Comment gérer les demandes de modifications des demandes d'autorisations de construire notifiées juste avant la fin du délai d'instruction ?
Constat : Une demande de modification intervenant à quelques jours de la fin de la période d’instruction peut provoquer des difficultés de traitement pour les services instructeurs.
Cette demande de modification remplace-t-elle la demande initiale ? Prolonge-t-elle le délai d’instruction ? Quelle démarche suivre pour les services instructeurs afin de sécuriser les autorisations d’urbanisme délivrées suite à des modifications tardives ?
Réponse : Dans une première décision, en date du 1er décembre 2023, commune de Gorbio, n°448905, le Conseil d’Etat avait confirmé que rien ne faisait obstacle à ce que l'auteur d'une demande de permis de construire apporte des modifications à son projet, pendant la phase d'instruction, dès lors qu’elles n’en changent pas la nature. Cette demande, ainsi que les pièces nouvelles versées au dossier, seront intégrées à la décision finale.
Ainsi, le délai d’instruction n’est donc pas modifié de facto et, en l’absence de toute décision expresse de prolongation par les services instructeur, une autorisation tacite nait, portant sur le projet modifié, en application des dispositions des articles R. 423-23 et suivants et R. 423-42 et suivants du code de l'urbanisme (CU).
Une seconde décision confirme et renforce la position du Conseil d'Etat, et donc le détail de la marche à suivre pour les services instructeurs,
Si la demande emporte des modifications telles que l’instruction de la demande ne peut être effectuée dans le délai d’instruction, l'administration est tenue de communiquer, avant la naissance d’une autorisation tacite, un nouveau délai à l’issue duquel, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée.
Cette notification est impérative et doit être expresse, mais peut être effectuée “par tout moyen”. Par cette décision, le juge administratif souligne que cette notification n’emporte aucune obligation ni de forme ni de fond, l’information doit être transmise “par quelque moyen que ce soit”, et comme souligné par les commentaires suite à la première décision sous la chronique de l’AJDA (Alexis Goin et Louise Cadin, AJDA 2024, p493), et sans plus de justification. Elle devra impérativement intervenir avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite.
Cet équilibre permet de concilier le principe de l’intangibilité du délai, objectif de sécurisation des délais, tout en garantissant la sécurité juridique au pétitionnaire comme au service instructeur.
A défaut, une autorisation tacite est née et donc un arrêté portant refus du permis devra s’analyser comme une décision de retrait du permis tacite et donc respecter la procédure contradictoire exigée par le code des relations entre le public et l'administration (CRPA).
Pour rappel des faits de l’espèce, le pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire pour deux immeubles à usage d’habitation puis modifié sa demande s’agissant du parking et des accès à l’immeuble, trois jours avant l’expiration du délai d’instruction, soit le vendredi, le délai expirant le lundi suivant à minuit. Le maire avait ensuite pris un arrêté refusant le permis de construire pour plusieurs motifs, arrêté annulé par le tribunal administratif de Nice car il correspondait à un retrait d’un permis né tacitement auparavant, sans respect de la procédure contradictoire exigée par le CRPA (possibilité de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur demande, des observations orales, dans le délai de trois mois prévu à l’article L424-5 du CU). En effet, le retrait d’une décision créatrice de droits, comme un permis de construire, doit être précédé d’une procédure contradictoire, permettant au bénéficiaire de présenter ses observations avant toute décision défavorable, sauf en cas de fraude, article L.122-1 du CRPA.
A noter : dans sa décision du 19 août 2025, n° 496157, le Conseil d’Etat avait jugé qu’une décision de retrait n’avait pas à respecter la procédure contradictoire, dès lors que l'application de ces dispositions n'appellent, en l'espèce, aucune appréciation de fait ; la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du CRPA faute de procédure contradictoire préalable était alors inopérante.
Enfin, l'administration est alors regardée comme saisie d'une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l'autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire. La décision tacite portera donc bien sur les éléments tels qu’issus de la demande de modification adressée.
Il appartiendra alors à l’administration, le cas échéant, d'indiquer au demandeur dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 423-38 du CU les pièces manquantes nécessaires à l'examen du projet ainsi modifié.
Références:
Article L. 424-5 ; R. 423-23 et suivants ; R. 423-38 ; R. 423-42 et suivants du code de l'urbanisme ;
Article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 14 novembre 2025, n°496754, ainsi que les conclusions du rapporteur public Maxime BOUTRON ;
Conseil d'État, 1er décembre 2023, Commune de Gorbio, n° 448905, p. 992 ;
Conseil d'État, 19 août 2025, n° 496157.
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