Déchets : Agnès Pannier-Runacher veut réanimer une "REP textiles à bout de souffle"

La ministre de la Transition écologique veut "réformer en profondeur" une filière REP textiles proche de l'embolie. Elle entend en particulier réviser le cahier des charges de l'éco-organisme, pour lui permettre notamment d'investir dans des outils de tri et de recyclage qui font aujourd'hui défaut. Dans un premier temps, l'effort sera conduit sur la collecte afin d'amorcer la pompe, au risque de devoir recourir à court terme – au mieux ? – à la valorisation énergétique des textiles collectés.

"Le modèle actuel de la filière REP textiles, linge de maison, chaussures (TLC) est à bout de souffle." Le diagnostic a été posé ce week-end par Agnès Pannier-Runacher, au chevet d'un patient dont l'état ne cesse d'empirer. En amont, la filière fait face à "une croissance massive des volumes de déchets (+40% depuis 15 ans au niveau mondial)", rappelle le ministère. Avec pour conséquence, en aval, des débouchés, notamment à l'export, qui se réduisent comme peau de chagrin, "du fait de prix qui baissent très fortement". Des déchets qu'il reste néanmoins toujours "plus rentable d'envoyer à l'étranger", ce qui, couplé au fait "qu'on collecte quand même une part assez faible des déchets textiles", entrave la rentabilité des installations de collecte et de tri en France. "La filière pâtit depuis plus d'un an d'une embolie qui pèse sur sa capacité à réemployer et recycler efficacement les déchets", observe le ministère, chiffres à l'appui : "Sur le tiers collecté, seuls 30% sont recyclés, majoritairement hors d'Europe, et une proportion encore plus faible est réemployée en France." 

Le constat n'a rien de nouveau. "La fast fashion chinoise est en train de remplacer la française dans les marchés secondaires subsahariens. Les marchés sont saturés et on n'a pas de solution de recyclage et de réemploi. Il faut réagir vite parce qu'on va se retrouver avec des vêtements partout dans les rues", alertait ainsi, en octobre dernier, Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, en amont du 38e congrès de l'association. Et l'expert de rappeler alors que "ce n'est pas aux collectivités de se retrouver avec ce gisement sur les bras et de devoir payer la TGAP. Elles n'y sont pour rien si le textile en polyester n'est pas recyclé aujourd'hui dans le pays".

Un nouveau cahier des charges pour ReFashion…

Pour lui redonner un nouveau souffle, Agnès Pannier-Runacher fait part de sa volonté de "réformer en profondeur la filière REP TLC selon un nouveau modèle". Concrètement, elle entend réviser le cahier des charges de l'éco-organisme ReFashion. D'une part, afin de lui "permettre de soutenir le développement de la collecte" – "Il faut collecter plus pour créer un modèle économique", explique l'entourage de la ministre, qui relève que "les gens ne veulent pas implanter d'usines qui ne tourneraient pas à plein". D'autre part, afin qu'il puisse "investir dans des outils industriels de tri et de recyclage, qui sont des projets créateurs d'emplois en France permettant de sortir de notre dépendance aux marchés étrangers du réemploi et du recyclage textiles et d'assurer la pérennité économique de la filière". 

"L'investissement dans [c]es outils est toujours un peu hasardeux. On a souvent besoin d'un soutien public pour le sécuriser", argue l'entourage de la ministre. Lequel évalue "le déficit de capacités de tri à 100.000, 150.000 tonnes. Dans le domaine du recyclage, on est sur une échelle à peu près équivalente. Les investissements se chiffrent en dizaine de millions d'euros".

… avec une application prévue en 2026

Ce nouveau cahier des charges devrait entrer en vigueur en 2026. "Il y a urgence. Si on laisse le système tel qu'il est, il faudra sauver chaque année 500 entreprises qui sont exposées au marché mondial du textile", avertit l'entourage de la ministre. Lequel concède par ailleurs qu'avec l'effort conduit dans un premier temps sur la collecte pour amorcer la pompe, "il est possible que, pour un temps court, le plus court possible, il y ait de la valorisation énergétique des textiles collectés". "Une solution de dernier recours, car on veut vraiment sortir les textiles des décharges", assure-t-on.  

Réduire le gisement en amont

Le ministère rappelle en outre que l'effort est porté en amont, afin de réduire les flux :
- via une proposition de loi dite "fast-fashion", qui sera discutée au Sénat en séance publique la semaine du 2 juin ;
- via un dispositif d'affichage – volontaire – du coût environnemental des textiles, que la Commission européenne vient de valider le 15 mai dernier. Il vise à mettre en lumière l'ensemble des impacts environnementaux générés tout au long du cycle de vie du produit, et comprend une quinzaine d'indicateurs, dont l'impact carbone, la consommation d'eau et les émissions de microfibres. Le ministère vise une entrée en vigueur "avant ou juste après la trêve estivale, en fonction de la réactivité du Conseil d'État", lequel a été saisi du dossier.

 

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