CFP 2028-2034 : le Parlement ne veut pas de la réforme proposée par la Commission
Les députés européens ont adopté, ce 10 septembre, plusieurs résolutions relatives à l'après-2027 qui ne coïncident guère avec les projets de la Commission. Les parlementaires plaident pour que la politique agricole commune, la politique de cohésion ou encore le fonds pour une transition juste conservent leur autonomie, avec un budget renforcé, ou à tout le moins maintenu.

© European Union 2025 - Source : EP/ Carmen Crespo Díaz
Réuni en session plénière cette semaine, le Parlement européen a officiellement confirmé ses divergences de vue avec la proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 récemment présentée par la Commission (lire notre article du 17 juillet), dans des résolutions qui, bien qu'ayant été initiées avant ladite présentation formelle de la Commission, ne sont pas sans y répondre, et s'y opposer.
Pour une PAC autonome et renforcée
Dans une résolution portée par Carmen Crespo Díaz (PPE, Espagne) et adoptée par 393 voix (145 contre et 123 abstentions), les parlementaires préconisent ainsi d'affecter à la politique agricole autonome (PAC) "un budget spécifique" – i.e. exclue des nouveaux "plans de partenariat nationaux et régionaux" –, et "plus élevé, indexé sur l'inflation" et ce, "afin de garantir la sécurité de l'approvisionnement alimentaire". Mais aussi, par exemple, afin d'augmenter le nombre d'incitations fiscales et de prêts pour éliminer les obstacles à l'entrée au métier d'agriculteur.
Sur le fond, les députés militent pour un deuxième pilier (celui consacré au développement rural) "indépendant et fort, distinct des politiques de cohésion mais étroitement coordonné avec celles-ci", en allouant prioritairement les financements "à des activités agricoles". Ils insistent en outre sur "le rôle déterminant joué par les autorités et parties prenantes locales", dont les groupes d'action locale (GAL), et soulignent que les régions "doivent pouvoir concevoir, mettre en œuvre et gérer de manière autonome les mesures de développement rural".
Ils se prononcent encore en faveur d'une réduction de la charge administrative pesant sur les agriculteurs, avec des procédures d'inspection "moins stressantes" (notamment via des contrôles basés sur l'imagerie satellitaire, l'approche d'audit unique et l'auto-certification) et pour le maintien du caractère volontaire des éco-régimes – en les rendant "plus simples et plus souples" – et des mesures agro-alimentaires volontaires du deuxième pilier, lesquelles sont jugées "plus efficaces que les éco-régimes". Ils invitent encore la Commission à mettre en œuvre un mécanisme de test rural "dans tous les domaines d'action", déplorant qu'il n'ait été jusqu'ici mis en œuvre "que dans une mesure limitée". Pêle-mêle, ils appellent également la Commission à doter la PAC d'une "approche stratégique et globale des ressources en eau […] pour accentuer l’attention donnée au couple eau-production alimentaire", "à veiller à ce que des ressources supplémentaires soient allouées aux collectivités […] afin de promouvoir l'éducation nutritionnelle dans les écoles et les cantines scolaires" ou encore à ce qu'une "aide d'envergure" soit également apportée à ces mêmes collectivités en faveur de l'adaptation au changement climatique.
Fonds de cohésion : appel à la simplification, mais…
Dans une autre résolution promue par Vladimir Prebilič (Verts/ALE, Slovénie) et adoptée à une large majorité (513 pour, 111 contre, 40 abstentions), les députés européens appellent également à la simplification des fonds de cohésion, mais pas celle promue par la Commission…
Déplorant au passage le "détournement systématique des fonds de cohésion afin de répondre aux crises", ils s'opposent "à tout type de réforme venue d’en haut en vue d’une centralisation ou d’une renationalisation de la programmation de la politique de cohésion" et réaffirment que "la gouvernance à plusieurs niveaux, la subsidiarité, la gestion partagée et une approche territorialisée doivent rester les principes directeurs fondamentaux de cette politique". Autant d'éléments que d'aucuns estiment remis en cause par la proposition de la Commission (lire notre article du 21 juillet). De même, s'ils déplorent comme la Commission la fragmentation des financements de l'Union – "la période 2021-2027 comptant plus de 50 programmes pluriannuels" –, ils dénoncent "la part croissante – de 40% actuellement – des fonds gérés de manière centralisée au titre de l'actuel CFP". Considérant que "la participation active et obligatoire des collectivités locales et régionales à l’élaboration, à la programmation, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des projets dans leurs domaines de compétence est une condition préalable essentielle à une simplification réussie et adaptée", ils se prononcent formellement "contre l'idée d'un programme national unique, car il ne garantit pas une participation adéquate des collectivités locales et régionales, est très éloigné des réalités du terrain et mettrait en péril, voire supprimerait, la capacité de la politique de cohésion à tenir compte des besoins divergents des politiques sectorielles, ainsi que des objectifs et des spécificités des instruments macrorégionaux, nationaux, régionaux ou locaux".
Sans surprise, ils plaident par ailleurs pour un budget de la politique de cohésion "maintenu, voire augmenté", ou encore pour "une augmentation conséquente et adaptée des préfinancements" afin que des "problèmes de liquidités ne dissuadent pas certains bénéficiaires potentiels, y compris des collectivités locales, qui pâtissent, dans certains États membres, d’un manque d’autonomie fiscale et budgétaire, de demander le financement de projets". Ils préconisent également "un accès plus direct aux fonds de l’Union pour les collectivités […] grâce, entre autres, à l’élargissement du recours à l’investissement territorial intégré et à la concentration sur les projets à destination des partenaires sociaux et économiques".
Comme pour la PAC, ils estiment qu'il "y a lieu d'affermir le principe d'audit unique", non sans demander également "une interprétation plus cohérente des réglementations par les organismes d’audit de l’ensemble de l’Union et d’un fonds à l’autre" ainsi qu'une "stratégie d’audit davantage fondée sur les risques afin d’éviter les doublons inutiles".
Dans une résolution défendue par Marcos Ros Sempere (S&D, Espagne), adoptée par 462 voix (142 contre, 63 abstentions), les députés ont également plaidé pour que "les investissement en faveur de logements abordables, décents, accessibles et durables" figurent parmi les priorités des futurs fonds de cohésion post-2027. Et dans une résolution portée par Ciaran Mullooly (Renew, Irlande) et adoptée avec 519 voix pour (99 contre, 48 abstentions), ils se sont prononcés en faveur du maintien d'un fonds de transition juste autonome après 2027, dans lequel les collectivités joueraient "un rôle plus important".