Développement rural : l'avenir du programme Leader en pointillé
Le programme européen de développement local Leader "est reconnu, mais n'est pas garanti", s'inquiète l'association Elard à la lecture de la proposition de budget plurianuel présentée par la Commission européenne la semaine dernière. S'il est bien mentionné dans les textes, aucune enveloppe ne lui est allouée. Il pourrait donc être laissé au bon vouloir des États membres.

© Leader Pays de Brie et Champagne
Parmi les victimes de la proposition de CFP 2028-2034 défendue par la Commission (lire notre article du 17 juillet) figure sans nul doute le programme Leader, lequel se retrouve noyé dans les "plans de partenariat nationaux et régionaux" (PPNR). Point positif, sur le papier, Leader ne disparaît pas. Pour autant, son existence réelle demeure écrite en pointillé. Ce que l'association Elard traduit d'une phrase : "Leader est reconnu, mais n'est pas garanti."
Reconnu car tant le projet de règlement de nouvelle PAC que celui relatif aux PPNR lui consacre quelques – maigres – développements. Le premier, en son article 18, dispose ainsi que les États membres "apporteront leur soutien à la préparation et à la mise en œuvre des stratégies de développement local de Leader". Il énonce encore : d'une part, que les États membres soutiendront le programme "au moins dans les territoires ruraux confrontés à des désavantages spécifiques", lesquels seront définis par les États membres eux-mêmes, dans leur PPNR ; d'autre part, qu'ils "apporteront leur soutien, via Leader, aux projets mis en œuvre par les groupes d'action locale (GAL) impliquant des start-up, une valeur ajoutée dans la transformation, la diversification des capacités agricoles, en incluant l'agrotourisme, la vente directe de produits agricoles et l'innovation".
Le second précise, en son article 77, que ce soutien "peut couvrir les coûts de préparation des stratégies de développement local ou les coûts des opérations mises en œuvre, ou une combinaison des deux". Pour autant, aucune enveloppe budgétaire minimum n'est désormais prévue. "C'est alarmant. Sans affectation obligatoire, les États membres pourraient choisir de ne pas mettre en œuvre du tout", alerte Elard. Interrogé par Localtis, un expert de la Commission assure "que le programme est maintenu" et que l'enveloppe "ne pourra donc pas être égale à 0". À ce stade, rien ne semble pour autant interdire à un État membre de lui réserver une enveloppe réduite à la portion congrue, tout juste de quoi acter son maintien.
Un champ corseté
Au-delà, les deux textes corsètent singulièrement le programme. Ainsi, le projet de règlement PAC dispose que "le soutien apporté par Leader sera concentré sur les champs du développement rural apportant de la valeur ajoutée aux exploitants agricoles et forestiers, tels que la transformation sociale, environnementale, numérique et économique des territoires ruraux, l'amélioration du bien-être des citoyens ruraux et le renforcement du capital social".
Le projet de règlement PPNR ajoute que l'utilisation des coûts simplifiés sera obligatoire pour les frais de fonctionnement des GAL et encouragée pour projets mis en œuvre dans le cadre des stratégies de développement local portées par Leader. Il dispose encore que les subventions à ces projets, inférieures à 20.000 euros, seront octroyées sous forme de sommes forfaitaires, pouvant être différenciées en fonction de critères objectifs et non discriminatoires. Celles accordées spécifiquement à la création d'entreprises rurales non agricoles pourront également être accordées sous la forme d'une somme forfaitaire pouvant atteindre jusqu'à 100.000 euros.
Interrogée par Localtis, la Commission précise en outre que les figures imposées par cette dernière (minima de 14% des fonds consacrés aux "dépenses sociales" et de 43% "à l'environnement et au climat") s’apprécient à l’échelle du PPNR pris dans son ensemble, et pas de ses composantes.
› Avis de gros temps sur la politique agricole communeUne "provocation". C'est peu dire que la proposition de budget pour la prochaine politique agricole commune (PAC) présentée par la Commission le 16 juillet (voir notre article) n’est pas du goût des régions. Bruxelles a mis sur la table un budget de 294 milliards d’euros sur 7 ans, soit baisse d’environ 21% par rapport à la programmation actuelle, s’offusque l’association Régions de France qui évoque, dans un communiqué du 22 juillet, un "recul inacceptable pour notre souveraineté alimentaire". En tenant compte du niveau d’inflation de ces dernières années, la baisse pourrait même atteindre les 40% selon ses calculs. Même tonalité du côté du syndicat Jeunes agriculteurs pour qui "la PAC devient une sous-politique, sous dotée financièrement". La Commission "brade notre souveraineté agricole et alimentaire", "alors que notre agriculture est confrontée à des défis climatiques, démographiques et géopolitiques sans précédent". Les régions s’alarment également de l’intégration de la PAC dans un fonds "fourre-tout" - le "fonds de partenariat national et régional" - qui inclurait notamment la politique de cohésion et "dont la finalité ne semble être que de camoufler cette baisse énorme du budget". Enfin, la crainte maintes fois exprimée lors des précédents exercices d’un mouvement de renationalisation est plus que jamais à l’ordre du jour avec l’élaboration de plans de partenariat nationaux et régionaux (PPNR) regroupant des politiques qui jusqu’ici n’avaient rien à voir entre elles. Ce qui rend de fait de moins en moins "commune" la politique agricole européenne, font valoir les régions. Pour rappel, jusqu'ici la PAC reposait sur deux piliers : le Feaga (Fonds européen agricole de garantie) qui finance principalement les aides directes agriculteurs et le Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural) dotn dépend notamment le programme Leader. Si le premier relève de l’Etat, le second fonctionne actuellement sur une compétence partagée : depuis 2023, les régions sont responsables des aides dites "non surfaciques" (installation des jeunes agriculteurs, modernisation des exploitations...) et l’Etat a repris en main les aides "surfaciques" (soutien à l’agriculture biologique, indemnité compensatoire de handicap naturel, mesures agro-environnementales et climatiques). Avec la réforme, les deux piliers seraient fusionnés et noyés dans le fonds unique. Michel Tendil / Localtis |