L'Assemblée approuve le projet de loi de "simplification de la vie économique" avec la suppression des ZFE

Après avoir fait planer le suspense jusqu'au bout, et malgré la division du camp gouvernemental, l'Assemblée nationale a adopté ce 17 juin le projet de loi de "simplification de la vie économique", et sa mesure controversée d'abrogation des zones à faibles émissions (ZFE) contre la pollution de l'air. Le texte acte aussi d’autres reculs sur le plan environnemental, notamment dans la lutte contre l’artificialisation des sols.

À l'issue de trois mois d'un examen totalement décousu du fait de multiples reports, l'Assemblée nationale a adopté ce 17 juin en première lecture le projet de loi de "simplification de la vie économique" par 275 voix pour, 252 voix contre et 21 abstentions. Déjà voté par le Sénat en octobre dernier (lire notre article), le texte ira désormais devant une commission mixte paritaire, où sept députés et sept sénateurs devront s'accorder sur une mouture commune.

Après le vote de l’Assemblée, la ministre chargée du commerce et des PME Véronique, Louwagie (Les Républicains), a défendu un texte "fortement attendu par le monde économique" quand son collègue de la Simplification, Laurent Marcangeli (Horizons), a vanté un projet de loi qui "répond à une demande claire : alléger les contraintes administratives qui pèsent sur leur quotidien et freinent leur développement." Les députés de l'alliance RN-ciottistes, de LR, du MoDem et d'Horizons ont largement voté pour (5 abstentions LR), comme certains indépendants de Liot. La gauche et les écologistes se sont massivement opposés au texte, "sans queue ni tête" (Emmanuel Maurel, GDR), ou portant des "coups de tronçonneuse (...) à l'État de droit (et) à la justice environnementale" (Anne Stambach-Terrenoir, LFI).

Recul sur les ZFE... au risque du "cavalier législatif"

Le temps d'un vote ils ont été rejoints par les deux tiers des députés macronistes du groupe Ensemble pour la République (quatorze députés EPR se sont abstenus, et huit ont voté pour). Le groupe escomptait rejeter le texte et avec lui des reculs sur des marqueurs du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, à commencer par les "zones à faibles émissions" (ZFE). LR et RN ont en effet inscrit dans la copie la suppression pure et simple de ces ZFE, qui excluent des véhicules anciens et polluants, avec le concours de certaines voix macronistes. Mais aussi celles de LFI, bien que le groupe soit opposé au reste du texte.

"Nous avons donné des coups de boutoir à la bureaucratie, remis en cause l'écologie punitive", a revendiqué Matthias Renault (RN), assumant de "remettre en cause l'oeuvre d'Emmanuel Macron". "C'est un texte qui fragilise ce que nous avons construit depuis huit ans", a répliqué pour sa part la députée EPR Marie Lebec,

La cheffe des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen, a salué sur X une "victoire tant espérée par des millions de Français victimes d'une politique de ségrégation sociale inacceptable". Elle a promis de faire "tout ce qu'il est humainement possible" pour confirmer ce résultat en CMP.

Agnès Pannier-Runacher a dit "regrette[r] que ce texte ait été dévoyé de ses intentions premières de simplifications légitimes pour conduire à des reculs préoccupants sur des questions environnementales et des enjeux de santé publique clés". "La santé publique et la lutte contre le dérèglement climatique et les pollutions ne devraient pas être les variables d'ajustement de calculs politiques à la petite semaine", a souligné la ministre de la Transition écologique, qui avait défendu en vain un amendement du gouvernement visant à rendre obligatoires les ZFE pour les seules agglomérations en dépassement régulier des seuils réglementaires de qualité de l’air, soit actuellement Paris et Lyon (lire notre article). "Supprimer la ZFE, c'est faire mourir les plus pauvres, pas les protéger", a vigoureusement réagi David Belliard, adjoint écologiste à la maire de Paris, Anne Hidalgo, en charge des transports. Une partie des députés estime toutefois que l'abrogation des ZFE, si elle perdure en CMP, sera retoquée au Conseil constitutionnel comme "cavalier législatif", car trop éloignée du texte initial.

Pour le patron du groupe PS Boris Vallaud, le vote "révèle le scepticisme climatique d'une partie de l'hémicycle". "C'est très inquiétant d'avoir un gouvernement pas gouverné, d'avoir une majorité, même relative, sans chef", a-t-il ajouté. "Ni Emmanuel Macron ni Gabriel Attal n'ont le moindre impact sur leur camp", a déploré la cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier sur X. "Ils voulaient se racheter une conscience en préservant les ZFE, mais même ça, ils n'en sont pas capables", a-t-elle ajouté.

ZAN, code minier, mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, autres mesures controversées

Contre la gauche et une partie du bloc central, LR et RN ont aussi obtenu un franc recul de l’objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN) à horizon 2050. Profitant d'un article qui facilite l'implantation de centre de données ("datacenters") sur le territoire, leurs députés ont notamment réussi à imposer une large latitude aux collectivités, leur permettant de "dépasser jusqu'à 30%" la limite de surfaces aménageables au titre du ZAN (lire notre article).

Le projet de loi simplifie également le code minier, pour faciliter le lancement de projets, contre l'avis de la gauche et des écologistes, qui s'inquiètent d'un affaiblissement de la protection de l'environnement, et du rôle de l'Office national des forêts.

À la toute fin de l’examen des articles du texte ce 13 juin, l'Assemblée nationale a aussi approuvé, au grand dam de la gauche, un article visant à simplifier la mise en oeuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité dans le cadre de projets d'aménagement. Ces mesures de compensation, qui doivent aujourd'hui être mises en oeuvre dès le début des travaux, ce qui peut susciter retards et surcoûts pour les porteurs de projet, pourront, si la loi est adoptée, être décalées dans le temps.

"On acte un recul absolument fondamental (...) pour la préservation de la biodiversité", s'est alarmée la députée LFI Manon Meunier, posant à plusieurs reprises la même question : un "faucon pèlerin" dont l'habitat est détruit, "est-ce qu'on le met au ministère de la Transition écologique, en attendant de lui trouver un terrain de compensation correcte ?".

"À aucun moment, dans cet article 18, on ne souhaite diminuer, baisser l'ambition environnementale", a rétorqué le rapporteur Stéphane Travert (apparenté EPR). Il "prévoit uniquement, et dans des cas dûment justifiés, que la pleine effectivité des mesures puisse être différée dans le temps sans que cela remette en cause le caractère obligatoire ni la finalité écologique", a-t-il tenté de rassurer.

La gauche n'a pas non plus réussi à faire supprimer un article visant à étendre la procédure de concertation simplifiée du public, permise depuis 2023 pour les projets d'infrastructures électriques liées aux nouveaux réacteurs nucléaires, à l'ensemble des projets relevant du réseau public de transport d'électricité.

Elle a en revanche eu la satisfaction de voir le gouvernement joindre ses efforts aux siens pour supprimer un article prévoyant de limiter les possibilités de recours de l'État, des collectivités territoriales et des associations contre des décisions d'urbanisme.

Après l’adoption du projet de loi, le rapporteur Stéphane Travert, qui s'est lui-même abstenu, a regretté des votes très médiatisés qui "écrasent tout", y compris certains "compromis intéressants". Il a souligné "plusieurs avancées majeures" du texte pour "la mise en oeuvre de projets industriels et numériques", ou pour soutenir "le commerce local".

 

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