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Covid-19 : face aux incertitudes croissantes sur les festivals, le ministère crée une cellule d'accompagnement

Avec le printemps s'ouvre traditionnellement la saison des festivals, or la crise sanitaire actuelle et l'incertitude sur la durée du confinement ne permettent pas d'avoir de perspective sur les mois à venir. Alors que les organisateurs attendent des décisions claires, leur permettant éventuellement d'annuler leurs manifestations, le ministère de la Culture annonce la création d'une "cellule d'accompagnement des festivals 2020 pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19".

Alors que la période des festivals doit bientôt débuter pour se poursuivre durant tout le printemps et l'été, l'incertitude la plus complète règne sur ces manifestations culturelles. Alors que certaines ont déjà choisi d'annuler pour limiter les frais et préserver leur avenir, d'autres préfèrent encore attendre et s'inquiètent de l'absence de décisions de la part gouvernement sur le prolongement du confinement. Dans ce contexte, Franck Riester a annoncé, le 6 avril, la création d'une "cellule d'accompagnement des festivals 2020 pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19".

La liste s'allonge tous les jours

On le savait déjà pour les grandes manifestations internationales qui mobilisent, comme les grands salons professionnels, de lourdes infrastructures. Le coup d'envoi des annulations a ainsi été donné par le plus emblématique des festivals, celui de Cannes, qui n'avait été pourtant annulé qu'une seule fois en... 1939 (même si la direction assure travailler à un hypothétique report à la rentrée). La cité azuréenne a subi, dans la foulée, l'annulation des Cannes Lions (festival de la publicité) et du Mipim, l'un des plus grands salons internationaux de l'immobilier.
Du côté des manifestations culturelles printanières et estivales, la liste des annulations s'allonge chaque jour : Jazz sous les pommiers, (Coutances), Printemps de Bourges, Étonnants Voyageurs (Saint-Malo), Chorus (Hauts-de-Seine), Séries Mania (Lille), Fimu (Festival international de musiques universitaires à Belfort)... et l'incertitude la plus totale règne sur d'autres grands festivals comme Avignon, Aix-en-Provence, les Chorégies d'Orange, les Vieilles Charrues, les Eurockéennes, Jazz à Juan, Fiesta del Sud...

Plutôt l'annulation que l'incertitude

En fait, nombre de festivals sont suspendus à la décision officielle de l'État sur la prolongation – plus que probable – du confinement au-delà du 15 avril et s'exaspèrent devant le silence du gouvernement. Ben Barbaud, le directeur du Hellfest à Clisson (180.000 festivaliers), qui souhaite annuler son festival et demande à l'État d'"arrêter l'hémorragie", l'explique très bien dans une interview à Ouest France du 4 avril : "On passe pour des cons devant les festivaliers qui ne comprennent pas pourquoi, au Hellfest, on n'a pas annoncé l'annulation. Mais on ne peut pas. La prolongation de l'interdiction par le gouvernement nous permettrait de faire marcher la clause de force majeure sur nos contrats artistes. Et donc de justifier l'annulation. Si je prends seul la décision, les artistes pourront me le reprocher et je devrais les payer, ça peut monter à une dizaine de millions d'euros. Il faut que l'État se positionne. Plus les jours passent plus on perd de l'argent."
La situation est la même pour le festival d'Avignon : l'association Les Sentinelles, qui regroupe une centaine de compagnies programmées au festival, a adressé, le 4 avril, une lettre à Franck Riester pour lui demander de trancher et de prendre position sur l'annulation. Mais, de son côté, Olivier Py, le directeur du festival, affirme, le 6 avril, qu'"aucun élément objectif ne nous permet de prendre la décision d'annuler le festival d'Avignon 2020".
Auparavant, le 30 mars, Olivier Darbois, le président du Prodiss (syndicat national du spectacle musical et de variété) a écrit, lui aussi, au ministre de la Culture pour préconiser "le report des festivals à 2021", car le secteur, très fragile, "ne pourra supporter l'absorption d'une édition fortement déficitaire". Devant la levée de bouclier de nombreuses compagnies, l'intéressé est toutefois revenu sur sa demande.

Une cellule en attendant des mesures plus concrètes

Face à cette pression – et à ces difficultés bien réelles qui retentissent aussi sur l'activité touristique –, le ministre de la Culture est dans l'incapacité de trancher, car il ne lui appartient évidemment pas de décider de prolonger ou non le confinement. En attendant l'avis imminent du comité scientifique – s'exprimant le 7 avril sur BFM TV, son président Jean-François Delfraissy a laissé entendre que le confinement "va durer encore quelques semaines" et probablement "jusqu'à début mai" – et l'annonce consécutive du Premier ministre, Franck Riester annonce la création d'une cellule d'accompagnement des festivals. Face aux "nombreuses incertitudes créées par la crise sanitaire et l'hétérogénéité des situations et des souhaits de chaque festival", celle-ci sera active jusqu'à la fin de la crise sanitaire.
Faute de mieux, il s'agit d'"apporter un accompagnement au cas par cas aux organisateurs". Cette cellule "s'appuiera sur les directions générales du ministère de la Culture et ses opérateurs, sur les directions régionales des affaires culturelles et les directions des affaires culturelles Outre-mer, afin de recenser les différents besoins et ainsi d'adapter les réponses de l'État". Mais rien n'est dit sur la nature concrète de ces réponses. Les choses pourraient toutefois s'éclaircir après la probable annonce d'une prolongation du confinement, qui ne manquera pas d'accélérer les annulations.

Spectacles annulés : une collectivité peut-elle les payer ?

La Fédération des collectivités pour la culture (FNCC) s'est penchée sur cette question. Celle de la possibilité pour les collectivités de "pouvoir rémunérer les intervenants pour des prestations annulées et, pour celles ayant acheté des spectacles, de pouvoir honorer financièrement les compagnies pour leurs manifestations qui n’ont pu avoir lieu". Et indique à ce sujet que la loi d'urgence sanitaire du 23 mars "ouvre cette possibilité en levant ce qu’on appelle 'la clause du service fait' (ou 'service rendu') et devrait ainsi permettre "d’honorer des contrats même s’ils n’ont pu être effectués". L'une des ordonnances suivant cette même loi, en l'occurrence l'ordonnance relative à la commande publique, indique en effet : "Lorsque l’annulation d’un bon de commande ou la résiliation du marché par l’acheteur est la conséquence des mesures prises par les autorités administratives compétentes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le titulaire peut être indemnisé, par l’acheteur, des dépenses engagées lorsqu’elles sont directement imputables à l’exécution d’un bon de commande annulé ou d’un marché résilié". Dans sa note, datée du 3 avril, a FNCC relève toutefois que des précisions réglementaires peuvent être à attendre.
C.M.

 

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