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Zones à faibles émissions mobilité : deux députés distribuent aides et contraintes

Redoutant le rejet des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) par la population, les députés Valérie Beauvais et Camille Galliard-Minier préconisent de renforcer l'accompagnement, l'information et le renforcement des aides. Les collectivités locales seraient une nouvelle fois grandement mises à contribution.

Les députés Valérie Beauvais (LR, Marne) et Camille Galliard-Minier (LREM, Isère) ont présenté le 29 juin à la commission du développement durable de l'Assemblée nationale les conclusions de leur mission flash sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), destinées à éclairer les travaux de la future commission mixte paritaire sur le projet de loi Climat. Aux termes de leurs travaux, les deux élues confessent une réelle inquiétude sur "l'adhésion et l'acceptation de ces ZFE-m" par la population. Elles préconisent en conséquence diverses mesures d'accompagnement, d'information et de renforcement des aides (AIR) afin de passer le cap, dont plusieurs incombent aux collectivités territoriales, non sans illustrer ici l'adage selon lequel les prescripteurs ne sont pas les payeurs.

Nécessaires anticipation et information

Les élues soulignent la nécessité d'anticiper la mise en place des ZFE-m – prenant en exemple la ville de Reims –, anticipation qui doit reposer selon elles sur les trois principes suivants : l'expérimentation, la co-construction avec l'ensemble des acteurs de la mobilité et l'information la plus large possible de la population.
Elles recommandent au niveau national la mise en place par l'État d'une grande campagne de communication sur le déploiement des ZFE-m et la création d'un site d'information dédié répertoriant l'ensemble des restrictions de circulation en vigueur, ou encore une campagne d'information par les constructeurs automobiles sur leur offre de véhicules propres.
Au niveau local, elles suggèrent d'allonger de trois à six mois la durée de la campagne d'information précédant la mise en place d'une ZFE-m, et incitent les collectivités à déployer une signalétique adaptée permanente, notamment via des panneaux lumineux, tant sur les restrictions mises en place que sur la pollution de l'air.
Elles insistent sur la nécessité de bâtir un calendrier prévisionnel des restrictions de circulation, afin de permettre aux particuliers et entreprises de s'y adapter le plus en amont possible de leur mise en œuvre.

Concilier autonomie des collectivités et cohérence des règles

Si les parlementaires se disent "attachées au fait que chaque territoire puisse décider de ses propres règles", elles craignent que l'hétérogénéité des règles susceptibles d'être adoptées d'une ZFE-m à l'autre nuise à l'acceptabilité du dispositif et prônent "cohérence et coordination". Elles préconisent ainsi la création de "comités régionaux de pilotage des ZFE-m", réunissant préfets et représentants des collectivités, des associations environnementales, des acteurs de la solidarité et du monde économique. Un "comité national de suivi des ZFE", réunissant représentants de ces comités régionaux ainsi que des ministères concernés, serait également mis en place.
Les collectivités sont notamment invitées à harmoniser leurs horaires de livraison "de manière à éviter la congestion urbaine", sans plus de précision.

Un dispositif jugé – déjà – peu lisible

Au terme de leurs auditions, les élues font le constat "d'une réelle difficulté de compréhension des vignettes Crit'air, où le chiffre le plus bas, 1, représente le meilleur classement", ce qui n'est pas sans poser de difficulté avec l'amélioration continue des motorisations. Pour preuve, arguent-elles, des discussions sont en cours "sur la mise en place d'une vignette 1bis". Plus encore, les élues déplorent que la France soit la seule à ne pas avoir repris la norme européenne (où le meilleur classement est égal à 6, demain à 7). Elles estiment néanmoins difficile de revenir aujourd'hui sur le système adopté, préconisant plutôt de renforcer la communication, notamment en rendant obligatoire l'affichage du classement Crit'air "sur la publicité des véhicules neufs et les annonces des véhicules d'occasion".

Renforcer l'accompagnement financier et technique

Pour conjurer le spectre d'un retour des gilets jaunes, les élues insistent sur la nécessité de renforcer l'accompagnement technique et financier tant des particuliers que des entreprises. Si elles constatent que les aides à l'acquisition mises en place tant par l'État que par les collectivités "sont déjà nombreuses", elles les estiment toutefois encore insuffisantes, déplorant que "le reste à charge soit encore trop élevé" pour les ménages les plus modestes. Aussi prêchent-elles à leur tour pour un prêt à taux 0 – introduit dans le projet de loi Climat et Résilience par les sénateurs, contre l'avis du gouvernement – garanti par l'État pour les ménages les plus modestes – qui pourrait être plafonné à 8.000 euros –, ou a minima un encadrement des taux du micro-crédit garanti par l'Etat mis en place en 2021, "qui peuvent aujourd'hui atteindre 7 à 8%". Elles plaident également pour que les aides à l'achat de véhicule d'occasion soient "au minimum doublées", pour doubler également le montant du bonus écologique "pour les bénéficiaires les plus modestes et les 'gros rouleurs"', pour créer ou étendre certaines aides aux professionnels (bénéfice du bonus de 1.000 euros pour l’achat d’un véhicule d’occasion, doublement de la prime à la conversion et du bonus pour les TPE/PME disposant d'un parc de moins de quatre véhicules, ou encore aides au financement de l'aménagement de l'intérieur de leurs véhicules). Elles proposent en outre que l'avance des aides soit prise en charge par les concessionnaires, charge pour eux de se faire ensuite rembourser par l'État. Au-delà, elles recommandent l'instauration d'une prime de 500 euros – montant qui serait doublé pour les ménages les plus modestes – en cas de radiation de la plaque d'immatriculation d'un véhicule repris par un centre de traitement agréé, sans rachat d'un véhicule, "comme à Bruxelles et Gand".
Les régions et Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sont également conviées à mettre en place des aides complémentaires, versées non seulement aux personnes qui habitent et travaillent dans la ZFE-m mais aussi à tous les habitants de la région. Les personnes, notamment âgées, qui ont besoin de transport ponctuel en voiture devraient également bénéficier d'un transport en taxi à prix réduit, sans que l'on sache à qui incomberait le financement de cette mesure. De manière générale, l'impact sur le budget de l'État, des collectivités ou la trésorerie des concessionnaires de ces différentes mesures n'a, semble-t-il, pas été évalué ni quantifié.
Afin d'aider les intéressés à se retrouver dans ce "maquis d'aides" – qui ne serait donc guère simplifié – et "à monter leurs dossiers", les deux parlementaires préconisent par ailleurs, au bénéfice des TPE/PME, la création de "bureaux ZFE-m" dans chaque commune en lien avec les organisations patronales, et, au bénéfice des particuliers cette fois, d'une part le développement de guichets uniques des aides dans les ZFE-m, sur le modèle de la métropole du Grand Paris, et d'autre part la mise en place "dans chaque quartier d'un coaching mobilités", qu'il reviendrait aux collectivités de mettre en place, sans plus de précision...

Report modal

Afin de favoriser le report modal, les rapporteurs proposent de rendre obligatoire le forfait mobilités pour toutes les entreprises. Ce forfait, "exonéré de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu, serait en outre cumulable avec la prise en charge de l'abonnement transport dans la limite de 800 euros". Le développement de plans de mobilité interentreprises devrait par ailleurs être encouragé.
Les collectivités territoriales sont, elles, invitées à se servir du point national d'accès aux données pour développer des plateformes d'information et de billettique unique multimodales. Elles sont également conviées à développer des pôles multimodaux en périphérie des agglomérations, des parkings relais, dotés de navettes gratuites, sur d'anciennes friches industrielles, ou encore des plateformes logistiques aux abords des ZFE-m " afin d’assurer le dernier kilomètre de livraison avec des véhicules propres".

Des contrôles "efficaces et permanents"

Des contrôles "efficaces et permanents" constituant à leurs yeux une condition "de la crédibilité et de l'acceptabilité du dispositif", les élues insistent sur la nécessité de mettre en place rapidement le contrôle automatisé par lecture de plaques, préconisant en outre de rehausser le plafond de 15% du nombre moyen journalier de véhicules circulant au sein de la zone pouvant être contrôlés par un tel dispositif. Elles déplorent d'ailleurs que ces contrôles automatisés, prévus pour 2021, ne soient pas encore opérationnels. Ils ne le seront pas avant 2023.
Elles préconisent toutefois de prévoir une phase transitoire d'un an pendant laquelle ne seraient effectués que des contrôles pédagogiques, comme à Anvers ou Bruxelles. Une fois le rythme de croisière atteint, le montant des amendes encourues en cas de répétition de l'infraction devrait en revanche être augmenté. D'une manière générale, elles jugent que le produit des amendes ainsi collectées devrait être redistribué en tout ou partie aux collectivités concernées, en le fléchant vers des investissements mobilités.

De nouvelles dérogations

Les élues proposent également de nouvelles dérogations. D'abord "pour les véhicules transportant un minimum d'occupants, même s'ils dépassent les normes de qualité de l'air, afin de régler le problème de l'autosolisme" ou ceux roulant aux biocarburants. Elles plaident également pour instituer un "pass", gratuit, permettant à chaque véhicule ne satisfaisant pas aux normes d'émissions de circuler 24 jours par an dans une ZFE-m sans avoir à en justifier. Un dispositif inspiré de la taxe en vigueur outre-Manche, ou plus encore du pass Bruxellois permettant à un véhicule d'entrer huit jours par an dans la zone à faible émission (un pass en l'espèce payant, de 35 euros).
En conclusion des débats, les deux élues ont notamment déploré le bouleversement du calendrier des schémas de restriction de circulation opéré par le Sénat. Sans convaincre ses collègues, Valérie Beauvais a émis l'hypothèse que la position du Sénat ne traduise l'inquiétude des collectivités territoriales à l'égard de la mise en place de ces zones. Les différentes mesures ici proposées seront-elles de nature à les rassurer ?

 

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