Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte), année 2

La 2e édition de la Spafte enseigne qu'en 2024, les investissements bas-carbone, estimés à 113 milliards d'euros, sont en baisse de 3 milliards, après plus d'une décennie de hausse ininterrompue. En cause, une contraction des investissements des ménages (-5 milliards), qui "historiquement, investissent massivement dans la rénovation de leurs logements et dans la construction neuve à haute performance énergétique", deux postes en net recul l'an passé (-3 milliards chacun). Le document estime que les investissements bas-carbone annuels doivent plus que doubler d'ici 2030, et les investissements carbonés être réduits de moitié.

"Un business plan ou un business report". C'est ainsi que Bercy présente à la presse la "stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale" (Spafte), dont la 2e édition vient d'être publiée ce 27 octobre. Si l'un permet l'autre, l'hésitation entre regard dans le rétroviseur et véritable plan de marche traduit le caractère encore balbutiant de l'exercice, déjà relevé l'an passé (lire notre article du 22 octobre 2024). 

Un "document d'information"

La Spafte "fixe des orientations pour accompagner les changements technologiques et de comportements des acteurs économiques des grands secteurs de notre économie : le logement, les transports, l'alimentation, la production industrielle", explique le ministre Roland Lescure. Le ministère de la Transition écologique précise que cette "stratégie" reste toutefois "un document d'information, pas une loi de programmation". Un document qui se veut pédagogique, puisque l'objectif avancé est "d'outiller chaque parlementaire sur les enjeux de la transition écologique", mais aussi le grand public. "C'est un exercice qui continue à évoluer", est-il encore confessé. 

Des investissements bas-carbone en baisse…

Principal enseignement de cette édition, le total des investissements bas-carbone réalisés en 2024 en France dans les transports, les bâtiments, le secteur énergétique et l'industrie, estimés à 113 milliards d'euros, est à la baisse : moins 3 milliards d'euros par rapport à 2023. Une première, après plus d'une décennie de hausse. Elle s'explique par la contraction des investissements des ménages (-5 milliards, pour un total de 41 milliards). "Historiquement, ces derniers investissent massivement dans la rénovation de leurs logements et dans la construction neuve à haute performance énergétique", enseigne le document. Or les postes bas-carbone de la construction neuve de logements et les investissements dans la rénovation des logements sont tous deux en baisse (-3 milliards d'euros chacun), "en lien avec la réforme des soutiens publics en défaveur des monogestes et en faveur des rénovations d’ampleur". 

À l'inverse, parmi les investissements en hausse, figurent "la production d'électricité bas-carbone, ses réseaux et la gestion des déchets" (+1 milliard), notamment portée par la relance du chantier de Flamanville, les investissements dans les véhicules routiers bas-carbone (+1 milliard) et ceux dans les infrastructures cyclables, la construction de nouvelles lignes ferroviaires et de transports en commun (+1 milliard). 

Rôle "crucial" des collectivités sur la décarbonation de l'économie

Au total, la très grande majorité de ces investissements bas-carbone restent portés directement par le secteur privé : 96 milliards d'euros en 2024, ceux des entreprises poursuivant leur progression (55 milliards, vs 53 en 2023). Ceux du secteur public restent une nouvelle fois stables, avec 17 milliards investis dans des actifs publics, montant peu ou prou inchangé depuis 2019.

Les auteurs de la Spafte insistent pour autant sur le "rôle crucial" joué par les collectivités territoriales "pour le financement de la décarbonation de l'économie française". Le document fait état d'environ 9 milliards d'euros de dépenses d'investissement bas-carbone réalisées par les collectivités en 2023 ("chiffre préliminaire", celui de 2024 n'étant par ailleurs pas encore estimé), "soit environ 15% de leurs dépenses d'investissement totales". Un montant obtenu en additionnant les dépenses d'équipements bénéficiant aux projets portés par les collectivités et les subventions d'équipement qu'elles apportent à des projets "portés par d'autres acteurs".

Le soutien aux mobilités bas-carbone représente les deux-tiers de cette enveloppe, le document mettant en exergue le financement des infrastructures et matériels dans les transports ferroviaires et fluviaux, des transports en commun urbains, des aménagements cyclables et de la décarbonation de leurs véhicules routiers. Autre "part importante" de ces financements bas-carbone, la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités. Sont encore évoqués l'amélioration de la performance de l'éclairage public, la prévention et la gestion des déchets, "certains aménagements d'espaces naturels" ou encore l'acquisition d'espaces forestiers.

Transports et bâtiments

Un "rôle de premier plan" que devront continuer de tenir à l'avenir les collectivités territoriales, "qui s'administrent librement, dans les financements favorables à l'atténuation du changement climatique", indique la Spafte. Un véritable défi, puisque cette dernière juge que "pour atteindre ses objectifs climatiques, la France doit doubler son total d'investissements bas-carbone annuels d'ici 2030" ("plus de 82 milliards/an"). Une hausse qui concerne deux principaux postes : la décarbonation des transports (+39 milliards/an) et la rénovation des bâtiments (+27 milliards/an), lesquelles ne sont effectivement pas sans concerner directement les collectivités. 

Dans le même temps, tous les acteurs sont invités à "réduire leurs financements d'investissements carbonés", de 50% d'ici 2030. Au total, ces derniers ont atteint 96 milliards en 2024. Ils sont en baisse de 3 milliards par rapport à 2023, passant de 30 à 28 milliards chez les ménages, de 59 à 58 milliards chez les entreprises et de 10,5 à 10,4 milliards dans le secteur public.

Là encore, ils concernent majoritairement les transports (52 milliards pour les véhicules thermiques neufs, 17 milliards pour les routes) et "la construction neuve artificialisante de bâtiments" (17 milliards). Logiquement, pour les collectivités, la Spafte met donc en avant "le potentiel d'économies lié à la sobriété foncière", la moitié des financements carbonés correspondant "aux constructions de bâtiments neufs qui induisent une artificialisation des sols" (à l'heure de la construction de la ville sur la ville et de la réhabilitation des friches industrielles, relevons que ce n'est pas nécessairement le cas). Ainsi que "la réduction des achats de véhicules thermiques", qualifiée "d'enjeu significatif". Non sans raison, le document enseignant qu'en 2023, les véhicules thermiques constituaient 64% des acquisitions de voitures particulières, 76% des acquisitions de véhicules utilitaires légers et 91% des acquisitions de poids lourds faites par les collectivités.

Pour faciliter leurs arbitrages, "la mise en cohérence des plans pluriannuels d'investissement des collectivités avec les objectifs climatiques apparaît pertinente" aux auteurs de la Spafte. Et pour que ces dernières soient en mesure de passer à l'acte, le document leur préconise de s'appuyer "sur des partenariats public-privé et des soutiens ciblés du groupe Caisse des Dépôts, à travers la Banque des Territoires, de l'État et de l'Union européenne". Le document avance également la piste de l'émission "d'obligations vertes", prenant exemple des opérations conduites en 2023 par les régions Nouvelle-Aquitaine et Île-de-France.

Volet adaptation

La Spafte souligne de même que "les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs du financement de l'adaptation, en raison en particulier de leur rôle central pour l'aménagement du territoire et des spécificités locales inhérentes aux enjeux d'adaptation". Sur ce volet, les données se font toutefois encore plus lacunaires. "La mise en place progressive d'une obligation d'évaluation environnementale des dépenses d'investissement des collectivités à partir de 2025, qui devrait concerner l'adaptation à partir de 2028, permettra d'améliorer l'information disponible", est-il observé. Les postes de dépenses sont toutefois d'ores et déjà bel et bien au rendez-vous, égrenés par le document : prise en compte du confort d'été, prévention des inondations, adaptation aux risques émergents de montagne, protection des bâtiments contre les risques cycloniques, prévention des risques d'incendie de forêt – les collectivités étant par ailleurs les premiers financeurs des Sdis –, adaptation au recul du trait de côte, désimperméabilisation et végétalisation des villes, renaturation…

Par ailleurs, et pour la première fois, est encore souligné le rôle des collectivités dans le financement de la biodiversité, dans la mise en œuvre concrète de la politique de l'eau, dans le financement des mesures encourageant la réduction des pollutions (tout en relevant que leurs dépenses "soutenant le transport aérien et routier contribuent à soutenir indirectement la pollution de l'air") ou encore dans le financement de la prévention et de la gestion des déchets. Qui sont autant de postes à financer.

 

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