Archives

Territoires zéro chômeur et insertion par l'activité économique : une proposition de loi est déposée

Déposée par le groupe LREM avec le Modem, une proposition de loi visant à renforcer "l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique" et "l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée" pourrait permettre à 30 nouveaux territoires de rejoindre l'expérimentation. Côté insertion, l'agrément de Pôle emploi serait supprimé pour faciliter l'entrée en parcours et un "CDI inclusion" serait dédié aux seniors fragilisés proches de la retraite. Face à la grave crise qui s'annonce et pour soutenir les plus fragiles, un "CDI renforcé" serait enfin destiné à faciliter l'embauche grâce au financement par Pôle emploi d'une période de tutorat au sein de l'entreprise.

Attendue depuis des mois par les acteurs des Territoires zéro chômeur de longue durée (voir notre article du 28 avril 2020), le dépôt d'une proposition de loi visant à prolonger et approfondir l'expérimentation a été annoncé le 10 juin 2020 en hémicycle par la députée Marie-Christine Verdier-Jouclas (LREM, Tarn) au nom du groupe majoritaire. Porté par les groupes LREM et Modem, le texte comporte également un volet dédié à l'insertion par l'activité économique (IAE) et dans l'emploi. Etant donné l'ampleur de la crise économique et sociale qui démarre, les députés qui portent la proposition de loi entendent faire sauter rapidement plusieurs verrous pouvant freiner l'insertion des publics déjà fragiles, tout en proposant de nouveaux outils. Des propositions qui interviennent alors que le ministre de l'Economie vient d'appeler à l'émergence de "solutions nouvelles" face à la vague de faillites qui s'annonce (voir notre article du 10 juin 2020).  

Poursuite de l'expérimentation Territoires zéro chômeur… avec des garde-fous

L'urgence, c'est d'abord que la loi autorise le lancement de la deuxième étape de l'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, la période de cinq ans ouverte par la première loi de 2016 arrivant prochainement à son terme. Il faudrait pour cela que l'examen du texte commence au plus tard fin septembre, a indiqué à Localtis Marie-Christine Verdier-Jouclas. Dans le texte proposé, les 10 territoires déjà dans l'expérimentation pourraient la poursuivre et jusqu'à 30 autres territoires pourraient les rejoindre, toujours pour une durée de cinq ans. "On proroge, mais on tient compte des recommandations qui figurent dans les évaluations", explique Marie-Christine Verdier-Jouclas. Avec en particulier "une condition sine qua non" : le recentrage des recrutements sur une cible répondant aux critères initialement définis - privation d'emploi depuis plus d'un an et domiciliation depuis également au moins un an dans le territoire d'expérimentation.

Autre objectif pour cette deuxième étape, selon la proposition de loi : "renforcer les conditions d’habilitation des territoires pour ne retenir que les territoires qui sont prêts et se sont donnés les moyens de réussir, d’assurer la mobilisation de l’ensemble des acteurs territoriaux tant en ressources humaines qu’en financement". Pour la députée du Tarn, par la création d'activités de proximité, "l'expérimentation répond particulièrement au frein de la mobilité en milieu rural", ce qui pourrait conduire à faire de la ruralité l'un des critères pour prioriser. A ce jour, 114 "projets émergents" ont été validés par l'association Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD)… soit 114 territoires candidats pour potentiellement 30 places. Le texte introduit par ailleurs une possibilité pour le ministère du Travail de mettre fin à l'expérimentation au bout de trois ans, les collectivités ou groupements de collectivités habilités ne l'étant que pour trois ans. Il est aussi mentionné explicitement que le département finance l'expérimentation au même titre que l'Etat, alors que la contribution des autres collectivités reste sur la base du volontariat.

Simplifier l'entrée en parcours d'insertion

Dans son titre I, le texte propose de renforcer l'insertion par l'activité économique (IAE) par la suppression de l'agrément attribué par Pôle emploi pour démarrer un parcours d'insertion. "Il s'agit d'alléger une procédure qui fait perdre du temps, le délai pouvant être aujourd'hui de six mois", précise Marie-Christine Verdier-Jouclas. Dans cette nouvelle configuration, les personnes seraient déclarées "éligibles" au parcours d'insertion par les prescripteurs – missions locales, travailleurs sociaux des départements… – ou directement par la structure d'IAE dans le cadre du recrutement : une simplification demandée de longue date par les acteurs du secteur.

Un "CDI inclusion" serait aussi créé, pour permettre à des entreprises d'insertion d'embaucher, potentiellement jusqu'à l'âge de la retraite, des "salariés âgés d’au moins 57 ans, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières". Fortement touché par le contexte de crise sanitaire, "le secteur des entreprises d'insertion devrait perdre 27% de son chiffre d’affaires escompté sur l’année 2020", soit "un risque de disparition de 10.000 équivalents temps plein pour l’année", selon une étude de la société EY pour la Fédération des entreprises d’insertion diffusée le 10 juin. Avec ces mesures, il s'agit de multiplier les recrutements et de "concrétiser enfin le pacte d'ambition pour l'IAE défini en 2019", selon le député Didier Baichère (LREM, Yvelines), interrogé par Localtis.

Autre nouvel outil proposé : un "CDI renforcé", qui serait expérimenté dans certains territoires pour "prévenir le chômage de longue durée par un dispositif d’accélération du retour vers l’emploi". "Compte tenu de la situation, des personnes qui ne l'avaient pas anticipé vont se retrouver au chômage et, si elles y restent trop longtemps, elles peuvent se 'démonétiser' aux yeux des employeurs", décrypte Didier Baichère. Il s'agirait d'un CDI de droit commun, accessible à des personnes en situation de fragilité sur le marché de l'emploi – jeunes de moins de 30 ans, chômeurs de longue durée, allocataires du RSA, mais aussi demandeurs d'emploi estimés moins "agiles" par Pôle emploi. Encadré dans le cadre d'une convention tripartite employeur-salarié-Pôle emploi, le contrat comporterait une phase de formation-tutorat interne à l'entreprise de deux à quatre mois qui serait financée par Pôle emploi. De quoi "créer de la confiance", tout en évitant un dispositif "stigmatisant", juge Didier Baichère, qui espère que "les entreprises jouent le jeu".