Protection de l’enfance : renforcer les moyens en faveur d’un meilleur accompagnement des jeunes protégés
Pour accompagner les Départements et les associations dans leurs missions en matière d’aide sociale à l'enfance, la Banque des Territoires met à disposition son expertise ainsi que des solutions de financement sur les volets relatifs à l’immobilier, à la formation professionnelle, au numérique, ou à l’autonomie des jeunes.
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Aide Sociale à l'Enfance (ASE) : des besoins de plus en plus importants
Aujourd'hui en France, près de 400 000 enfants et jeunes de 0 à 21 ans sont concernés par une mesure d'aide sociale à l'enfance. 57 % d'entre eux font l'objet d'un placement dans une structure de l'ASE (pouponnière, maison d'enfants à caractère social (MECS), village d’enfants, assistant familial…) et 46 % font l'objet d’une action éducative en milieu ouvert, c’est-à-dire d'un suivi au domicile familial par des travailleurs sociaux, dans l’optique de prévenir un éventuel placement.
En 25 ans, le nombre d'enfants pris en charge a progressé de 50 % et le coût de la prise en charge a augmenté de 70 % pour atteindre 11 Md€ par an pour les Départements. Ces jeunes ont souvent des profils complexes avec au moins une double vulnérabilité. Il faut savoir, par exemple, que 30 % sont porteurs d'un handicap.
Les Départements, qui ont la compétence de l'aide sociale à l'enfance, connaissent des difficultés de plus en plus fortes dans la prise en charge de ces jeunes, en raison d'un manque de moyens financiers, humains, immobiliers… Malgré toute la bonne volonté et l'énergie déployées par les professionnels, le secteur est en souffrance et la prise en charge des jeunes s'avère souvent insuffisante au regard de leurs besoins. Cette situation entraîne des répercussions graves et durables :
- au moins 3 000 enfants en danger sont maintenus dans leur famille faute de places d'accueil disponibles ;
- 26 % des personnes sans domicile fixe nées en France sont d'anciens enfants placés en protection de l'enfance ;
- les enfants placés ont une espérance de vie inférieure de 20 ans à la moyenne nationale.
Derrière ces chiffres alarmants se cachent des enfants en grande détresse et de futurs adultes profondément marqués qui auront du mal à se construire, à s'insérer dans la société et à s'épanouir dans la vie.
Protection de l’enfance : les leviers d’action de la Banque des Territoires
Interpellé par les difficultés du secteur de la protection de l'enfance, Olivier Sichel, directeur général de la Caisse des Dépôts, a créé une mission de préfiguration d'une offre en matière d'aide sociale à l'enfance, coconstruite avec l'ensemble des acteurs et des partenaires du secteur. Puis, à la suite d’une mission confiée par Catherine Vautrin, alors ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, et de Florence Dabin, présidente du GIP « France Enfance Protégée » et présidente du département du Maine-et-Loire, Olivier Sichel a publié un rapport en janvier 2025, présentant ses propositions pour accompagner le secteur dans cette politique publique.
Intitulé « Des propositions innovantes pour les acteurs de l'enfance protégée - Une approche écosystémique qui peut changer la donne », ce rapport formule 20 propositions pour soutenir la transformation du secteur de la protection de l'enfance. Des mesures concrètes et déployables à court et moyen termes grâce à l'appui de la Banque des Territoires ont été émises suivant quatre axes identifiés comme essentiels : l'immobilier, les solutions numériques, la formation des professionnels du secteur, et l'accès aux droits et à l’autonomie des jeunes protégés.
Pour renforcer les moyens d’action des acteurs de la protection de l’enfance, cette approche se concrétise fin 2025 par le lancement du programme Enfance protégée. Ce dernier regroupe l'ensemble des accompagnements proposés par la Banque des Territoires, notamment l’ingénierie, le prêt, et l’investissement.
Adapter les conditions d'accueil : le défi immobilier de la protection de l’enfance
Au regard des besoins d'accueil de plus en plus importants et des profils de plus en plus complexes des jeunes accompagnés, le parc immobilier existant se révèle à la fois insuffisant et mal adapté. D'après une étude de KPMG réalisée pour la Banque des Territoires en 2022, le besoin de construction s'élèverait entre 5 000 et 8 900 places et le besoin de réhabilitation concernerait 11 000 à 18 000 places. Ainsi et selon la même étude, le besoin de remise à niveau immobilier a été estimé entre 1,4 Md€ et 2,4 Md€, répartis entre la création de places et la rénovation des places existantes.
Si le besoin de création de places est très inégal selon les départements, tous les territoires partagent les deux enjeux majeurs que sont la rénovation d'un parc vétuste et énergivore et l'adaptation du parc aux besoins de ce public fragile.
Pour bien prendre en compte les handicaps et pour préserver l'intimité des enfants, il est nécessaire de proposer davantage de petites unités plutôt que d'immenses dortoirs avec des dizaines de lits.
La Banque des Territoires apporte aux Départements et aux associations sur le terrain une offre d'ingénierie afin de les accompagner en matière d’aide à la décision, d’appui à la structuration de projets, ou d’appui aux solutions territoriales innovantes.
Plus concrètement, sur le volet immobilier par exemple, la Banque des Territoires a accompagné la Fondation Droit d'Enfance dans l’étude de faisabilité de rénovation de ses bâtiments ainsi que dans leur transformation, notamment celle d’une chapelle sur son site d'Elancourt dans les Yvelines. Elle a également pu cofinancer les audits énergétiques des 84 structures immobilières de la fondation SOS Villages d'Enfants.
Nous pouvons également appuyer les acteurs dans leurs réflexions stratégiques autour de schémas directeurs immobiliers ou autour de nouveaux modèles et montages innovants, tels que la création de foncières médico-sociales articulées autour de différents actifs pour viser l'équilibre économique.
Au-delà des problématiques immobilières, cet accompagnement en ingénierie est également déployé sur les autres axes du programme : la formation professionnelle, le numérique et l’accès à l’autonomie des jeunes protégés.
La Banque des Territoires poursuit son soutien à travers une offre de prêts. Celle-ci est à destination des maîtres d'ouvrage pour financer la construction et la rénovation de places dans des structures d'accueil : foyers de l'enfance, villages d'enfants, maisons d'enfants à caractère social, pouponnières…
La première enveloppe bonifiée lancée en 2024 a permis de soutenir 15 opérations réparties sur 6 régions, contribuant à la création ou à l’amélioration des conditions d’accueil de près de 650 places.
Une amplification majeure est donnée avec une nouvelle enveloppe de prêt PHARE bonifié de 350 M€ distribué au taux du Livret A, ouverte sur trois ans pour les structures de l'aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ce prêt bonifié, déjà mobilisable, complète l’offre existante (prêt PHARE classique et Éco-Prêt, Éco-Prêt logement social). Avec ces moyens renforcés, la Banque des Territoires entend impulser au total la construction ou la rénovation d’environ 7 000 places d’ici à 2028, soit un tiers des besoins du secteur en matière immobilière.
Le numérique au service de la protection de l’enfance
Le secteur de la protection de l’enfance, sous-numérisé, a une marge de progression forte dans ses pratiques de l'usage de la donnée et dans l'interopérabilité des systèmes d'information. Cette sous-numérisation ainsi que la dispersion des informations nuisent à l'évaluation des dispositifs mis en place, au suivi du parcours des jeunes, au repérage précoce des situations à risque, aux actions de prévention…
Pour mettre en place des solutions opérationnelles concrètes, la Banque des Territoires expérimente un espace numérique partagé dans les départements de la Côte d'Or, des Bouches-du-Rhône et du Maine-et-Loire. Cet outil, désigné par la Manufacture grâce à un financement France 2030 opéré par la Banque des Territoires, s'adresse aux jeunes, à leur entourage familial et aux professionnels. Il offre plusieurs fonctionnalités comme le suivi du parcours du jeune, un coffre-fort numérique pour sécuriser des documents et un volet « autonomie » pour accompagner les jeunes vers leur majorité.
Toutes les informations utiles sont consolidées dans un seul espace numérique, pour un meilleur partage et une fluidification des échanges. Cette solution, cohérente avec le schéma cible d’urbanisation des systèmes d’information de l’aide sociale à l’enfance, a vocation à être généralisée.
En parallèle, la Banque des Territoires travaille à la création d'une plateforme de mutualisation. Son objectif est de fédérer les acteurs du secteur autour des solutions, pratiques, connaissances partagées permettant in fine d’améliorer l’accompagnement des enfants et des jeunes de l’ASE. Opérationnelle d'ici mi-2026, cette plateforme se concentrera notamment sur les enjeux liés à l'immobilier, ainsi que sur les offres de formation et d'emploi dans ce domaine.
Accompagner les jeunes de 16 à 21 ans sur le chemin de l'autonomie
Le parcours vers l'autonomie et le passage à l'âge adulte pour les jeunes passés par l'aide sociale à l'enfance s'avèrent particulièrement compliqués, souvent par manque d'anticipation et d’accompagnement adapté. Le suivi des 18-21 ans est assuré uniquement dans le cadre d'un contrat Jeune Majeur qui suppose de disposer d’un projet de formation ou d’un projet professionnel abouti. Les autres se retrouvent généralement démunis, sans bien savoir comment faire valoir leurs droits en matière d'accès au logement ou d'accompagnement à l'insertion professionnelle.
Depuis 2016, la Caisse des Dépôts protège les allocations de rentrée scolaire (ARS) des enfants confiés au service de l'aide à l’enfance. Ce « pécule », accessible à 18 ans, n'est pas toujours réclamé, faute d’être suffisamment connu des publics visés. Il faut donc réussir à mieux informer les jeunes majeurs pour augmenter le taux de restitution.
Mais le chemin vers l'autonomie repose surtout sur un accompagnement humain dans les différentes démarches à accomplir : recherche d'un logement, d'un emploi ou d'une formation, acculturation bancaire, passage du code de la route…
La Banque des Territoires mène actuellement une expérimentation novatrice en partenariat avec le Département du Nord. Son objectif est de mobiliser les différentes filiales du Groupe (CDC Habitat, La Banque Postale, La Poste, Adoma, Maisons & Cités, Transdev, etc.) afin qu’elles puissent, chacune à leur niveau, accompagner les jeunes de l’ASE vers l'autonomie.
Nous prévoyons, sur la base de cette première expérimentation, de structurer une offre engagée du Groupe pour pouvoir la déployer dans d’autres départements.
Un dispositif de mentorat a également été spécifiquement développé, mobilisant 21 collaborateurs de la Caisse des Dépôts et Consignations sur la période 2024-2025. L'intérêt pour ce dispositif est grandissant : pour la période 2025-2026, une soixantaine de collaborateurs en Île-de-France et en région Bretagne se sont déjà portés volontaires. Ce modèle de mentorat est conçu pour être facilement duplicable sur l'ensemble du territoire.
Développer les compétences des professionnels de l'ASE par la formation
Le secteur de l'aide sociale à l'enfance est confronté à une crise d'attractivité due aux conditions de travail difficiles, à la complexification des profils accompagnés, à la charge de travail importante. 97 % des structures de la protection de l’enfance déclarent ainsi rencontrer des difficultés de recrutement.
La formation initiale des moniteurs et des éducateurs spécialisés ne propose pas de modules pour répondre aux spécificités de l'aide sociale à l'enfance. Il y a donc un vrai décalage entre les contenus de la formation et la réalité du terrain.
De plus, le modèle d'accueil par des assistants familiaux, souvent plus adapté et moins onéreux qu'un placement en structure, fait face à un problème de renouvellement puisque 75 % des assistants familiaux sont âgés de 50 ans et plus.
Alors que le nombre de jeunes pris en charge par l'aide sociale à l’enfance augmente de manière constante, les professionnels du secteur demeurent en nombre insuffisant – et insuffisamment formés. L'une des réponses proposées par la Banque des Territoires pour lutter contre la pénurie de personnel est d'investir dans des opérateurs existants de la formation professionnelle avec le double objectif de consolider leur offre de formation dédiée au secteur de l'ASE et d'innover dans les méthodes pédagogiques.
Au travers de la plateforme de mutualisation évoquée plus haut, la Banque des Territoires souhaite mettre en valeur les métiers de la protection de l’enfance et faciliter l’accès à l’offre de formation répondant aux besoins des professionnels, contribuant ainsi à une meilleure attractivité du secteur.
En adoptant une démarche partenariale dans la construction de son offre de solutions et en mobilisant ses moyens financiers et son expertise, la Banque des Territoires est pleinement mobilisée pour la transformation du secteur de l'aide sociale à l'enfance, au service d’un meilleur accompagnement des enfants et jeunes protégés.
© Olga Douin
Olga Douin
Directrice du programme Enfance protégée de la Banque des Territoires
Diplômée d'un master en stratégie et ingénierie des affaires internationales de l'ESSEC Business School, Olga Douin a rejoint en 2020 le groupe Caisse des Dépôts au poste de responsable du pilotage stratégique de la Banque des Territoires. Elle a ensuite occupé successivement les fonctions de directrice adjointe puis directrice Stratégie et Transformation avant d'être nommée, en mai 2025, directrice du programme Enfance protégée.
Inès Bendouba
Experte du programme Enfance protégée de la Banque des Territoires
Diplômée d'un master d'affaires européennes et d'un master d'analyse des politiques publiques, Inès Bendouba a exercé comme collaboratrice parlementaire de députées de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, puis a été chargée de plaidoyer « Familles et petite enfance » au sein de la fédération d'aide à domicile UNA. Elle rejoint la Banque des Territoires en 2023 sur la mission de préfiguration sur l'Enfance protégée avant d'être nommée experte au sein du Programme Enfance protégée.
© Inès Bendouba