Un projet de statut de l’élu annoncé pour le congrès des maires

Auditionnée par la commission des lois du Sénat, Dominique Faure a annoncé qu’elle entendait présenter au prochain congrès des maires un projet de statut de l’élu, sur lequel elle travaille actuellement avec l’Association des maires de France. La ministre a également indiqué qu’un "plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus" était "sur le point d’être finalisé".

Dix ans quasiment jour pour jour après la présentation du rapport que lui avait consacré une mission d’information de l’Assemblée nationale (voir notre article du 19 juin 2013), le "serpent de mer" du statut de l’élu remonte à la surface. À dire vrai, il le fait plus ou moins régulièrement – dernièrement avec la loi Engagement et proximité (voir notre article du 22 janvier 2020) –, avant de replonger chaque fois dans des eaux plus ou moins profondes. Les émeutes des derniers jours pourraient toutefois accélérer les choses. En témoigne l’audition de Dominique Faure ce 5 juillet par la commission des lois du Sénat, initialement consacrée aux "menaces et agressions subies par les élus locaux", et au cours de laquelle la question de ce statut a occupé une large place, réclamée par plusieurs sénateurs.

Le statut de l’élu au menu du prochain congrès des maires…

La ministre avait pourtant déclaré dans un premier temps vouloir "décorréler les deux sujets", estimant notamment que seulement "autour de 15% des démissions d’élus prennent leur source dans les violences" ("l’impuissance croissante dans l’action" constituant pour le président de l’AMF le premier des motifs – voir notre article du 7 juin 2023). Ce qui ne l’empêche pas de "prendre à bras-le-corps le sujet du statut de l’élu", assure-t-elle. Preuve à l’appui, puisqu’elle indique avoir eu "une grosse séance de travail il y a deux mois avec David Lisnard et l’Association des maires de France" sur le sujet des "conditions d’exercice du mandat d’élu local". Ce travail, qui aurait déjà permis d’identifier "80 irritants" pour les élus, "comprendra évidemment le statut de l’élu" et "ses trois composantes : l’indemnisation ["pas moins de 3.000 balles par mois", réclamait récemment David Lisnard], les droits sociaux et le droit à la formation", précise la ministre. Et c’est bien un réel statut qu’elle promeut : "Aujourd’hui on a des bouts de code un peu partout […], on n’a pas véritablement une approche comme on l’a pour le statut de la fonction publique territoriale. On n’a pas le statut de l’élu et ça le mérite", explique-t-elle. À l’en croire, cela ne devrait plus tarder. Dominique Faure précise qu’elle va désormais élargir les discussions avec les autres associations d’élus, notamment lors d’un colloque en septembre prochain, ainsi qu’avec le Parlement, "pour aboutir au congrès des maires". "Je pense que cette crise récente et ces émeutes doivent nous inviter, tous, à conclure avant la fin de l’année sur un statut de l’élu", ajoute-t-elle.

… et déjà à celui du Sénat

Le Parlement n’est pas en reste. Le sénateur Éric Kerrouche (Landes, SER) vient ainsi de déposer une proposition de loi visant "à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux". Lors de l’audition, l’élu a appelé la ministre "à transformer le statut de manière radicale". Ou plus exactement à le créer, puisque lui aussi considère que tous les "dispositifs, droits et garanties" qui se "sédimentent" depuis une trentaine d’années ne forment pas un véritable "statut". Tenant compte du fait que "la professionnalisation des élus locaux est une réalité aujourd’hui indiscutable", il y propose notamment la création d’un statut d’"agent civique territorial" – jadis suggérée par le rapport Mauroy de 2000 – dont bénéficieraient les élus locaux exerçant des fonctions exécutives. Une aspiration dont on sait qu’elle ne fait pas l’unanimité parmi les élus.

Nul doute que d’autres propositions devraient également émaner de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire conduite par les sénateurs Maryse Carrère (Hautes-Pyrénées, RDSE) et Mathieu Darnaud (Ardèche, LR), dont le rapport devait d’ailleurs être examiné ce 5 juillet. 

Plan de prévention et de lutte contre les violences à l’approche

Un tel statut permettra peut-être d’enrayer la démobilisation des maires et aspirants à la fonction. Un phénomène auquel, au passage, la ministre ne croit guère. Alors que la sénatrice Cécile Cukierman (Loire, CRCE) agite le risque de l’absence de candidats aux prochaines municipales, Dominique Faure estime que ce n’est pas "un réel sujet d’inquiétude pour [elle] aujourd’hui", pariant sur le fait "qu’on aura en 2027 pas beaucoup plus de communes sans candidat" que lors des dernières municipales.

Il ne résoudra en revanche pas le phénomène de la montée des violences, la ministre concédant que "l’autorité est contestée partout". Les élus n’y échappent pas, précisément "parce qu’ils incarnent l’autorité de l’État", estime la ministre. Dominique Faure n’entend pour autant pas laisser dire que ce dernier laisserait ses serviteurs sans défense. "L’État n’a pas abandonné les élus, même si nous n’avons pas tout bon sur toute la ligne", déclare-t-elle. D’ailleurs, de ses derniers et nombreux déplacements, elle retire la conviction que "les maires ont la perception d’être bien protégés".

À l’actif, elle met en avant le déploiement en cours du "pack sécurité" présenté le 17 mai dernier en réaction à la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins (voir notre article du même jour), tout en indiquant "qu’il n’était pas parfait". Et elle annonce, document en main, qu’un "plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus est sur le point d’être finalisé". "Protection juridique et psychologique, sécurité physique, réponse judiciaire et relations maires-parquets" – autre serpent de mer –, devraient en constituer les têtes de chapitres. Parmi les mesures concrètes, la ministre évoque le renforcement de la protection fonctionnelle, qui deviendrait automatique pour les élus des communes de moins de 10.000 habitants. 

Urgent d’attendre

Face aux derniers "événements", la ministre met en exergue la circulaire prise par les ministres de la Justice et de l’Intérieur le 30 juin, l’annonce par ce dernier, dès le 3 juillet, d’une enveloppe de "20 millions d’euros pour remplacer les caméras détruites" ou encore l’élaboration d’un fonds pour réparer les dégradations commises (voir notre article du 4 juillet et celui de ce jour). Sans toujours convaincre.

"Les caméras, c’est la première réponse qu’ont reçue les maires du ministre. L’urgence est ailleurs qu’aux mesurettes", s’emporte la sénatrice Cécile Cukierman. Prenant le contrepied, Dominique Faure juge, elle, "qu’il est urgent de ne retirer aucun enseignement de ces six derniers jours". Elle rejoint ici la sénatrice Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine, UC), qui invite à se garder "d’une tendance à sur-réagir" à chaud, sans apporter de réponse à froid. "Vous courrez toujours derrière l’événement, que vous avez provoqué […]. On ne peut balader la représentation nationale de petit texte en petit texte", fustige pour sa part le sénateur Patrick Kanner (Nord, SER), déplorant notamment que "vingt villes du Nord ont été massacrées" et que "le centre-ville de Denain n’existe plus". Invitant à son tour le gouvernement à se projeter dans le temps, le sénateur André Reichardt (Bas-Rhin, LR) suggère d’"examiner les situations structurelles qui vont occasionner des difficultés pour les élus locaux". Dans cette catégorie des "irritants", il range le ZAN ("c’est sûr que les maires seront en première ligne", prédit-il) et l’accueil des gens du voyage. Comme pour les trains, un serpent de mer peut en cacher un autre.

 

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