Christine Orain-Grovalet : "Les Côtes-d’Armor ne veulent pas faire la chasse aux allocataires du RSA"
Le département des Côtes-d’Armor a délibéré sur son nouveau barème de sanctions à l’encontre des bénéficiaires du RSA qui ne respecteraient pas leurs obligations. Explications de ce qui change avec la vice-présidente Christine Orain-Grovalet, chargée de ce dossier.
© Côtes-d'Armor le Département/ Christine Orain-Grovalet, vice-présidente déléguée à l’Insertion, à l'Action sociale, à l'Economie sociale et solidaire et à l’Egalité femmes-hommes
Localtis - Votre conseil départemental a adopté son barème de sanction des bénéficiaires du RSA pour tenir compte du décret du 31 mai 2025. Qu’avez-vous changé ?
Christine Orain-Grovalet - Le décret élève le seuil minimum de sanction équivalant à 30% de l’allocation en cas de premier manquement. Nous appliquions déjà ce barème lors d’un premier manquement pour les personnes seules ou en couple sans enfants. En revanche, il était fixé à 20% de l’allocation pour les ménages avec enfants. On regrette que le décret nous oblige à supprimer 100% du RSA dès le deuxième manquement* [voir nos explications en encadré], sauf pour les foyers de plus d’une personne pour qui cette coupe est limitée à 50%. Jusqu’ici, lors du deuxième manquement, on retirait 50% du RSA aux personnes isolées ou aux couples sans enfants et 30% aux ménages avec enfants, avant la troisième étape possible de la radiation.
Comment s’est passée la négociation de ces nouvelles règles ?
Dans un large consensus entre la majorité et l’opposition. On souhaite garder un régime de sanction pédagogique pour accompagner les personnes. Les Côtes-d’Armor ne veulent pas faire la chasse aux allocataires du RSA et je m’en félicite.
Le décret vous permet-il de rester bienveillant envers les bénéficiaires du RSA ?
Nous avons retenu comme motifs de manquement les refus d’élaborer le contrat d’engagement, de faire l’objet d’un contrôle ainsi que le non-respect des dispositions du contrat. A l’inverse d’autres départements, nous avons refusé d’intégrer le non-respect des 15 heures d’activités hebdomadaires comme critère de manquement. Nos moyens, de toute façon, ne nous permettent pas d’atteindre ce quota. Les sanctions se durcissent, mais il y a cette nouvelle possibilité de verser les sommes "suspendues" en cas de "remobilisation". C’est intéressant car auparavant, un tel retour en arrière n’était pas possible.
Quel regard portez-vous sur les promesses d’un meilleur accompagnement des bénéficiaires du RSA ?
Les Côtes-d’Armor n’ont pas fait partie des départements pilotes sur la réforme du RSA. Je sais que les expérimentations apportent des résultats intéressants, mais le problème est que les dotations dont disposent ces territoires ne sont pas généralisées. France Travail, globalement, n’a pas de moyens supplémentaires.
Comment évolue le nombre d’allocataires dans les Côtes-d’Armor ?
Nous avons entre 11.000 et 12.000 bénéficiaires du RSA. Ce chiffre est stable. La difficulté, c’est qu’une partie d’entre eux est dans cette situation depuis deux ans, voire plus. Ils n’ont pas les moyens de s’en sortir, cumulent des problèmes de santé, de mobilité, de logement, ou de garde d’enfants. On regarde comment mieux accompagner vers l’AAH ceux qui subissent des handicaps psychiques. Cela leur permettrait d’être plus tranquilles et cela libèrerait des moyens supplémentaires en faveur des bénéficiaires du RSA.
Pourquoi les Côtes-d’Armor coupent 100% du RSA dès le deuxième manquement Une suspension de 30 à 100% au premier manquement comme au deuxième : sur le papier, le décret du 30 mai 2025 (lire notre article) permet une progressivité des sanctions en deux temps. Sauf que la troisième étape, celle de la radiation du RSA, ne peut intervenir à l’issue d’une suppression totale de 4 mois du versement de cette allocation. D’où la décision de passer à cette étape dès le second manquement. Le maintien d’un scénario en trois temps avant la radiation nécessiterait une procédure de minimum 14 mois, "à la fois peu lisible et pédagogique pour l’allocataire" et serait "extrêmement lourde en termes de gestion pour les services", selon le département. Sans vouloir faire la "chasse" aux bénéficiaires du RSA, les Côtes-d’Armor ne souhaitent pas renoncer non plus aux radiations, qui se sont élevées à 300 en 2024, avant la réforme. |