Bilan des autorités environnementales : des efforts à consolider sur les mobilités durables, l’artificialisation et l’adaptation au changement climatique
Des progrès sont constatés dans l’appropriation de certaines thématiques, notamment via les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), qui ont révélé un travail important de déclinaison dans les territoires des objectifs de réduction de consommation d’espace. Mais le bilan est plus contrasté pour les infrastructures de transports, pour lesquelles les études ne débouchent encore que trop rarement sur des mesures de réduction ambitieuse des émissions dans la réalisation et l’exploitation des projets.

© AE, IGED et Adobe stock
L’année écoulée marquée par un rythme élevé d’activité s’est avérée dense pour l’Autorité environnementale (Ae), qui présentait ce 29 septembre, son dernier rapport annuel concomitamment à la Synthèse de la Conférence des autorités environnementales. Avec un total de 133 avis en 2024, repartis entre 85 projets à enjeu d’interêt national et 48 plans et programmes, dont 6 sans observations, et 65 décisions au cas par cas. Et 2025 s’annonce comme un grand cru - déjà 131 avis rendus pour l’Ae au 25 septembre, quasiment autant que sur toute l'année 2024 -, en particulier pour les missions régionales d’autorité environnementale (MRAe), avec un afflux de dossiers liés à l’approche des élections municipales. Un certain nombre d’évolutions réglementaires sont à relever. C’est le cas de l’obligation de procéder à l’évaluation environnementale des titres régis par le code minier en tant que plans et programmes (pour 2025, l’Ae a déjà traité 25 dossiers y afférent). Au-delà de la variété des sujets abordés, allant de la programmation pluriannuelle de l’énergie (dont la publication est toujours renvoyée aux calendes grecques), aux volets mobilités des contrats de plan État-Régions (CPER), en passant par les schémas régionaux d’aménagement et les projets portuaires (tous objet d’un zoom dans le rapport), le président de l’Ae, Laurent Michel, y voit la démonstration "de l’apport de l’évaluation environnementale, bien conduite et utilisée, ou ce qui fait défaut dans le cas contraire quand elle est lacunaire".
Des MRAe en surchauffe
La vingtaine de MRAe a produit un total de 4.367 avis, avis conformes et décisions (sur un total de 4.681 dossiers). Un pic d’activité que ce soit pour les saisines projets ou pour les plans et programmes, "qui a conduit un peu mathématiquement à augmenter le nombre d'avis sans observation dans le délai", souligne Véronique Wormser, présidente de la MRAe Auvergne-Rhône-Alpes, pointant un "déséquilibre saisines et ressources". Les avis sans observation (dits avis tacites) représentent ainsi 10% du total des dossiers traités. On observe également plus de saisines dans le cadre de l’examen au cas par cas, et donc in fine "un nombre beaucoup plus important de plans et programmes", à traiter par les collèges de MRAe. La synthèse relève parmi les "points positifs" un niveau soutenu des cadrages préalables sollicités (au nombre de 186), qui ont concerné 132 projets et 54 plans et programmes (dont 44 dans la région Nouvelle-Aquitaine). S’y ajoutent huit demandes de cadrage préalable auprès de l’Ae. La procédure commune avec la collectivité territoriale reste encore "sous-utilisée" par les porteurs de projets - seulement 39 avis sur projets en 2024 - alors qu’elle permet de simplifier les démarches lorsque l’évaluation environnementale d’un projet et celle d’un document de planification visent le même objet.
Si chaque région a "ses spécificités en termes de thématiques ou de volume de saisines", certaines grandes tendances se confirment par ailleurs en 2024. Avec une part toujours importante des documents d’urbanisme (très majoritairement pour des modifications et révisions), les plans locaux d’urbanisme (PLU) comptant pour 67% de la totalité des dossiers. Le domaine des énergies renouvelables représente 46% des avis sur projets (43% en 2023), émis par les MRAe, en croissance constante. Les projets photovoltaïques au sol comptent à eux seuls 35% des avis sur projets en 2024. Pour le reste, ce sont pour 20% des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), des carrières, un certain nombre d'établissements industriels et pour 24% des aménagements urbains, des zones d'aménagement concerté, etc.
Des difficultés pour concrétiser les objectifs de décarbonation des mobilités
C’est un des éléments mis en exergue par l’Ae, dont l’activité a entre autres été marquée par l’examen des volets Mobilité 2023-2027 des CPER. D'abord, l'évaluation environnementale de ces contrats nouvelle génération est de "qualité variable", pointe-t-elle, et peu de régions ont saisi correctement cette opportunité (à quelques exceptions comme en Centre-Val de Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Hauts-de-France). Et les dossiers gagneraient à "expliciter de manière plus concrète leur cohérence avec les stratégies nationales ou régionales", en complémentarité avec les réponses à l’échelle des projets, abonde Laurent Michel. A contrario, des progrès sont à noter s’agissant de la gouvernance, suite à la loi d’orientation des mobilités de 2019, avec la constitution de conférences régionales sur la logistique ou la mue des observatoires régionaux de la mobilité. Les CPER montrent aussi une forte inflexion vers des mobilités durables par le fait d’un moins grand nombre de projets routiers, et davantage de moyens accordés au ferroviaire. Autre constat : "l’écart entre des planifications qui inscrivent la décarbonation des mobilités comme objectif à atteindre et la réalité des projets qui peinent à en décliner concrètement les effets, se confirme en 2024".
Les problématiques de biodiversité, d’émissions de gaz à effet de serre, comme de sobriété foncière, demeurent très diversement appropriées dans les projets d’infrastructures routières ou de transports en commun. La tendance est la même concernant les SCoT et les PLU(i) "avec une faible interaction qui persiste, entre urbanisme, aménagement et transports, ce qui a pour effet de pénaliser les actions de report modal et de développement des alternatives à la voiture individuelle".
Bonnes volontés sur la trajectoire ZAN
L’Ae a examiné tout au long de l’année les projets de modification des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Presque toutes les régions ont engagé la modification de leur schéma, pour décliner diverses dispositions législatives récentes, en particulier sur la réduction de l’artificialisation nette, après une large concertation, et en mobilisant de nombreux outils pratiques pour progresser concrètement dans les territoires. Il y a donc "un certain décalage" par rapport à ce que l’on entend sur le ZAN au niveau national, "que personne ne comprend ou personne ne sait mettre en oeuvre", s'étonne Laurent Michel. Des points "plus mitigés" demeurent cependant. Et notamment les enveloppes de référence au regard des consommations passées "ne sont pas toujours clairement établies", les objectifs post-2031 sont aussi "plus ou moins traités selon les régions", la différenciation selon le types d’espaces est "peu poussée". Un caractère "plus ou moins prescrit" des règles du Sraddet vis des SCoT et PLUi, dans lesquels la trajectoire commence à être déclinée dans certains cas "sans états d’âme", et dans d’autres "un peu plus difficilement", est aussi relevé. Laurent Michel souligne par ailleurs "l'effet perturbateur de la garantie communale [d’1 ha]". Dans certaines régions où il y a de très nombreuses petites communes, "cela aboutit à leur pré-réserver une très grosse consommation, bien supérieure à ce que même s'il y avait des projets importants l'ensemble de ces petites communes ferait", remarque-t-il, perturbant ainsi ces régions pour répartir les enveloppes.
Bilan contrasté sur la prise en compte du changement climatique
Des progrès sensibles sont relevés sur l’empreinte carbone pour les infrastructures de transport et les opérations d’aménagement urbain notamment, avec un effet visible de la réglementation environnementale 2020 sur les constructions neuves (RE 2020), qui conduit les porteurs de projet à des analyses "plus poussées" en cycle de vie du bâtiment. Le rapport cite un certain nombre de projets de décarbonation industrielle et d’infrastructures de transport (la ligne 15 Est du Grand Paris express par exemple) sur lesquels l’analyse est approfondie. Sur un total de 78 dossiers ayant fait l’objet d’un avis en 2024, plus de la moitié (42) présentent toutefois des lacunes importantes, voire majeures sur le bilan carbone. Et l’Ae a insisté également de façon régulière dans ses avis sur la nécessité d’appliquer aussi au sujet du climat la démarche éviter-réduire-compenser (ERC).
La situation reste contrastée en la matière : les parties consacrées à l’adaptation au changement climatique dans les évaluations environnementales sont en tendance "plus étoffées" (c’est le cas pour les projets en montagne, en particulier les stations, qui produisent de plus en plus des études spécifiques), mais dans nombre de cas, les études dédiées au sujet sont encore peu étayées par rapport aux autres thématiques environnementales. Sur la prise en compte des aléas naturels, les hypothèses d’évolution prises en compte sont parfois "un peu anciennes" et n’intègrent pas "toutes les conséquences", telles que la hausse du niveau des mers pour les investissements dans les grands ports. Même constat sur la ressource en eau, "l’adéquation entre projets de développement et capacités de la ressource est souvent lacunaire dans les SCoT et PLUi". Les plans climat air énergie territoriaux (PCAET) identifient mieux le thème de l’adaptation au changement climatique, mais ne sont pas toujours opérationnels sur les actions. Dans les projets d’aménagement urbain, la question de la chaleur, dont le phénomène d’îlot de chaleur, est en revanche souvent abordée en détail et avec des actions structurées.