Élus locaux : en commission, les députés approuvent la proposition de loi sur le "statut"
La commission des lois de l'Assemblée nationale a donné un avis favorable, le 18 juin, à la très attendue proposition de loi créant un statut de l'élu local. Les députés l'ont remaniée notamment pour simplifier les règles en matière de conflits d'intérêts public-public, étendre la modulation des indemnités de fonctions à toutes les communes, favoriser l'engagement des personnes handicapées dans la vie politique locale, ou encore étoffer la formation initiale en début de mandat. La discussion dans l'hémicycle débutera le 8 juillet.

© Capture vidéo Assemblée nationale/ Stéphane Delautrette et Didier Le Gac
"Il n'y a pas de [voix] contre", a constaté le président de la commission, Florent Boudié, au terme de deux jours consacrés à l'examen de ce texte issu du Sénat et des 473 amendements déposés.
La veille, l'un des deux rapporteurs, Stéphane Delautrette, qui préside la délégation aux collectivités territoriales, avait insisté sur le fait que le texte fait l'objet d'une "préoccupation largement partagée par [les] groupes politiques" de l'Assemblée nationale. Cela "me donne de l'espoir pour une adoption rapide de ce texte, en tout cas avant les élections municipales" de mars 2026, s'était-il réjoui.
L'examen de la proposition de loi en séance qui aura lieu durant la session extraordinaire - du 8 au 11 juillet – sera suivi de la réunion d'une commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs).
"Lever les freins à l'engagement"
La proposition de loi a pour but de "lever les freins à l'engagement des élus", "simplifier leur quotidien et ne pas les décourager au cours du mandat ou à l'issue de celui-ci", a souligné Didier Le Gac (EPR), l'autre rapporteur. Il s'agit de "s'assurer que chaque citoyen, s'il le souhaite, puisse s'engager dans la vie locale", a complété Stéphane Delautrette. Mais le texte "ne va pas remédier à toutes les difficultés que rencontrent les élus locaux", le renforcement de leur "pouvoir d'agir" étant renvoyé aux "débats budgétaires". Le député socialiste de Haute-Vienne a aussi mis en avant l'idée que les réformes constituent un "continuum", citant entre autres la loi de mars 2024 sur la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
Soulignons que les députés ont décidé d'une clarification sur "les conflits d’intérêts public-public" (amendements CL454 et CL455), un sujet qui, selon les rapporteurs, "suscite depuis plusieurs années des incompréhensions et de nombreuses interrogations parmi les élus locaux". S'inspirant de propositions faites par les associations d'élus locaux, ils ont ainsi exclu des situations de conflits d’intérêts toutes les situations dans lesquelles la collectivité a désigné l’élu pour siéger au sein d’un autre organisme ou groupement. Ils ont par ailleurs procédé à une modification de la définition du conflit d’intérêts (afin de réserver cette notion aux seuls cas de conflit d’intérêts public-privé) et à une clarification de la question du déport (amendement CL461). Le nouveau dispositif adopté permet de "lever clairement les zones grises, tout en sécurisant juridiquement les élus engagés sur plusieurs niveaux de collectivités", souligne Didier Le Gac dans un communiqué.
La commission des lois a par ailleurs adopté de très nombreuses dispositions dans l'objectif principal d'améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux.
- Suppression de la disposition fixant par défaut au maximum légal le niveau des indemnités de fonctions des adjoints au maire (CL 493). La hausse des indemnités de fonctions des adjoints au maire est toutefois maintenue.
- Extension de la faculté de moduler les indemnités de fonctions des élus municipaux à l'ensemble des communes (CL151), afin de tenir compte d'une récente décision du Conseil constitutionnel ayant censuré les dispositions qui limitaient cette possibilité de modulation aux seules communes de plus de 50.000 habitants (voir notre article).
- Suppression des dispositions prévoyant la prise en charge des frais de représentation des présidents de conseil départemental et de conseil régional par leurs collectivités (CL391).
- Relèvement des délais de convocation des conseillers municipaux aux réunions du conseil municipal. Ils sont portés de 3 à 5 jours dans les communes de moins de 3.500 habitants et de 5 à 7 jours dans celles qui dépassent ce seuil (CL300).
- Autorisation de la tenue en visioconférence des réunions des bureaux des établissements publics de coopération intercommunale (CL80). Tout comme celle sur les conflits d'intérêts, cette mesure traduit l'une des annonces que le gouvernement a faites dans le cadre du "Roquelaure de la simplification".
- Maintien de l'incompatibilité actuelle entre l'exercice d’un mandat d'élu d'une intercommunalité et un emploi salarié au sein d'une commune membre de ce même groupement de communes (CL175). Les sénateurs étaient revenus sur cette incompatibilité.
- Création d'une aide de l'État pour que les "artisans agriculteurs" et les "commerçants indépendants" s’investissent dans un mandat électif (CL266).
- Création d'un "droit opposable" tendant à permettre aux élus handicapés de bénéficier des aménagements du poste de travail ou de la prise en charge des frais liés à la compensation dont ils ont besoin (CL96). En outre, préparation par le gouvernement d'un rapport au Parlement sur les conditions d’exercice du mandat des élus en situation de handicap (CL84).
- Obligation pour le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de dispenser des formations à destination des conseillers municipaux des communes de moins de 3.500 habitants, dans le cadre du droit individuel à la formation (CL478).
- Organisation au cours des six premiers mois du mandat (et non au cours des trois premiers) d'une "session de formation" (et non "d'information") pour tout membre de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale (CL292 et CL456). Plusieurs nouveaux modules obligatoires sont ajoutés : sur la prévention et la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles (CL457), les outils de lutte contre les violences et les menaces à l'endroit des élus (CL227) et la lutte contre les discriminations (CL263).
- Suppression de l’extension aux communes de 3.500 à 10.000 habitants du financement - par la dotation particulière élu local (DPEL) - de la prise en charge des frais de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées à toute "réunion liée à l’exercice du mandat" au-delà de la seule participation aux réunions institutionnelles (CL201).
- Obligation pour l'État de prendre un arrêté "déterminant un modèle de délibération" pour fixer les modalités de remboursement aux élus locaux des frais de garde d’enfants ou d’accompagnement de personnes dépendantes (CL188).
- Maintien des dispositions actuelles permettant, en cas d'arrêt maladie, à un élu local de poursuivre l'exercice de son mandat. Un accord formel du médecin sera requis et non "l'absence d'avis contraire", comme le souhaitaient les sénateurs (CL453).
- Création d'un "référent santé mentale pour les élus locaux" auprès de chaque préfecture (CL376).
- Redéfinition des conditions d’octroi de la protection fonctionnelle aux élus mis en cause pénalement (CL431).
- Suppression des dispositions prévoyant un engagement des élus locaux à respecter les principes, les lois et les symboles de la République et à "s'abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public", qui avaient suscité une vive réaction notamment de l'Association des maires de France (CL383).
- Suppression de l’article prévoyant le pré-remplissage des déclarations d’intérêts des élus locaux par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (CL388).
De nombreux amendements créant une charge financière supplémentaire pour les collectivités territoriales ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution prévoyant que les amendements ne peuvent "créer ou aggraver" une charge publique.