Réutilisation des eaux usées traitées (REUT) : une solution pour pallier les pénuries d’eau

Avec la répétition des sécheresses, la raréfaction des ressources et les tensions croissantes sur le cycle de l’eau, la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) s’inscrit comme une solution pérenne. Elle s’invite à ce titre dans tous les secteurs pour favoriser la résilience des territoires face au changement climatique. Tour d’horizon d’une solution circulaire, qui pourrait bien devenir indispensable.

Réutiliser l’eau usée : un pari pour faire face aux crises de demain ?  


Stress hydrique, usage intensif… une ressource sous pression

En France, le stress hydrique provoqué par les pénuries et la raréfaction de l’eau est de plus en plus conséquent, notamment dans certaines régions du Sud et du Centre. Pourtant, cette ressource est indispensable pour assurer la continuité de l’activité de plusieurs filières économiques. Prenons le cas de l’agriculture qui représente à elle seule 80 % de la consommation totale d’eau en France. Elle est suivie de près par l’industrie et l’usage domestique.

La réutilisation des eaux usées traitées (REUT) s’inscrit comme une solution pour soulager la pression subie par ces usagers, souvent contraints à modérer leur consommation au détriment de leurs besoins. Concrètement, le principe permet de réduire la demande en eau potable et offre une meilleure gestion de la ressource.


La REUT : une pratique encadrée en pleine mutation

Apparue dans les années 1980, la REUT est longtemps restée confinée à des usages industriels et expérimentaux, comme en Espagne pour l’irrigation agricole. En France, elle a été facilitée en 2020 par l’introduction de nouvelles mesures dans le cadre de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA). Ces dispositions visent à faciliter le déploiement de la réutilisation des eaux usées traitées dans les secteurs agricole et industriel, tout en garantissant des normes sanitaires strictes.

Cette évolution législative s’est accompagnée du lancement de plusieurs projets pilotes. Par exemple, l’Agence de l’eau Méditerranée-Corse soutient des initiatives de REUT au sein de la filière agricole. Son objectif est clair : réduire la consommation en eau potable dans une région particulièrement exposée au risque de sécheresse.


Des freins techniques, réglementaires et sociaux persistants

Bien qu’elle présente un fort potentiel, la REUT se heurte encore à des obstacles majeurs.
Sur le plan technique, les coûts d’installation des infrastructures de traitement et de distribution restent élevés. Aussi, bien qu’elles aient fait leurs preuves, les technologies de purification avancées (l’osmose inverse, par exemple) peuvent s’avérer coûteuses et complexes à déployer à grande échelle.
Au niveau réglementaire, malgré un encadrement strict – avec, par exemple, la norme NF T 90-210 pour l’irrigation –, l’usage des eaux usées traitées est encore sujet à quelques incertitudes. C’est notamment le cas en milieu urbain et pour certaines applications spécifiques.
Enfin, la perception négative de la REUT par le public constitue un frein majeur à son développement. Malgré les processus de traitement rigoureux qui éliminent la majorité des polluants, c’est l’idée d’utiliser des eaux usées à grande échelle qui reste source de réticences.

 

Les usages concrets et les bénéfices immédiats de la REUT pour les territoires
 

Pour l’agriculture : irriguer sans puiser dans la nappe

L’agriculture constitue l’un des secteurs les plus prometteurs pour la REUT, comme en témoignent les initiatives déployées dans les régions françaises soumises à un stress hydrique important. À titre d’exemple, dans le sud de la France et à La Réunion, plusieurs projets agricoles ont permis de réduire drastiquement la consommation d’eau potable pour l’irrigation sans puiser dans les nappes phréatiques.

Cette approche présente plusieurs bénéfices :  

  • réduire la dépendance aux nappes phréatiques et aux ressources naturelles ;
  • préserver les ressources ;
  • économiser les coûts opérationnels pour les exploitants agricoles.  

Autant d’avantages particulièrement précieux dans un contexte climatique qui aggrave et augmente la fréquence des périodes de sécheresse.


Pour l’industrie : une eau fonctionnelle, sans pression sur la ressource potable

De nombreuses industries ont déjà recours aux eaux usées traitées pour des usages non-potables (refroidissement des machines, production de vapeur, nettoyage des équipements, etc.). C’est le cas des industries du papier ou du textile, où la pratique permet de réduire leur dépendance à l’eau potable.

Les économies réalisées sont considérables : en substituant l’eau potable par des eaux usées traitées pour ces usages techniques, les entreprises réduisent leurs coûts d’exploitation, tout en contribuant à une gestion plus durable des ressources en eau. Une approche parfaitement en phase avec les stratégies de développement durable et de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). 


Pour les villes : repenser les usages urbains de l’eau

Les collectivités territoriales commencent, à leur tour, à adopter la REUT pour des usages urbains tels que l’arrosage des espaces verts, le nettoyage des voiries ou encore les systèmes de refroidissement des bâtiments publics.

Pour ces territoires urbains, les bénéfices sont aussi multiples :

  • réduction de la consommation d’eau potable pour des usages ne nécessitant pas cette qualité ;
  • optimisation des coûts des ressources ;
  • contribution active à la résilience territoriale et à la gestion durable de l’eau en milieu urbain.

Parmi les villes pionnières qui envisagent d’utiliser les eaux usées traitées, on peut notamment citer la capitale.

 

Les territoires en première ligne pour réinventer la gestion de l’eau


Soutien financier et accompagnement des territoires

La transition vers une gestion plus durable de l’eau bénéficie d’un soutien institutionnel de plus en plus important. En 2023, la Banque des Territoires a notamment investi près de 100  millions d’euros dans des projets d’infrastructures environnementales et de gestion des ressources en eau, avec une part importante dédiée à la REUT.

Concrètement, l’institution a financé plus de 40 projets de gestion de l’eau dans des territoires urbains et ruraux. Plusieurs de ces initiatives concernent directement la REUT dans l’agriculture, l’industrie et les espaces publiques. Autant de projets illustrant l’engagement des institutions financières dans cette transition écologique clé.


Zoom sur les initiatives de REUT inspirantes

Confrontés à des enjeux majeurs de gestion de l’eau, la Métropole de Lyon a lancé un programme ambitieux de réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des espaces verts et le nettoyage urbain. La Banque des Territoires a soutenu cette initiative par un financement à hauteur de 10 millions d’euros, pour l’implantation des infrastructures nécessaires et le suivi des premières années d'exploitation.

Les résultats de ce projet parlent d’eux-mêmes : une réduction de la consommation d’eau potable de 30 % pour ces usages et, en prime, une forte adhésion politique et sociale.

Dans les Alpes-Maritimes, le département a lancé un projet d’irrigation agricole en ayant recours à la REUT dans plusieurs zones. Ce programme a bénéficié d’un financement de 5 millions d’euros de la Banque des Territoires, en partenariat avec les Agences de l’eau et les collectivités locales. Il a permis l’irrigation, par des eaux usées traitées, de plus de 1 500 hectares de cultures.

Enfin, la ville d’Aix-en-Provence a développé, dans le sillage de son Plan Climat et avec le soutien financier de la Banque des Territoires, un projet de REUT pour l’entretien de ses parcs et jardins. 7 millions d’euros y ont été injectés par l’institution, permettant de réduire de 40 % la consommation d’eau potable pour ces usages.

 

Dans des régions que l’on sait particulièrement vulnérables au stress hydrique, la réutilisation des eaux usées traitées apparaît comme une solution stratégique et durable. Soutenue par les collectivités, les institutions financières et les acteurs économiques, elle incarne une réponse concrète aux enjeux d’adaptation climatique. Son développement à grande échelle est aujourd'hui un levier clé pour sécuriser l’accès à la ressource et accompagner la transition des territoires vers une gestion plus résiliente de l’eau.

FAQ

Qu’est-ce que la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) et comment fonctionne-t-elle ?

La REUT consiste à donner une seconde vie aux eaux usées après leur passage en station d’épuration. Elles subissent des traitements complémentaires pour être assainies (désinfection, filtration avancée, ultrafiltration ou encore ozonation). Ce recyclage vise à produire une eau conforme à des normes sanitaires strictes et viable pour différents usages ne nécessitant pas d’eau de qualité potable, mais saine.

Quels sont les principaux usages de l’eau recyclée en agriculture, en industrie et en milieu urbain ?

En agriculture, l’eau recyclée est principalement utilisée pour l’irrigation des cultures (vignes, céréales, maraîchage, etc.). L’industrie, elle, a recours à la REUT pour le nettoyage et le refroidissement des équipements, ou encore pour alimenter les systèmes d’extinction d’incendies. Quant aux collectivités territoriales, elles peuvent utiliser l’eau recyclée pour l’arrosage des espaces verts, le nettoyage de la voirie, l’alimentation des fontaines ou encore des réseaux de refroidissement urbain. C’est notamment le cas à Cannes, Montpellier ou encore Hyères.

Cette utilisation circulaire de l’eau permet de limiter le pompage dans les nappes phréatiques et de réduire l’exploitation des ressources potables. Une économie essentielle, en particulier dans les zones vulnérables au stress hydrique.

Pourquoi la REUT est-elle une solution pour faire face aux pénuries d’eau ?

La REUT mobilise une ressource existante et pourtant sous-exploitée. En France, moins de 1 % des eaux usées traitées sont réutilisées, contre 8 % chez nos voisins italiens et même 14 % en Espagne !

Avec la multiplication des sécheresses, l’intensification des conflits d’usage et le stress hydrique généralisé, cette pratique s’inscrit comme une solution vertueuse sur plusieurs plans. Parmi ceux-ci : la réduction de la pression sur les nappes phréatiques et les cours d’eau, la sécurisation de certains usages non prioritaires en eau potable, et l’adaptation des territoires au changement climatique – grâce à la diversification des sources d’approvisionnement.