Un rapport du Sénat appelle à "préserver" et "moderniser" le contrôle de légalité des actes locaux
Alors que le gouvernement a engagé un double chantier pour renforcer le rôle des préfets et simplifier l'action publique locale, un rapport de la commission des finances de la Haute Assemblée fournit des pistes pour moderniser le contrôle de légalité, jugé essentiel. Parmi les solutions préconisées : la "consolidation" des effectifs dédiés et le recours à l'intelligence artificielle.
Le contrôle de légalité des actes des collectivités et le contrôle budgétaire exercés par l’État "doivent être préservés et modernisés car ils constituent des outils de sécurisation de l’action des collectivités et de gestion saine des finances publiques", plaide la commission des finances du Sénat dans un récent rapport. Un message qu’elle adresse au gouvernement et notamment à son ministre de l’Aménagement du territoire. Lors du "Roquelaure de la simplification de l’action des collectivités" qui s'est déroulé le 28 avril, François Rebsamen a critiqué un contrôle de légalité "devenu trop tatillon" et prôné un "recentrage" et une "modernisation" de ce dernier, selon "une logique de confiance a priori et de conseil".
L'auteure du rapport, la sénatrice Florence Blatrix Contat (groupe Socialiste, écologiste et républicain), dresse un contrat assez différent. Un peu moins de 20% des 7,7 millions d'actes transmis en 2024 par les collectivités aux préfectures ont été contrôlés, rappelle-t-elle. En signalant que dans certains départements, comme les Bouches-du-Rhône, ce taux est tombé à 10%. La sénatrice met aussi en exergue "l’abandon de pans entiers du contrôle de légalité dans certains territoires", notamment dans le domaine de la commande publique. Les actes relevant de ce thème ont pourtant été désignés par l'État comme prioritaires en matière de contrôle de légalité, avec ceux qui concernent l'urbanisme et la fonction publique territoriale. Le constat selon lequel le contrôle de légalité est une "passoire à géométrie variable" (l'expression a été utilisée par l'ancien sénateur Jacques Mézard dans un rapport de 2012) "est malheureusement encore d’actualité", s'inquiète la rapporteure spéciale de la mission "Administration générale et territoriale de l'État".
Des actes sensibles en dehors des radars
En cause, la baisse continue des moyens affectés par l'État. Les effectifs dédiés sont tombés en 2024 à 868 équivalents temps plein (ETP) pour le contrôle de légalité et 252 ETP pour le contrôle budgétaire. Ce qui représente des baisses respectives de 15% et 26,5% par rapport à 2010. En outre, les applications Actes et Actes budgétaires, dont ces personnels sont équipés, sont devenus "obsolètes", des "défaillances" étant même constatées.
Pour remédier à la situation, l'État ne peut pas continuer à alléger la liste des actes que les collectivités locales ont l'obligation de transmettre au contrôle de légalité, estime la rapporteure. Cette liste "paraît aujourd'hui incompressible", indique-t-elle. En s'alarmant du fait que certains pans de l'action des collectivités y échappent assez largement. C'est le cas de la plupart des actes des entreprises publiques locales, relève-t-elle. Et ce alors que les chambres régionales des comptes "constatent régulièrement un contrôle interne relatif à la gestion (…) inexistant ou faiblement développé" au sein de ces structures.
La sénatrice de l'Ain préconise plutôt de "consolider le niveau des effectifs en fonction des besoins des préfectures". Selon elle, une partie des 350 créations d'emplois prévues par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) pour les préfectures d'ici 2027, devrait être affectée aux missions de contrôle des actes des collectivités. Mais cela n'a pas été jusqu'ici le choix de l'État, qui a privilégié le renforcement des services en charge de l'immigration.
Refonte des systèmes d’information
Pour une meilleure efficacité des contrôles, Florence Blatrix Contat appelle aussi l'État à "refondre le logiciel Actes d’ici 2027". L'un des objectifs serait de faire en sorte qu'il devienne un outil de dialogue entre l'État et les collectivités. Il conviendrait aussi d'intégrer l'intelligence artificielle (IA) à l'application. Certaines tâches chronophages seraient allégées, comme l'identification des catégories d'actes ou de la compétence des auteurs. Ainsi, les agents des préfectures "pourraient passer plus de temps sur le fond du dossier".
L'État semble partager cette priorité, puisqu'il a lancé en 2024 une refonte des systèmes d’information Actes et Actes budgétaires. Mais le résultat de ce chantier qui pourrait coûter jusqu'à 10 millions d'euros ne serait pas opérationnel avant 2027, voire 2028.
La commission des finances du Sénat a adopté les recommandations de la rapporteure spéciale le lendemain de la présentation par François Bayrou à Chartres de son plan pour "renforcer le positionnement et les prérogatives des préfets au plan local" (voir notre article).