Droits de douane : la France dispose encore de marges de manœuvre, selon le gouvernement

L’accord conclu le 27 juillet 2025 entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, instaurant des droits de douane à 15% sur la plupart des produits européens est encore largement méconnu dans ses détails et ses modalités d’application. L’heure est désormais à la négociation pour le gouvernement français afin d’obtenir de nouvelles exemptions en plus du secteur aéronautique. Un accord "zéro pour zéro" est espéré pour certaines filières particulièrement menacées, comme la filière viticole, et l’idée d’une taxation des services numériques américains fait son chemin.

"Ce n’est pas la fin de l’histoire et nous n’en resterons pas là", a promis le président de la République au cours du conseil des ministres le 30 juillet. Il n’a cependant pas précisé les voies et moyens pour parvenir à rééquilibrer l’accord commercial conclu dimanche. "C’est un accord qui donne de la visibilité mais qui est déséquilibré", a souligné la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, au sortir du conseil des ministres, ajoutant qu’il reste "des marges de manœuvre pour la France puisque l’accord n’est pas encore signé ni ratifié à l’échelle européenne".

C’est pour clarifier le contenu et la portée de cet accord que le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, entouré de sept autres ministres, a réuni le 30 juillet une cinquantaine d’acteurs économiques (organisations patronales et fédérations professionnelles) à Bercy. "Aujourd’hui, il n’y a pas de certitude absolue", a-t-il indiqué à la sortie. "Tout est encore ouvert à la négociation", a confirmé la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Annie Genevard. Elle espère que 15% sera "un plafond" et que, "pour certaines filières, on sera à zéro pour zéro. Il en va de leur survie, en particulier celle de la filière vins et spiritueux".

Négocier de nouvelles exemptions

Aujourd’hui, la priorité pour le gouvernement français est de négocier de nouvelles exemptions car pour l’heure, seul le secteur aéronautique est dispensé de droits de douane. L’industrie française des cosmétiques déplore ainsi de ne pas être concernée alors qu’elle exporte près de 3 milliards d'euros de produits vers les États-Unis. Selon la Febea (Fédération des entreprises de la beauté), l’accord du 27 juillet pourrait entraîner "une perte annuelle de 300 millions d'euros et menacer jusqu’à 5.000 emplois en France".

C’est toute la Cosmetic Valley, très présente en région Centre-Val de Loire qui menace d’être impactée. "Le secteur des cosmétiques était à 0%. Nous espérions obtenir une exemption tarifaire ou une négociation plus favorable par la Commission européenne. Malheureusement, nous nous retrouvons avec des droits de douane à 15%, alors que nous visions plutôt 10%, comme pour les Britanniques. Ce taux reste inférieur aux menaces de sanctions à 30 ou 50%, mais cela n’en demeure pas moins pénalisant", déclare le président de Cosmetic Valley, Marc-Antoine Jamet, dans un entretien à la République du Centre.

Un site web

Le travail d’information de l’exécutif auprès des filières et des entreprises passera par le lancement d’un site web dédié aux tarifs douaniers. Éric Lombard a également rappelé qu’étaient inscrits aux agendas du gouvernement français et de la Commission européenne les mesures visant à alléger les obligations réglementaires des entreprises. Pour Alexandre Saubot, président de France industrie qui s’est exprimé le 29 juillet, il s’agit d’une priorité pour tenter de rééquilibrer la situation asymétrique induite par l’accord. "La Commission européenne doit désormais accélérer le déploiement de son agenda de compétitivité et de simplification, dit-il, mettre en œuvre dès la rentrée les mesures opérationnelles de ses plans de soutien aux secteurs stratégiques et aux technologies-clés, et conclure des accords commerciaux diversifiés."

D’autre part, "il n’y a pas de tabou à avoir sur la balance des services", a déclaré le ministre chargé du commerce extérieur, Laurent Saint-Martin. Autrement dit, après la conclusion d’un accord déséquilibré sur les biens le 27 juillet, l’Europe pourrait désormais réfléchir à taxer les services américains, notamment numériques. Toutefois, "la priorité, c’est de se concentrer sur la fin de la négociation en cours", a-t-il précisé.

› Trois régions françaises particulièrement exposées aux exportations de biens vers les États-Unis

Le Grand Est, les Pays de la Loire et la Normandie sont les régions métropolitaines les plus exposées aux exportations de biens vers les États-Unis, selon une étude de l’Insee de juillet 2025. Dans chacun de ces territoires, les exportations de biens vers les USA représentent plus de 2.000 euros par salarié et par an (2.607 euros en Grand Est, 2.216 euros en Pays de la Loire et 2.165 euros en Normandie). En Normandie, l’Eure et la Seine-Maritime sont les territoires les plus exposés du fait de la forte présence de la chimie, de la pétrochimie ou de la pharmacie dans ces départements.

D’autre part, les États-Unis sont la première destination des marchandises normandes, avec plus de 1 milliard d'euros exportés. "Ce cas unique parmi les régions françaises contribue à exposer particulièrement la Normandie à l’application des droits de douane américains", souligne l’Insee.

 

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