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Changement de nom des communes : l'Intérieur fixe des limites

Les regroupements de régions, puis d'EPCI, puis de communes ont fait fleurir les nouveaux noms de collectivités. Le choix des nouveaux noms a souvent été heureux, parfois un peu moins. Une note d'information de la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'Intérieur vient donc rappeler aux préfets, chargés d'instruire les demandes de changement de noms, que tout n'est pas possible et qu'il convient de faire appliquer certaines règles. Dans le même temps, un décret du 24 février 2021 actualise les dénominations de centaines de communes dans les décrets portant délimitation des cantons.

La direction générale des collectivités locales adresse aux préfets une note d'information, en date du 8 février, relative à l'instruction de demandes de changement de noms de communes. Celle-ci entend rappeler le cadre juridique de ces changements des noms, tels que les principes en sont définis à l'article L.2111-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Elle prend également en compte la suppression de la "commission de révision du nom des communes" opérée, dans un souci de simplification, par un décret du 4 octobre 2019. Elle en profite aussi au passage pour abroger les circulaires sur le sujet de 1981, 1951 et... 1884.

L'article L.2111-1 du CGCT distingue deux cas de figure. Le droit commun prévoit que le changement de nom d'une commune est décidé par décret, sur demande du conseil municipal et après consultation du conseil départemental. Toutefois, les changements de noms qui sont la conséquence d'une modification des limites territoriales des communes sont prononcés par les autorités compétentes pour prendre les décisions de modification. Ce deuxième cas est donc applicable au cas de création d'une commune nouvelle, par regroupement de communes préexistantes. Précision importante : "Il faut entendre par changement de nom, non seulement la substitution d'un nom à un autre, mais aussi les additions de noms ou les simples rectifications d'orthographe". En la matière, la référence est le nom de la commune tel qu'il apparaît dans le "code officiel géographique" géré par l'Insee. 

Une procédure très encadrée

Quel que soit le cas de figure, le changement de nom ne peut se faire qu'à l'initiative du conseil municipal intéressé. Celui-ci prend alors une délibération en ce sens, adressée au préfet du département. Ce dernier peut demander à la commune de joindre à sa délibération "tout document qu'elle juge utile afin d'appuyer sa demande". Sans revêtir un caractère obligatoire, ce complément d'information "permet d'éclairer sur la pertinence du nom demandé, notamment au regard de son caractère historique".

Le préfet doit ensuite recueillir l'avis du service départemental d'archives, puis celui du conseil départemental, qui doit se prononcer par une délibération "en toute connaissance de cause". Petite simplification supplémentaire : il n'est plus nécessaire de saisir les services locaux de La Poste... Le préfet transmet alors le dossier pour instruction à la DGCL, assorti de son avis, "mentionnant notamment les éventuelles homonymies du nom de la commune [nombreuses en France, ndlr], ainsi que du nom demandé". Cet examen par la DGCL remplace l'avis de la défunte commission de révision du nom des communes. Le nouveau nom est ensuite acté par un décret simple.

Majuscules, chiffres et tirets : une leçon d'orthographe

La note d'information encadre aussi les changements de noms en précisant que "de manière générale, tout changement de nom de commune doit être justifié par le souci de mettre le nom officiel de la commune en accord avec un usage différent, mais suffisamment ancien et constant, ou par celui de mettre fin à de véritables risques de confusion avec d'autres communes". Dans cet esprit, "ne sont pas admises les modifications fondées sur des considérations de simple publicité touristique ou économique". De même, il convient d'éviter les changements créant des noms trop longs (on a vu les ravages avec certains noms d'EPCI regroupés), les demandes d'adjonction de nom de personnes ou les noms créant une homonymie.

Enfin, la note d'information de la DGCL demande aux préfets de porter une attention particulière à la graphie des noms proposés. Une annexe savoureuse doit les aider dans ce travail. Celle-ci fleure bon (l'ancienne) école primaire ou, aujourd'hui, le code typographique des secrétaires de rédaction. Les plus pessimistes y verront plutôt le signe de la déperdition croissante de l'orthographe. L'annexe apprend ainsi notamment, à titre d'exemples, qu'il faut écrire Le Havre et non Le-Havre, Saint-Paul-Trois-Châteaux et non St-Paul-3-Châteaux, Les Sables-d'Olonne et non Les Sables-D'Olonne, Saint-Rémy-lès-Chevreuse et non Saint-Rémy-les-Chevreuse, mais Pernes-les-Fontaines et non Pernes-lès-Fontaines...

Comment s'appellent les habitants de Saint-Père-Marc-en-Poulet ?

Par le jeu du hasard, un décret du 24 février 2021 actualise les dénominations des communes dans les décrets portant délimitation des cantons dans les 66 départements concernés. Ce texte d'une trentaine de pages au Journal officiel entérine ainsi des centaines de changements ou de suppressions de noms de communes intervenus ces dernières années. Sans faire de mauvais esprit et même s'il s'agit souvent de noms de communes nouvelles souhaitant se référer aux noms des communes fusionnées, on peut se demander, au regard des recommandations sur la graphie, pourquoi Aix-en-Othe (Aube) devient Aix-Villemaur-Pâlis (trois noms au lieu d'un, du fait de la fusion des communes de Aix-en-Othe, Palis et Villemaur-sur-Vanne), Saint-Geniez-d'Olt (Aveyron) devient Saint Geniez d'Olt et d'Aubrac (pas de nom trop long), Condé-sur-Noireau (Calvados) devient Condé-en-Normandie (pas de changement de nom à vocation touristique). Le Calvados fait d'ailleurs très fort en matière touristique, en créant plusieurs noms apposant au nom d'origine "Normandie" (il faudra dire désormais l'andouille de Vire-Normandie), "Pays-d'Auge" (Livarot-Pays-d'Auge) ou "Vallée d'Auge" (Mézidon-Vallée d'Auge).

A noter aussi quelques mystères, au moins pour le simple profane, comme la commune de Loc-Eguiner-Saint-Thégonnec (Finistère), qui devient Saint-Thégonnec Loc-Eguiner (sans tiret entre les deux noms !), après fusion avec Saint-Thégonnec (dont elle portait déjà le nom). Ou quelques appositions pas forcément très réussies, comme Saint-Père (Ille-et-Vilaine) qui devient Saint-Père-Marc-en-Poulet. Enfin, les amateurs du film d'Alain Resnais "On connaît la chanson" apprécieront la création de la commune Villages du Lac de Paladru (Isère, sans doute la première commune à s'appeler villages au pluriel). Reste un détail, qui ne relève pas du décret mais pourrait compliquer la vie des habitants des communes concernées : la question des gentilés. Pas facile de deviner, par exemple, comment s'appellent les habitants de Saint-Père-Marc-en-Poulet (tout simplement les Péréens, nous apprend le site de la mairie), ceux de Saint-Thégonnec Loc-Eguiner ou ceux de Villages du Lac de Paladru...

Références : ministère de l'Intérieur, direction générale des collectivités locales, note d'information relative à l'instruction de demandes de changement de communes ; décret n°2021-213 du 24 février 2021 actualisant les dénominations des communes dans les décrets portant délimitation des cantons (Journal officiel 26 février 2021).

 

 

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