exploser les dépenses publiques" et "une partie" d'entre elles se traduira par des "charges nouvelles" pour les budgets locaux, a regretté Blandine Brocard, au nom du groupe. 

Indemnités : les hausses concentrées sur les petites communes

"Nous avons accompli de grandes avancées pour les élus locaux, pour ce qu’ils représentent, et pas uniquement à travers les indemnités", s'est félicité le ministre de l'Aménagement du territoire, François Rebsamen. "Ce texte est en réalité une petite loi, qui ne répondra pas à la crise majeure des élus locaux", avait estimé quelques minutes auparavant le député RN Bruno Bilde, en jugeant toutefois que le texte apporte des "réponses utiles et attendues". Cet avis est partagé par les autres groupes politiques. Pour les communistes, Stéphane Peu a quant à lui salué "la volonté de favoriser le recrutement d’un personnel politique local à l’image de la société, c’est-à-dire socialement hétérogène".

Avant les explications de vote sur le texte, les députés ont adopté à l'unanimité un amendement des rapporteurs, Didier Le Gac (EPR) et Stéphane Delautrette (Soc), augmentant de 10% les indemnités de fonctions des adjoints au maire des communes de moins de 1.000 habitants et, par ailleurs, relevant avec des taux dégressifs celles des adjoints aux maires des autres communes inférieures à 20.000 habitants (+ 4% pour les communes de la strate allant de 10.000 à 20.000 habitants). Les députés ont ainsi aligné les modalités de la hausse des indemnités des adjoints aux maires sur celles qu'ils avaient décidé plus tôt de mettre en place pour les indemnités des maires des communes de moins de 20.000 habitants. "Pour un maire d’une commune de moins de 1.000 habitants, l’augmentation sera d’un montant de l’ordre de 60 euros", a indiqué le ministre de l'Aménagement du territoire.

Les indemnités des maires et de leurs adjoints des communes de plus de 20.000 habitants demeureront, elles, stables. Ce qui diffère sensiblement de la copie qu'avait rendue les sénateurs, laquelle prévoyait une hausse de "10% pour les indemnités de tous les maires quelle que soit la taille de la commune", a rappelé Didier Le Gac.

Bonification en matière de retraites

"Cette revalorisation n’est pas une obligation", mais dans l'hypothèse "où toutes les communes décideraient d’appliquer l’augmentation" aux maires, il en coûterait 53 millions d'euros aux communes concernées, a par ailleurs précisé François Rebsamen. Toutefois, toutes les communes ne devraient pas mettre en oeuvre la mesure. En comparaison, les dispositions votées par le Sénat sur les indemnités des maires induisaient, sous les mêmes hypothèses, une facture de 65 millions d'euros.

La question du coût de l'amélioration de l'exercice des mandats locaux est souvent revenue dans les débats, certains députés macronistes et démocrates en particulier pointant un anachronisme, alors que 40 milliards d'euros d'économies sont recherchées dans le prochain budget. "La démocratie locale a un coût et il faut l’accepter", a rétorqué  Stéphane Delautrette. Un avis partagé par des députés de tous les bancs, notamment lors de la discussion d'un amendement du gouvernement prônant la suppression de l'octroi aux exécutifs locaux d'un trimestre supplémentaire par mandat pour le calcul de leurs pensions de retraite, dans la limite de huit trimestres supplémentaires sur la carrière. L'amendement a été rejeté.

Les députés ont aussi décidé, mais cette fois sans rencontrer l'opposition du gouvernement, d'élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux élus locaux n'exerçant pas de fonction exécutive, bien que la mesure puisse générer de nouvelles dépenses pour les collectivités. En effet, en séance, ils ont confirmé les orientations prises en ce sens en commission.

Nouveaux droits pour les étudiants 

Les députés ont également créé de nouveaux droits pour favoriser l'engagement dans la vie locale. Ils visent en particulier à permettre à davantage d'étudiants d'exercer un mandat local. Les établissements d’enseignement supérieur pourront "prévoir des aménagements dans l’organisation et le déroulement des études et des droits spécifiques (…) pour les étudiants candidats à une élection à un mandat électif". Par ailleurs, les étudiants boursiers ne pourront pas voir leur bourse suspendue en cas d'absences en cours si celles-ci sont justifiées par l'exercice d'un mandat local. Les personnes handicapées vont bénéficier elles aussi de mesures facilitant leur engagement dans la vie locale. Elles bénéficieront du "remboursement des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide de toute nature qu’elles ont engagés et qui sont liés à l’exercice de leur mandat". En outre, "une personne référente à l’inclusion des élus locaux handicapées et à l’accessibilité" sera désignée "au sein de chaque préfecture".

Les députés ont confirmé la volonté de la commission des lois de clarifier les situations de conflits d’intérêts public-public, un sujet qui, selon les rapporteurs, "suscite depuis plusieurs années des incompréhensions et de nombreuses interrogations parmi les élus locaux". Les mesures adoptées représentent "une avancée majeure", a salué France urbaine dans un communiqué.

À noter aussi : les communes pourront décider de mettre en place un remboursement forfaitaire des frais de garde d’enfants ou d’assistance à domicile engagés par les conseillers municipaux, ce qui évitera à ceux-ci "la constitution de dossiers justificatifs parfois complexes et intrusifs".

Formation : des ambitions plus limitées

Plusieurs amendements votés en séance reviennent toutefois sur des mesures qui avaient été adoptées en commission. L’organisation par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de formations pour les élus municipaux des communes de moins de 3.500 habitants a ainsi été supprimée. En outre, les élus devront suivre "une session d'information" et non "de formation", au cours des six premiers mois de leur mandat.

Avec le soutien de l'Association des maires de France (AMF), les députés ont par ailleurs maintenu les délais de convocation actuels des conseils municipaux (3 jours francs pour les communes de moins de 3.500 habitants et l’ensemble des communes de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut Rhin, 5 jours francs pour les communes de 3.500 habitants et plus), alors que la commission des lois avait voulu les augmenter.

Le texte repart à présent au Sénat, où la seconde lecture est prévue pour le 23 septembre. Le rapporteur Stéphane Delautrette a dit espérer que l'adoption définitive du texte ait lieu avant le congrès de l'AMF qui se tiendra du 18 au 20 novembre.

 

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