Eddy Khaldi (FDDEN) : "Les délégués départementaux de l'Éducation nationale sont le regard de la société civile dans l'école"

Méconnus du grand public, les délégués départementaux de l'Éducation nationale sont présents dans de nombreuses écoles primaires de France. Alors que leurs agréments doivent être renouvelés par les Dasen (directeurs académiques des services de l'Éducation nationale) en 2025, Eddy Khaldi, président de la Fédération des délégués départementaux de l'Éducation nationale (FDDEN) fait le point pour Localtis.

Localtis : Pouvez-vous préciser le rôle des délégués départementaux de l'Éducation nationale (DDEN) ?

Eddy Khaldi : Notre fonction existe dans les textes au moins depuis la loi Guizot de 1833. Elle a évolué progressivement. Nos missions actuelles sont définies par l'article D 241-34 du Code de l'éducation. Nous sommes chargés d'inspecter les écoles pour tout ce qui ne concerne pas directement la pédagogie. Cela recouvre les questions de sécurité, de salubrité, d'hygiène, de bâti, les activités périscolaires, la restauration scolaire, la pause méridienne, les sanitaires. Cela représente énormément d'activité.

Comment cette fonction a-t-elle évolué dans le temps ?

Il y a eu une évolution de notre fonction par rapport à l'époque où l'institutrice ou l'instituteur habitait à l'école. Notre fonction a aussi évolué parce que le rapport à l'école a considérablement changé dans les quarante dernières années. L'école était à l'origine un projet collectif. À partir de 1984, on a fait prévaloir dans l'opinion l'idée de libre choix et on a installé les familles dans une posture de consommateurs au regard de l'école. Le rapport est aujourd'hui de plus en plus individualisé. Les parents considèrent l'école comme un service comme un autre. C'est chacun pour soi. Nous qui siégeons dans les conseils d'école, nous nous en rendons compte. Les représentants des parents viennent de moins en moins de fédérations et sont de plus en plus des structures indépendantes et isolées. Les parents se présentent comme père ou mère d'untel ou d'une telle. Ils sont là exclusivement pour leur enfant.

Vous venez de lancer une campagne de recrutements de DDEN. Cela correspond-il à un besoin particulier ?

Oui, nous fonctionnons de manière quadriennale et nous terminons cette année le cycle 2021-2025. Autrement dit, nos effectifs sont remis à zéro. À partir de septembre 2025, nous aurons dans chaque département de nouveaux délégués agréés par le Dasen. Il nous faut donc recruter de nouveaux délégués ou renouveler ceux qui étaient déjà en place.

Avez-vous suffisamment de candidats ?

Non, et il y a 16.000 délégués en activité, ce qui n'est pas non plus suffisant. Certains sont donc attachés à deux ou trois écoles. Nous ne couvrons sans doute qu'un peu plus de la moitié des 47.000 écoles maternelles, élémentaires et primaires en France.

Comment fonctionnez-vous ?

Nous sommes totalement bénévoles, nous payons notre activité, nous ne bénéficions d'aucune subvention publique ou privée. Nous ne fonctionnons que grâce aux cotisations de nos membres. Nos moyens sont nos attributions inscrites dans le Code de l'éducation, les rapports de visites que l'on effectue et dans lesquels nous consignons les difficultés que l'école peut rencontrer. Nous sommes une structure parapublique, avec ses missions officielles, mais nous avons aussi une activité associative et nous organisons au niveau national deux concours principaux, en parallèle de ceux qui peuvent exister au niveau départemental. Le premier est le "Concours national des écoles fleuries", mis en place en 1974 par Madeleine Zay, notre vice-présidente de l'époque, qui aujourd'hui traite aussi du développement durable. Depuis six ans, nous avons un deuxième concours, "Se construire citoyen-Samuel-Paty", axé sur les actions de citoyenneté, car l'une des fonctions de l'école est aussi de former un citoyen libre et autonome.

Vous organisez également des enquêtes qui découlent de vos missions officielles. Quelles ont été vos réalisations récentes ?

Nous avons relancé nos enquêtes depuis 2019, année où nous avons visité 365 des 460 écoles de Marseille. Ce travail a fait l'objet de rapports de synthèse, de préconisations utilisées actuellement par les élus de la municipalité. En 2020, nous avons fait un rapport sur la période du Covid et l'enseignement à distance. En 2021, notre travail a porté sur la violence. Nous avons enchaîné avec un rapport sur les sanitaires scolaires qui a fait l'objet d'un certain nombre de reprises dans la presse. Récemment, nous avons publié une enquête sur la pause méridienne et la restauration scolaire. Pour l'instant, nous ne la diffusons qu'en version imprimée de façon à pouvoir toucher les décideurs lors des conseils départementaux de l'Éducation nationale, et auprès des collectivités locales et des inspecteurs. Cette année, l'enquête porte sur l'école inclusive, que nous menons avec l'Apajh, une association pour adultes et jeunes handicapés. 

Votre actualité est aussi cette demande d'intégrer les conseils d'administration des collèges. Pourquoi ?

Le collège est la prolongation du primaire, à travers le cycle 3 de l'enseignement, qui comprend les classes de CM1, CM2 et sixième. Notre demande vise à faire de l'école et du collège un projet collectif où nous devons continuer la formation des futurs citoyens. Aujourd'hui, dans les conseils d'administration des collèges, il y a des personnalités très qualifiées mais qui n'ont aucun rapport entre elles, aucune formation, aucun moyen de travailler collectivement. Nous, à la FDDEN, nous avons une structure nationale et une dans chaque département, cela nous permet de réaliser des formations, de mener nos enquêtes qui débouchent sur des préconisations. En 2019, nous avions obtenu un vote unanime au Sénat, dans le cadre de la loi pour une école de la confiance, qui nous intégrait dans les conseils d'administration des collèges. Lors de la commission mixte paritaire, le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a fait retirer la mesure [sic]. Mais nous remettrons ça. Des élus estiment que notre place est là. Nous sommes un peu le regard de la société civile dans l'école, nous jouons un rôle de médiation dans ce contexte d'individualisation du rapport à l'école qui engendre de plus en plus de petits et de gros conflits. Nous sommes en majorité des retraités, pour la moitié environ issus de l'Éducation nationale, et nous n'avons pas d'ambition économique ou politique. On ne peut d'ailleurs pas être délégué dans une commune où l'on est élu.

À ce propos, le dialogue avec les collectivités est-il de qualité ?

Oui, tout à fait. Aujourd'hui, des communes où l'on n'est pas présents nous demandent un délégué, car bien souvent, elles ont besoin de cette médiation. Nous sommes donc souvent sollicités pour notre "sagesse" par manque d'interlocuteurs quand les familles ne sont là qu'à titre individuel. Notre seul souci, le cœur de nos préoccupations, reste l'intérêt de l'enfant.

 

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