Taxe sur les Gafa : Bruno Le Maire présentera un projet de loi fin février
La taxe sur les Gafa prendra la forme d'un projet de loi spécifique attendu en conseil des ministres fin février. C'est ce qu'a indiqué, ce week-end, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire déposera "un projet de loi spécifique d’ici à fin février" visant à taxer les géants du numérique, les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon). C’est ce qu’il a annoncé, dans Le journal du dimanche du 20 janvier. Le texte vise à suppléer l’absence d’accord au niveau européen, en raison des réticences de l’Allemagne qui craint des mesures de rétorsions américaines sur l’industrie automobile, mais surtout de l'Irlande, du Danemark et de la Suède. Cela fait des mois que le ministre en défend l’idée. On ne savait toujours pas quelle forme prendrait l’initiative : amendement au projet de loi Pacte, loi de finances rectificative avec l’idée de trouver de nouvelles recettes pour compenser les mesures d’urgences sociales prises dans le cadre de la crise des gilets jaunes…
Avec ce texte spécifique donc, la taxe sera rétroactive au 1er janvier 2019. "Nous travaillons à une taxe appliquée dès cette année qui touchera toutes les entreprises qui proposent des services numériques représentant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros au niveau mondial et 25 millions d'euros en France", précise le ministre. "Si ces deux critères ne sont pas réunis, elles ne seront pas imposées", explique-t-il. Le taux de la taxe sera modulé en fonction du chiffre d’affaires avec un maximum de 5%. Le gouvernement en escompte environ 500 millions d’euros par an. La taxe répond à un "objectif de justice parce que personne ne peut accepter que les géants du numérique soient taxés 14 points de moins que les entreprises françaises, en particulier que nos PME", a souligné Bruno Le Maire en marge d'une visite dimanche au Caire. "Et c'est aussi un objectif d'efficacité fiscale, parce que si nous voulons, au XXIe siècle, financer nos services publics, nos crèches, nos hôpitaux, nos écoles, nos universités, nos forces de police ou autre, nous avons besoin d'avoir un financement stable qui repose sur la valeur créée par les données et le digital", a-t-il ajouté.
"Opération d'enfumage"
Plusieurs initiatives du même genre ont vu le jour ces derniers mois, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Espagne. Cependant pour l’organisation Attac, "on continue l’opération d’enfumage". "Si l’expression 'taxe Gafa' (…) est alléchante, l’ambition de cet impôt semble limitée, comme le montre son rendement modique estimé à 500 millions d’euros", estime l’association, alors que la taxe devrait se limiter à 3% et que les géants du numérique ont "trouvé la parade" en déclarant leurs revenus "dans des pays où ils échappent à l’impôt, comme l’Irlande ou les Pays-Bas". "Les deux filiales d’Apple en France déclarent un chiffre d’affaires inférieur à 800 millions d’euros, alors qu’on estime leur chiffre d’affaires réel à au moins 4 milliards !", prend pour exemple Attac qui défend pour sa par l’idée d’une "taxation unique" qui consisterait à prendre en compte la multinationale dans son ensemble, avec toutes ses filiales.
C’est pour éviter les risques de distorsions que le dossier est aussi porté au niveau international (G20 et OCDE) et au niveau européen. Le commissaire aux Affaires économiques Pierre Moscovici avait présenté un projet de directive le 21 mars 2018. Mais les questions fiscales nécessitant l’unanimité, trouver un consensus est particulièrement difficile, d’où la proposition faite par la Commission aux Etats membres, le 15 janvier, de statuer sur certains sujets fiscaux non plus à l’unanimité mais à la majorité qualifiée. Pourtant, Bruno Le maire estime, dans le Journal du dimanche, qu’un accord est encore possible "d'ici à la fin mars", sur la base d'un compromis trouvé en décembre. L'idée serait de faire accepter l’automaticité d’une taxe européenne si aucun accord n’est trouvé à l’échelle internationale d'ici 2020. "A quelques mois des élections européennes, nos citoyens ne comprendraient pas que nous renoncions", insiste Bruno Le Maire.
Le sujet de la taxation du numérique interroge aussi la fiscalité locale : l’Association des maires de France (AMF) avait tenté, en vain, il y a quelques mois, d’instaurer une taxe sur les colis commandés en ligne, arguant que les plateformes numériques de type Amazon utilisent les équipements financés par les collectivités (routes, recyclage des déchets des colis…) sans y contribuer. L'an dernier, le gouvernement avait aussi confié à l'Inspection générale des finances le soin de proposer un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce, mais ses conclusions n'ont jamais été rendues publiques. La grande réforme de la fiscalité locale pourrait être l'occasion de remettre le sujet sur la table.