Territoires zéro non-recours : une mise en œuvre "effective" de l'expérimentation, l'échange d'informations toujours un défi
Dans un audit récemment publié, la Cour des comptes observe la mise en œuvre d'"une dynamique partenariale locale plutôt réussie" dans les 39 territoires de l'expérimentation, tout en pointant les lacunes du cadrage national en matière de croisement des données des différents acteurs.
© Conseil départemental de la Haute-Garonne
Trois ans et demi après la loi 3DS qui la prévoyait, l'expérimentation "Territoires zéro non-recours" a donné lieu à la mise en œuvre d'"une grande diversité d’actions" dans les 39 territoires concernés, selon la Cour des comptes qui a rendu publics le 30 octobre 2025 les résultats d'un audit. Ce dernier conclut à "la mise en place effective" de l'expérimentation et de son processus d'évaluation – un premier rapport d'évaluation doit être présenté au Parlement et au gouvernement en juin 2026.
La démarche Territoires zéro non-recours (TZNR) vise à réduire le non-recours aux prestations sociales, par la mise en réseau des acteurs pour une meilleure identification et l'accompagnement des personnes qui ne bénéficient pas des aides auxquelles elles ont droit. Trois priorités ont été fixées par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) aux territoires expérimentateurs : "renforcer le repérage du non-recours, construire des partenariats locaux innovants et favoriser l’essaimage de pratiques nouvelles".
"Un éventail diversifié d’actions concrètes"
Avec un soutien budgétaire de l'État jugé "modeste" (18 millions d'euros sur trois ans, soit 6 millions d'euros par an) auquel s'ajoute une contribution minimale des collectivités (20% de l'enveloppe État, soit un coût complet d'au moins 21,6 millions d'euros), l'expérimentation s'est "construite sur une dynamique partenariale locale plutôt réussie", estime la Cour des comptes. Cette dernière cite "un éventail diversifié d’actions concrètes" visant à "tester des outils de repérage", à "aller à la rencontre des publics visés", à " mieux les informer et les accompagner" ou encore à "former des agents".
Diffusé par le ministère des Solidarités, un bilan de l'année 2024 illustre cette diversité d'actions (maraudes, bus des droits, porte-à-porte, mobilisation de médiateurs, d'écrivains publics, de bailleurs sociaux, d'associations, d'habitants "relais", organisation d'ateliers numériques, formation d'agents municipaux aux méthodes d'"aller-vers" de l'association VoisinMalin, conventions et développement d'outils sur le partage des données…)
Des systèmes d'information insuffisamment interconnectés
L'enjeu crucial des échanges de données entre partenaires constitue un point de vigilance. La Cour des comptes cite "des expériences pionnières de croisement de données sociales" dans des territoires comme Paris ou le Grand Chambéry. Mais déplore "l’absence de doctrine commune dès l’amont de l’expérimentation" et la faiblesse de l'outillage fournit aux territoires expérimentateurs, alors même que d'autres chantiers tels que la lutte contre la fraude et la "solidarité à la source" avaient déjà mis en exergue "les difficultés techniques, juridiques et organisationnelles liées à la diversité des systèmes d’information et à la pluralité des acteurs". Ce manque de cadrage national a ainsi "contribué à ralentir significativement le démarrage de certains projets locaux" et les acteurs sont encore confrontés aux difficultés liées à "l’interconnexion insuffisante des systèmes d’information".
La seule recommandation de la Cour des comptes porte sur cette "difficulté récurrente des politiques sociales à dimension territoriale", qui dépasse donc le champ de TZNR : il s'agirait de "s'assurer", pour toute expérimentation sociale de ce type impliquant des croisements de données, de "l’interprétation partagée du cadre juridique national relatif au règlement général sur la protection des données et de l’accompagnement opérationnel des porteurs de projet".
À l'heure où la perspective d'une allocation sociale unique est de nouveau à l'ordre du jour gouvernemental (voir notre article), il est enfin à noter que la Cour s'interroge sur les "conséquences budgétaires potentiellement importantes d’une éventuelle extension ou généralisation de l’expérimentation et d’une réduction du non-recours aux prestations (tout en prenant en compte les coûts ainsi évités)", cela "dans un contexte de finances publiques fortement dégradé".