Transports publics : l'UTPF remonte au créneau pour diversifier les financements permettant de développer l’offre
Au lendemain de la démission surprise du Premier ministre et de son gouvernement tout juste nommé, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) a présenté ce 7 octobre ses propositions en vue du projet de loi de finances pour 2026, notamment pour diversifier les recettes, ainsi que ses priorités pour 2025-2027. L’organisation professionnelle, présidée depuis juin par Thierry Mallet, PDG de Transdev, continue à réclamer un "choc d’offre", pour répondre à l’objectif de "cohésion sociale", considéré comme l’enjeu principal des transports collectifs. L’UTPF a aussi dévoilé les résultats de son Observatoire de la mobilité 2025 consacré à la perception du prix des transports publics et aux attentes des Français en termes de services.

© Aurélie Roudaut
Après la conférence "Ambition France Transports", et la proposition de Philippe Tabarot d’une loi-cadre visant à concrétiser ses orientations (lire notre article), l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) s’attendait à continuer à porter ses propositions auprès du ministre chargé des transports reconduit dans le gouvernement annoncé ce 5 octobre. Las, l’annonce de la démission de Sébastien Lecornu et de la nouvelle équipe fraîchement nommée dès le lendemain a rebattu les cartes. Mais les propositions que l’organisation avait transmises en vue du projet loi de finances (PLF) pour 2026 restent d’actualité, d’autant qu’elles "reçoivent un écho intéressé des parlementaires", à qui elles ont également été adressées, a souligné Florence Sautejeau, directrice générale de l’UTPF lors de leur présentation ce 7 octobre.
Constituant selon ses termes une "feuille de route indispensable pour le secteur des transports urbains et ferroviaires, de voyageurs comme de marchandises", ces propositions concernent cette année davantage le volet recettes que la partie dépenses du PLF. "Malgré la situation des finances publiques, on ne peut se résoudre au statu quo", estime la directrice générale de l’UTPF, rappelant l’enjeu de "cohésion sociale" auquel doit répondre le secteur, afin de "sortir quinze millions de personnes de la précarité mobilité".
Nouvelles sources de financement
Le premier objectif défendu par l’organisation est de permettre aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de "dégager de nouvelles sources de financement" pour développer l’offre. L’UTPF continue pour cela de réclamer une hausse du taux plafond du versement mobilité (VM) en dehors de l’Île-de-France, resté inchangé depuis 2011. Une question d’"équité territoriale", a souligné Florence Sautejeau, l’Île-de-France ayant bénéficié d’un relèvement de ce taux dans le cadre de la loi de finances 2024. Il s’agit de "donner de la flexibilité" aux élus locaux, qui auraient la main pour appliquer ou non ce taux plafond "dans les territoires qui ont des projets d’augmentation de l’offre", "en concertation avec les milieux économiques locaux et dans le respect des équilibres entre les sources de financement", indique l’UTPF.
L’UTPF continue aussi à militer pour que les AOM bénéficient d’une part accrue de la "manne" que représente le produit de la mise aux enchères des quotas d’émissions de gaz à effet de serre (ETS 1). "Dans le cas de la France, les revenus générés par l’ETS 1 ont représenté un produit brut d’environ 2,4 milliards d’euros en 2023, indique l’UTPF. Si ces sommes sont versées au budget général de l’État, la récente révision de la directive européenne impose aux États membres de consacrer 100% de leurs revenus ETS 1 à une série limitée de secteurs verts parmi lesquels les transports publics et ferroviaires." "Il n’existe cependant aucun pourcentage de fléchage obligatoire des revenus ETS vers nos secteurs", regrette l’organisation.
L’UTPF réclame également la création d’un dispositif permettant de "capter une partie des plus-values foncières générées par la mise en place d’infrastructures de transport public et ferroviaire". "Il faut une base nationale", puis des déclinaisons locales, affirme Florence Sautejeau, tout en admettant la complexité d’un tel mécanisme, jugé néanmoins indispensable. Toujours au nom de "l’équité territoriale", l’UTPF demande aussi une augmentation du taux plafond de la taxe de séjour, dont le produit serait affecté aux AOM, à l’instar de ce qui a été mis en place en Ile-de-France à travers la loi de finances 2024.
Patrimoine ferroviaire
Autre axe de propositions, "préserver le patrimoine ferroviaire national" : "On ne sait pas ce que vont devenir les conclusions [d’Ambition France Transports] et les annonces de Philippe Tabarot sur la loi-cadre", mais "la régénération des infrastructures est indispensable. Le constat est partagé, mais il faut le financer", a résumé la directrice générale de l’UTPF. Pour cela, deux nouvelles propositions sont avancées : utiliser là encore une fraction des quotas carbone (ETS 1), qui serait fléchée vers l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afit), dont l’Union demande le maintien, pour financer la régénération et la modernisation du réseau. Il s’agirait de prévoir "dès maintenant" le fléchage de "100 millions d’euros en 2026, 200 millions d’euros en 2027 et 300 millions d’euros en 2028", pour avoir à cette date, 600 millions d’euros de côté, détaille la directrice, sachant que les besoins supplémentaires d’investissement sont évalués à 1,5 milliard d’euros par an à partir de 2028. L’autre proposition consiste à rendre éligible au mécénat SNCF Gares et connexions pour les dons d’entreprises et de particuliers, affectés à la rénovation du patrimoine remarquable des gares.
Soutien au pouvoir d'achat
Pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés, l’UTPF demande en outre la pérennisation de l’exonération de cotisations sociales pour la prise en charge par l’employeur des titres d’abonnement au transport public jusqu’à 75%. Elle réclame aussi aux pouvoirs publics l’instauration d’une "fiscalité plus équitable" entre les modes de transport de marchandises en appliquant un dispositif de "sur-péage poids lourds" sur certains tronçons autoroutiers saturés, concurrents des grands corridors de fret ferroviaire, pour à la fois "favoriser le report modal" et accroître les financements du fret ferroviaire.
Sur le volet dépenses du prochain PLF, l’organisation réclame la mise en place d’un bonus écologique pour aider les collectivités à acquérir des bus électriques ou à hydrogène, à hauteur de 100.000 euros (contre 49.000 euros dans la fiche standardisée bonifiée financée par des certificats d’économies d’énergie). Elle demande aussi la pérennisation du dispositif actuel de soutien aux opérateurs de fret ferroviaire, avec le maintien de l'enveloppe de 200 millions/an jusqu'en 2030.
Priorités pour 2025-2027
Au-delà de ces mesures pour le PLF 2026, l’UTPF a également présenté ses "priorités" pour le mandat 2025-2027, au premier rang desquelles "les financements" à travers la future loi-cadre sur le financement des infrastructures de transport citée précédemment, les financements européens et le budget 2028-2034 de l’Union Européenne. Autres actions prioritaires pour les opérateurs : la concurrence dans les transports, "levier pour réduire les coûts et créer un choc d’offre", qui nécessite de travailler sur la "sécurisation du sac à dos social" en cas de transferts de salariés et l’élaboration de solutions partagées entre opérateurs (communication des données dans le cadre des appels d’offre, liste commune d’informations au moment de la passation des marchés…) ; les négociations sociales, avec la poursuite de la construction de la convention collective du ferroviaire et de la refonte des classifications et rémunérations dans le transport urbain ; l’exploitation ferroviaire ; la réduction de l’absentéisme (actions de prévention et lutte contre la fraude sociale) ; l’attractivité des métiers ; la sûreté dans les transports (mise en œuvre opérationnelle de la loi Tabarot et du contrôle en temps réel de Stop Fraude qui permet de vérifier la véracité des adresses des contrevenants ) ; la question de l’assurabilité des véhicules ; la décarbonation (mobilisation en faveur du mix énergétique et d’une clause de revoyure du Règlement européen sur les émissions des autobus) ainsi que le lancement d’un chantier prospective, pour "dégager les grandes tendances à 10 ou 25 ans", qui feront évoluer la demande. Des travaux sur la transition démographique et l’impact du vieillissement de la population sur les déplacements sont prévus dans ce cadre.
› Observatoire de la mobilité 2025 : "une faible connaissance de ce que recouvre le prix des transports"Dans son Observatoire de la mobilité 2025, dont les résultats ont été dévoilés ce 7 octobre, l'UTPF s'est intéressée cette année à la perception du prix des transports publics et aux attentes des Français en matière de mobilité. Il en ressort un déficit d’information : seuls 48% des répondants se disent bien informés sur ce que le prix de leur ticket permet de financer. 63% estiment que le prix du ticket couvre la moitié ou moins du coût global du mode de transport alors qu’en réalité, la part payée par l’usager en France était de 27% en 2023. Les financeurs réels sont aussi mal identifiés : 36% des répondants désignent les collectivités comme les principaux financeurs des transports en commun du quotidien, 19% pensent qu’il s’agit des contribuables, 19% des usagers, 18% de l’État et 8% des employeurs. "En réalité, les employeurs financent 47%, les collectivités 34%, les usagers 17% et l’État 2%", a commenté Annelise Avril, directrice générale France grands réseaux urbains de Keolis et vice-présidente de l’UTPF lors de la présentation des résultats. Si 79% des répondants estiment que le prix des transports en commun a augmenté depuis trois ans, 76% des usagers jugent que leurs dépenses de transports sont justifiées par rapport au service proposé. Interrogés sur leurs attentes, en contrepartie de la somme payée pour les transports en commun du quotidien, ils placent nettement en tête la sécurité (40%), suivie de la ponctualité (32%) et d’une fréquence accrue (29%). L’enquête révèle également qu’une majorité de Français seraient prêts à consentir à une hausse des tarifs pour plus de sécurité (53%), plus de fiabilité et de ponctualité (53%) et plus d’accessibilité (51%). Neuf Français sur dix souhaitent aussi que les transports en commun du quotidien se développent, considérant ce développement comme bénéfique pour la société dans son ensemble (70%) avant même leur intérêt personnel (58%). Une large majorité reconnaît les externalités positives des transports publics - accès à la mobilité pour tous (85% des répondants), amélioration de l'espace urbain (82%), réduction de la pollution (80%) - et plus de la moitié des Français se dit prête à payer davantage pour les développer. 82% veulent en outre que les fonds publics financent en priorité les transports en commun plutôt que les aides aux véhicules individuels. "Les transports en commun peuvent être envisagés pour remplacer la voiture au quotidien avant tout s’ils permettent un gain de temps et un gain financier", indique l’UTP au vu des résultats de l’observatoire. Quant aux déplacements occasionnels, c’est l’argument financier qui prime pour envisager de remplacer l’usage de la voiture par le train (plus de la moitié des répondants le citent) devant le gain de temps (39%) et la réduction du stress et de la fatigue (29%). *Enquête réalisée en ligne sur panel Toluna/Harris Interactive auprès d’un échantillon de 2.054 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus habitant dans des agglomérations d’au moins 20.000 habitants. Méthode des quotas et redressement appliqués par genre, âge, CSP et région. |