Aide à domicile : blocage dans la branche associative et démarrage du fonds Mobilité
"Tout le monde a intérêt à ce que le système tienne", pour Olivier Richefou, président de la Mayenne et du groupe de travail grand âge de Départements de France. Mais, dans l’immédiat, la branche associative de l’aide à domicile connaît une situation critique, après le non-agrément par le gouvernement de son avenant qui aurait permis une augmentation générale des salaires. Les difficultés liées au déficit d’attractivité du secteur sont réelles, reconnaissent les départements, qui n'en refusent pas moins toute dépense nouvelle non compensée par l’État. Et qui saluent une bonne nouvelle : la publication du décret qui leur permettra de soutenir les structures autour de la mobilité et de temps d’échanges et de coordination.

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Le revenu salarial annuel moyen des aides à domicile était de 7.040 euros en 2021, selon des chiffres de la Drees de juin 2025. La faible rémunération du métier, qui s’explique en partie par la prégnance des temps partiels, n’est pas à la hauteur du "virage domiciliaire" que les pouvoirs publics appellent de leurs vœux. C’est pourquoi l’USB-Domicile, la branche associative de l’aide à domicile, a exprimé en août, dans un communiqué, "son incompréhension et ses profonds désaccords suite au refus d’agrément de l’avenant 68 à la convention collective" qui avait été signé en mars dernier entre les partenaires sociaux. Ce refus va "accroître les difficultés" du secteur, alors que l’avenant visait simplement à "assurer aux salariés de notre branche un minimum conventionnel supérieur au Smic" et à "revaloriser les rémunérations après trois années sans aucune augmentation générale", soutiennent les organisations qui composent la branche.
Une demande "légitime", mais des départements à la situation "terriblement dégradée"
Ce refus d’agrément par la ministre des Solidarités est le second du genre, après le refus d’un agrément 66 qui comportait les mêmes modalités de revalorisation générale des salaires. "Il y aura donc eu une année blanche complète en 2025 dans une branche qui est en déficit d’attractivité et qui perd chaque année des effectifs", regrette Anne Cousin, directrice du pôle relations sociales & RH réseau de l’UNA (Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles). "Les victimes collatérales ce sont les services, les professionnels et in fine les bénéficiaires", ajoute-t-elle.
La ministre Catherine Vautrin a donc suivi l’avis des représentants des départements qui, lors de la commission nationale d’agrément de juillet dernier, se sont opposés à la mesure. La demande de la branche était pourtant "légitime", et même "tout à fait acceptable", admet Olivier Richefou, président du département de la Mayenne et du groupe de travail Grand âge de Départements de France, interrogé par Localtis. Selon lui, ces revalorisations auraient représenté une dépense nouvelle de l’ordre de 30 millions d’euros pour les départements. Mais, alors que "la situation financière des départements est terriblement dégradée", Départements de France a adopté une position de principe consistant à "ne plus accepter de nouvelle dépense sans qu’elle ne soit compensée par l’État", rappelle le président de la Mayenne.
La "seule piste de sortie de crise" serait un accord de l’État sur la compensation de ces sommes aux départements, "comme cela a été accordé dans le passé sur d’autres accords salariaux", ajoute-t-il, renvoyant aux prochaines discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. "Cette somme est absorbable par le budget de la CNSA [Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie] qui a connu des excédents et qui a, dans le budget actuel, quelques réserves", estime l’élu.
Aide à la mobilité : des délibérations à adresser à la CNSA avant le 15 novembre 2025
Et, dans l’immédiat, Olivier Richefou appelle à voir aussi le "verre à moitié plein" en saluant la parution du décret du 13 août 2025 sur "l'aide financière de soutien à la mobilité et aux temps de dialogue et de partage de bonnes pratiques" que les départements vont pouvoir solliciter auprès de la CNSA pour soutenir les services d’aide à domicile. D’un montant global de 75 millions d’euros au titre de 2025, selon une répartition par département qui figure dans le décret, cette aide - issue de la loi sur le Bien vieillir de 2024 et initialement de 100 millions d’euros - suppose que les départements transmettent leur délibération à la CNSA avant le 15 novembre 2025. La délibération devra présenter à la fois un "programme général de soutien à la mobilité" des professionnels des services autonomie à domicile (dont "pour au moins 50% de son montant, un plan de soutien à l'achat ou à la location de véhicules d'entreprise à faibles émissions ou très faibles émissions") et "un programme favorisant l'organisation de temps de dialogue et de partage de bonnes pratiques entre les professionnels de l'aide à domicile".
Ces dépenses – en tout cas celles qui concernent les véhicules à faibles émissions et les temps de coordination - pourront être réalisées "par exception" jusqu'au 31 décembre 2026, du fait de la publication tardive du décret. "La plupart des départements vont délibérer dès le moins de septembre pour mettre en place le dispositif prévu et ainsi injecter rapidement ces fonds" au profit des structures, souligne le président de département.
Attractivité : "l’élément majeur, c’est la politique salariale"
Sur ce fonds Mobilité, "si vous n’arrivez pas à attirer des auxiliaires de vie pour se mettre au volant de ces voitures, vous ne pourrez rien faire d’autre. L’élément majeur, premier, essentiel, c’est la politique salariale", insiste Anne Cousin. "Nos décisions sont en outre mesurées dans leur ampleur, parce que nous avons des services autonomie à domicile qui sont en difficulté de financement, du fait du financement à l’heure et d’un modèle économique qui est à revoir", poursuit-elle. La CNSA porte d’ailleurs actuellement une étude sur le sujet (voir notre article). En l’absence d’une revalorisation minimale, les associations voient l’écart se creuser avec des employeurs "concurrents", par exemple des services publics d’aide à domicile ou des Ehpad.
L’UNA déplore enfin un mouvement de détarification de la part des départements, observant qu’une quarantaine départements a opéré – récemment ou depuis plus longtemps – ce choix de ne pas tarifer tout ou partie des SAD de la branche associative. Cela peut signifier, dans certains départements, une hausse importante des restes à charge pour les bénéficiaires… mais pas forcément, selon Olivier Richefou qui considère que "la détarification ne met pas en difficulté le secteur", notamment avec l’application de l’enveloppe Ségur et de la dotation qualité – dispositif qualité qui aurait été mis en place dans plus des trois quarts des départements. L’élu local ajoute qu’une petite participation des usagers n’est "pas choquante" à l’heure où "les difficultés des départements sont sérieuses". Et conclut : "Il faut que le système tienne et tout le monde y a intérêt parce que nous aurons besoin de plus en plus de personnel formé et mobilisé."
Référence : décret n° 2025-817 du 13 août 2025 relatif à l'aide financière de soutien à la mobilité et aux temps de dialogue et de partage de bonnes pratiques versée aux départements et aux collectivités territoriales uniques par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et fixant son montant pour 2025, publié au Journal officiel du 15 août 2025. |