Décarbonation : le Haut Conseil pour le climat appelle à un "sursaut collectif"
Dans son rapport annuel publié ce 3 juillet, le Haut Conseil pour le climat (HCC) met la pression sur le gouvernement, appelant à un "sursaut collectif pour relancer l’action climatique" à l'heure du ralentissement du rythme de décarbonation en France et de "reculs" sur certaines mesures comme la rénovation des bâtiments.

© Stephane AUDRAS/REA
"Nous avons besoin d'un sursaut collectif pour relancer l'action climatique, avec un cadre d'action publique clair, des actions structurelles, une gouvernance solide et des cibles bien définies", a déclaré à la presse ce 3 juillet Jean-François Soussana, l'agronome qui préside le Haut Conseil pour le climat (HCC), à l’occasion de la publication du rapport annuel de cet organisme indépendant. Installé en 2018 par le président Emmanuel Macron, le HCC est composé de douze experts chargés d'évaluer l'action climatique du gouvernement et d'émettre des recommandations. En mars dernier, il avait alerté sur le fait que la France n'était "pas encore prête" face au réchauffement, qui atteint déjà +2,2°C dans le pays en 2015-2024 (lire notre article ).
Adaptation au changement climatique : décalage par rapport aux besoins
Un constat toujours d'actualité au moment où le pays sort progressivement d'une longue vague de chaleur, intense et précoce. "Ce type de canicule est une illustration du fait que l'on peut toucher dans certains cas des limites d'adaptation avec des impacts, par exemple sur la santé, qui sont importants", souligne Jean-François Soussana. Les mesures contenues dans le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc3) "sont encore en décalage par rapport aux vulnérabilités et aux besoins", regrette le HCC.
Un rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre insuffisant
Dans son rapport annuel intitulé "Relancer l'action climatique face à l'aggravation des impacts et à l'affaiblissement du pilotage", il rappelle que le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre a beaucoup ralenti en 2024 (-1,8%). La baisse est restée forte pour la production d'énergie, mais a patiné dans les autres secteurs (agriculture, bâtiments, industrie, transports...). Le rythme devra pourtant doubler pour atteindre les objectifs de la France à l'horizon 2030. Les experts soulignent même qu'une grande partie (70%) de cette réduction peut être attribuée à des facteurs "conjoncturels", tels que la douceur hivernale ou le redémarrage de réacteurs nucléaires. "Les éleveurs ont une vie difficile et gagnent mal leur vie et donc de plus en plus d'élevages arrêtent leur activité. Donc c'est ce qu'on appelle (un effet) conjoncturel, parce que ça n'est pas un phénomène politique voulu", donne en exemple Marion Guillou, membre du HCC et spécialiste de l'alimentation.
Reculs sur les aides pour les particuliers
Le HCC regrette aussi des "reculs" qui ont "souvent concerné des mesures rencontrant un succès important auprès des particuliers" comme le leasing social, un dispositif de location avec option d’achat de véhicules électriques pour les ménages modestes, le soutien aux panneaux solaires en toiture ou à la rénovation des bâtiments. "La lisibilité de la politique climatique de la France a été remise en cause par ces reculs, créant une absence de visibilité pour le secteur privé et pour les collectivités territoriales", juge le rapport. MaPrimeRénov', aide de l'État pour la rénovation énergétique des logements, est ainsi actuellement suspendue pour les nouveaux dossiers de travaux d'ampleur, jusqu'à mi-septembre. Le HCC cite également les reculs actés au Parlement sur l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) ou les zones à faibles émissions (ZFE).
Besoin de "renforcer les actions structurelles"
Les experts répètent au passage leur critique des retards pris dans la publication de certains textes structurants (programmation pluriannuelle de l’énergie, stratégie nationale bas carbone) et regrettent "l'affaiblissement" du Secrétariat général à la planification écologique, organisme rattaché à Matignon. Selon eux, il est devenu "essentiel" de "consolider rapidement le cadre d’action publique et de renforcer les actions structurelles, avec une gouvernance solide et un cap clair pour 2030 et pour la décennie suivante 2030-2040". Ils estiment que "pour sécuriser l’atteinte de la neutralité carbone, renforcer sa compétitivité et sa sécurité, la France devrait soutenir le jalon de -90% d’émissions de GES en 2040 par rapport à 1990, proposé par la Commission européenne".
Le HCC formule dans son rapport 2025 une série de recommandations pour "garantir la lisibilité, la stabilité et la cohérence de l’action climatique sur le long terme", "renforcer l’accompagnement social pour éviter l’aggravation des inégalités", "mettre en place des trajectoires d’incitations publiques, d’investissements, de renouvellement des infrastructures et de régénération des écosystèmes forestiers et des sols", "anticiper les besoins d’adaptation et protéger les personnes et les biens des effets du changement climatique" et "relancer la diplomatie climatique de la France autour des principes de solidarité et de justice".