+11% de féminicides conjugaux en France en 2024 : soit en moyenne, un décès tous les 3 jours

Le nombre de féminicides conjugaux a augmenté de 11% entre 2023 et 2024 avec 107 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon une étude nationale annuelle du ministère de l'Intérieur. Une situation qualifiée de "dramatique" par les associations qui pointent du doigt une insuffisance manifeste de moyens pour financer une politique qui avait pourtant été érigée en grande cause nationale par Emmanuel Macron en 2017. 

Au total, les forces de l'ordre ont recensé 138 morts violentes au sein du couple en 2024, dont 31 hommes (+35% sur un an) selon l'étude nationale annuelle du ministère de l'Intérieur consacrée à cette question. "En moyenne, un décès est enregistré tous les trois jours", résume l'étude "sur les morts violentes au sein du couple" disponible sur le site du ministère. Ajoutons à cela que 403 tentatives d'homicides au sein du couple ont été recensées.

90% des crimes conjugaux commis au domicile

Dans le détail, 90% des féminicides et homicides conjugaux ont été commis au domicile du couple de la victime ou de l'auteur. L'étude fait état de 49 usages d'arme blanche et de 34 usages d'arme à feu. 31% des faits étaient précédés d'une dispute et 16% s'inscrivaient dans le contexte d'une séparation non acceptée. 

Le profil type de l'auteur "reste majoritairement masculin, le plus souvent en couple, de nationalité française et n'exerçant pas ou plus d'activité professionnelle", relève le ministère. Il est "majoritairement âgé de 20 à 49 ans" avec "un pic particulièrement important des 70 ans et plus par rapport à 2023".

Le département du Var a enregistré le plus de victimes 

La cartographie des 138 morts violentes au sein du couple recensées en 2024 met également en évidence de fortes disparités territoriales
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur demeure la plus touchée, avec 20 faits recensés, dont 11 dans le Var et 6 dans les Bouches-du-Rhône
Suivent l'Île-de-France (18 victimes), l'Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine (14 victimes chacune), ainsi que les Hauts-de-France et l'Occitanie (12 victimes chacune). 
Les départements du Nord, des Yvelines, du Rhône, de la Seine-Saint-Denis, de l'Hérault et de la Seine-et-Marne concentrent à eux seuls une part importante des drames conjugaux. À l'inverse, 38 départements n’ont enregistré aucun homicide conjugal en 2024, une situation toutefois en recul par rapport à 2023.
Si l’on rapporte ces faits à la population, le taux d'homicide au sein du couple atteint 0,20 pour 100.000 habitants au niveau national, mais il s'envole à 3,13 à Saint-Martin, loin devant la Martinique (0,82) et la Guyane (0,69). Ces chiffres rappellent que les territoires ultramarins, bien que moins nombreux en volume absolu, restent particulièrement exposés
L'étude confirme ainsi une concentration des violences conjugales dans les zones urbaines denses et les départements les plus peuplés du sud et du nord du pays, mais aussi leur persistance dans certains territoires insulaires où l'isolement géographique et social renforce la vulnérabilité des victimes.

Presque la moitié des femmes avaient signalé ces violences antérieures aux forces de sécurité intérieure

Concernant les victimes, 47% des femmes "avaient signalé ces violences antérieures aux forces de sécurité intérieure et, parmi elles, 81% avaient déposé une plainte antérieure".
Une victime bénéficiait d'un dispositif "téléphone grave danger", deux victimes d'une ordonnance de protection et un auteur faisait l'objet d'un placement sous contrôle judiciaire, selon l'étude.
Pour le collectif Féminicides par compagnons ou ex (FPCE), il est temps de mettre fin "à l'impunité". "Les hommes ne sont toujours pas suffisamment sanctionnés, ça leur permet de continuer d'agir jusqu'à ce qu'ils portent le coup fatal", déclare une membre du collectif.

Pas de surprise compte-tenu des baisses ou les reports de subventions

La situation est "absolument dramatique", souligne de son côté Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, pour qui la lutte contre ces violences n'est "clairement plus une priorité nationale". "Cette hausse de nous surprend pas, vu les baisses ou les reports de subventions qui affectent directement les associations, qui doivent fermer ou réduire des permanences" et ne "sont plus en capacité" de protéger les femmes victimes, ajoute-t-elle.

La baisse des subventions "est criminelle, l'État et le gouvernement ne sont pas seulement complices de ces féminicides mais bien responsables de leur survenance", abonde Maëlle Noir, du collectif #Noustoutes, "révoltée" par les chiffres de 2024.

Les associations féministes exhortent régulièrement le président Emmanuel Macron, qui avait fait à son arrivée au pouvoir en 2017 de la lutte contre les violences faites aux femmes "une grande cause nationale", à muscler les dispositifs existants et à revaloriser le budget alloué. 

Tous les rapports officiels unanimes

Plusieurs rapports officiels de la Cour des comptes, du Sénat, de l'Assemblée nationale... ( lire nos articles du 7 juillet 2025, du 25 novembre 2025) sont unanimes et ont épinglé "une cause mal dotée" financièrement, déplorant les montants "dérisoires" dédiés. 
Face aux critiques, le chef de l'Etat s'est à plusieurs reprises défendu de toute inaction, estimant être "inattaquable" sur ces questions. Il avait pourtant annoncé vouloir "l'élimination complète des violences faites aux femmes".  

L'exécutif met notamment en avant un soutien financier accru à la ligne d'écoute associative 3919 destinée aux femmes victimes de violence, le déploiement des téléphones "grave danger" et des bracelets anti-rapprochement, ou encore l'aide universelle d'urgence.

Mais actuellement, "il n'y a plus de parole politique, or la lutte contre les violences conjugales ce n'est pas seulement agir pendant deux, trois ans, ça doit rester une priorité sur le long terme pour pouvoir produire ses effets", insiste Anne-Cécile Mailfert, qui appelle à manifester le 22 novembre 2025 dans le cadre de la Journée de la lutte contre les violences faites aux femmes.

 

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