Décryptage de la Loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement du 27 novembre 2025
Constat : Promulguée le 27 novembre 2025, la loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, portée par le député Harold Huwart, ambitionne de répondre à la double urgence de la crise du logement et de la réindustrialisation des territoires. Ce texte, issu d’une procédure accélérée, a fait l’objet d’enrichissements substantiels au cours de la navette parlementaire, bien que le Conseil constitutionnel ait censuré une douzaine d'articles qualifiés de cavaliers législatifs ainsi que certaines dispositions de l'article 26.
Dès lors, comment ce nouvel arsenal législatif s'articule-t-il pour répondre aux blocages opérationnels constatés sur le terrain ? Au-delà de la simple simplification procédurale, quels sont les leviers concrets offerts aux collectivités pour relancer la construction, et quelle est la portée réelle de ces nouvelles dérogations sur la maîtrise du foncier et la gestion du contentieux ?
Réponse : L'objectif affiché n'est pas une refonte systémique, mais la mise à disposition d'une "boîte à outils" opérationnelle pour les élus et les acteurs de l'aménagement. Le texte vise à stabiliser l'environnement juridique des projets, à accélérer les procédures d'évolution des documents d'urbanisme et à purger plus rapidement les contentieux, tout en offrant de nouvelles souplesses dérogatoires pour densifier le tissu urbain existant.
La loi s'articule autour de quatre axes majeurs : la rationalisation de la planification urbaine, l'amplification des possibilités de construire via des dérogations, la modernisation des outils opérationnels et la sécurisation des procédures contentieuses.
I. Rationalisation de la planification et évolution des documents d’urbanisme
L'article 1er opère une refonte structurelle des procédures d'évolution des documents d'urbanisme (SCoT et PLU). Le législateur réduit la complexité administrative en ramenant le nombre de procédures de quatre à deux. Désormais, la distinction s'opère selon la nature de l'évolution envisagée :
La procédure de révision est strictement cantonnée aux évolutions touchant aux orientations des documents stratégiques, à savoir le Projet d’Aménagement Stratégique (PAS) pour le SCoT et le Projet d’Aménagement et de Développement Durables (PADD) pour le PLU.
La procédure de modification devient le droit commun, généralisée à tous les autres cas d'évolution ne relevant pas de la révision.
Cette simplification s'accompagne d'une sécurisation juridique concernant l'évaluation environnementale. L'article L.104-3 du Code de l’urbanisme (CU) est complété pour inscrire les cas d'exemption de droit, notamment pour la rectification d'erreurs matérielles ou la réduction de surface d’une zone urbaine ou à urbaniser.
Parallèlement, la dématérialisation des procédures est renforcée. Le recours à la Participation du Public par Voie Électronique (PPVE) est ouvert aux maires et présidents d’EPCI pour l'élaboration et l'évolution des documents d'urbanisme, sous réserve du maintien d'une consultation papier en mairie. L'article 2 étend cette faculté de PPVE aux projets de logements situés dans les zones tendues ou en forte croissance démographique, alignant le dispositif sur celui des Opérations d’Intérêt National (OIN).
L'article 3 instaure une innovation majeure en matière de cohérence territoriale : la création d’un document d'urbanisme unique valant à la fois SCoT et PLUi (nouvel article L.146-1 du CU). Ce dispositif est conditionné à l'identité des périmètres des deux documents. De surcroît, le texte supprime la caducité automatique des SCoT (abrogation du dernier alinéa de l'article L.143-28 du CU) et porte le délai d'analyse des résultats de six à dix ans.
II. Nouveaux outils fonciers et adaptation aux enjeux énergétiques
Le texte renforce l'autonomie des communes en matière de gestion foncière. L'article 3 modifié permet aux communes d'adhérer directement et de manière autonome aux Établissements Publics Fonciers (EPF), y compris les EPF d’État, sans dépendre de l’intercommunalité. Pour soutenir le portage foncier, la durée d'exonération d'impôts pour les cessions aux EPF est allongée de trois à dix ans (article 150 U du CGI).
En matière d'aménagement commercial et énergétique, l'article 8 modifie l'article 40 de la loi "Aper" relatif à la solarisation des parkings extérieurs de plus de 1 500 m². Le législateur introduit une flexibilité technique via les "procédés mixtes". L'obligation peut être satisfaite par l'installation d'ombrières sur 35 % de la moitié de la surface, complétée par des dispositifs végétalisés d'ombrage ou d'autres dispositifs de production d'EnR équivalents. Point juridique essentiel : ces obligations de solarisation et de gestion des eaux pluviales (L.111-19-1 du CU) s'imposent désormais nonobstant toute disposition contraire du PLU.
III. Amplification des dérogations pour favoriser la construction
Le cœur du texte réside dans la multiplication des mécanismes dérogatoires visant à libérer le foncier et densifier l'existant (Article 9).
Changement de destination et mixité fonctionnelle : Le législateur ouvre les Zones d'Activités Économiques (ZAE) au logement. L'article L.152-6-7 du CU permet à l'autorité compétente de déroger aux règles du PLU (emprise au sol, retrait, gabarit, hauteur, aspect extérieur, stationnement) pour autoriser la construction de logements ou d'équipements publics dans ces zones. Des dispositifs analogues sont créés pour :
Les logements étudiants en zones U et AU (L.152-6-8 du CU).
Les bâtiments situés en zones agricoles, naturelles ou forestières (L.152-6-9 du CU), sous réserve que le bâtiment ait perdu son usage initial depuis au moins 20 ans.
Sécurisation des surélévations et réfections : L'article 9 neutralise les effets de la jurisprudence administrative dite "Sekler". Le nouvel article L.111-35 du CU dispose qu'une autorisation d'urbanisme pour surélévation ou transformation limitée ne peut être refusée au seul motif de la non-conformité de la construction initiale aux règles d'implantation ou d'emprise. En outre, le pouvoir de dérogation du maire (article L.152-6 du CU) est étendu à toutes les communes pour les projets de surélévation de constructions achevées depuis plus de deux ans créant du logement.
Résidences à vocation d’emploi : L'article 15 crée un nouveau statut juridique (L.631-16-1 CCH) pour les résidences destinées aux publics en mobilité (apprentis, stagiaires, etc.). Ce régime spécifique autorise des baux de courte durée (1 semaine à 18 mois) et impose un encadrement des loyers pour 80 % des logements.
IV. Modernisation des outils opérationnels et du stationnement
L'article 17 introduit l'Opération de Transformation Urbaine (OTU). Ce nouvel outil, adossé à une OAP spécifique (L.151-7-3 du CU), vise la requalification des zones pavillonnaires et économiques. L'OTU est créée par délibération fixant périmètre, objectifs et programme prévisionnel. Concernant les lotissements-jardins (Article 18), leur évolution est facilitée par l'abandon de la règle de l'unanimité au profit d'une majorité qualifiée des colotis. Ces lotissements sont désormais soumis au régime de caducité de dix ans.
Le permis d'aménager multisites" (Article 22) est généralisé à l'ensemble des lotissements (L.442-1-3 du CU). Il permet de déposer une demande unique pour un projet constituant un ensemble cohérent sur des parcelles non contiguës, facilitant ainsi les opérations complexes et la renaturation.
L'article 20 opère une révision majeure des obligations de stationnement pour abaisser les coûts de construction :
La réduction des places exigées passe de 15 % à 30 % en présence de véhicules électriques/autopartage ou d'aire de covoiturage.
Possibilité de substituer une place "auto" par des espaces pour six vélos.
Exemption d'obligation de réaliser des aires de stationnement pour les logements en Bail Réel Solidaire (BRS) et les foyers.
Élargissement du périmètre "gares" (plafond de 0,5 place/logement) de 500 à 800 mètres.
V. Sécurisation juridique et accélération du contentieux
La loi instaure plusieurs mécanismes pour stabiliser les autorisations d'urbanisme. L'article 23 pose le principe de la cristallisation des règles d'urbanisme pour les permis modificatifs (L.431-6 et L.441-5 du CU) : les règles applicables sont celles en vigueur à la date du permis initial, sauf impératif de sécurité ou salubrité. L'article 24 simplifie la prorogation des permis précaires par simple décision de l'autorité compétente. L'article 29 fluidifie la gestion des emplacements réservés : la levée de la réserve devient automatique en cas de renoncement de la collectivité, sans modification du PLU.
Enfin, l'article 26 réforme le contentieux et la police de l'urbanisme pour sanctionner l'illégalité et réduire les délais :
Le délai de recours gracieux est ramené à un mois.
Le recours gracieux ne proroge plus le délai de recours contentieux.
La demande de substitution de motifs est encadrée dans un délai de deux mois (L.600-2 du CU).
L'article L.600-1 du CU est abrogé, confirmant l'impossibilité d'invoquer des vices de forme par voie d'exception contre un acte réglementaire.
Une présomption d'urgence est instaurée pour les référés-suspension contre les refus d'autorisation.
La répression des infractions (notamment la "cabanisation") est durcie (L.481-1 du CU) :
L'astreinte journalière est doublée (1 000 €/jour).
Le plafond de l'astreinte passe de 25 000 € à 100 000 €.
L'amende administrative peut atteindre 30 000 €.
Le caractère suspensif de l'opposition à l'état exécutoire est supprimé.
Références :
- Code de l’urbanisme (CU) : Articles L.104-3, L.111-19-1, L.111-35, L.143-28, L.146-1, L.151-7-3, L.151-26, L.151-31, L.151-33, L.151-34, L.152-6, L.152-6-7, L.152-6-8, L.152-6-9, L.315-1, L.321-2, L.324-2-1 A, L.327-3, L.431-6, L.433-2, L.441-5, L.442-1-3, L.442-11, L.481-1, L.600-1, L.600-2, L.600-3-1, L.600-12-2.
- Code de la construction et de l’habitation (CCH) : Article L.631-16-1.
- Code général des impôts (CGI) : Article 150 U.
- Code général des collectivités territoriales (CGCT) : Article L.4433-10-3.
- Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 (Loi Aper) : Article 40.
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