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Entre crise et reprise, la Caisse des Dépôts redouble d'activité

Eric Lombard a présenté ce 1er avril les résultats 2020 du Groupe Caisse des Dépôts. Si le résultat net a été impacté par la crise (baisse des dividendes, diminution des revenus de taux, conséquences des restrictions pour certaines filiales), l'année a été marquée par une très forte activité, notamment pour concrétiser le plan de relance de la Caisse des Dépôts, dont 30% des crédits sont déjà engagés. En tête, le secteur de l'habitat et de la cohésion territoriale, avec des objectifs ambitieux en termes de construction de logements sociaux.

La Caisse des Dépôts "sera en première ligne pendant et, plus encore, après la crise", déclarait Eric Lombard, son directeur général, en avril 2020. Un an plus tard, la crise est toujours là, mais l'engagement semble tenu. En première ligne, la Caisse des Dépôts l'a d'abord été par des "mesures d'urgence" (mesures de soutien exceptionnelles aux territoires, plan d’urgence en faveur des professions juridiques, fonds territoriaux déployés avec les régions...) puis par son plan de relance, a rappelé Eric Lombard ce 1er avril en présentant à la presse les résultats annuels 2020 du groupe. Un plan de relance lancé en septembre dernier mais "approuvé dès juin" et dont un bilan d'étape a récemment été dressé par Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires (voir notre article du 18 mars).

Sur les 26,3 milliards d'euros de fonds propres – donc hors prêts – qui doivent être consacrés à ce plan de relance 2020-2024, 30% ont déjà été engagés. 3,6 milliards côté habitat et "cohésion territoriale", 2,5 milliards sur le développement économique, 1,4 milliard en matière de transition écologique et 160 millions sous la bannière cohésion sociale. Dans chacun de ces domaines, Eric Lombard a insisté sur la "territorialisation" de ce plan, avec d'importantes délégations aux directions régionales afin de veiller à "un meilleur maillage", un "équilibre territorial de la relance", y compris par "davantage d'investissements de petite taille".

En matière de développement économique, on retrouve le plan Tourisme, le haut débit fixe et mobile, les fonds territoriaux, ou encore les foncières commerce. Sur l'objectif de 100 foncières, "nous en sommes déjà à 64", a indiqué Eric Lombard – dont 44 existantes et une vingtaine en création. A l'échelle du groupe Caisse des Dépôts sont aussi mentionnés, côté Bpifrance, le fonds "Lac 1" destiné à accompagner sur le long terme des multinationales françaises ou, côté CDC Croissance, un fonds tech de 200 millions d'euros.

S'agissant de la transition énergétique et écologique, les axes prioritaires du plan de relance sont connus : les énergies renouvelables, avec plus de 300 millions d'euros investis par la Banque des Territoires ; la mobilité durable, "en partenariat avec les collectivités", Eric Lombard citant notamment le financement de bornes de recharge ou de points d'avitaillement pour les flottes hydrogène ; l'efficacité énergétique des bâtiments, qu'il s'agisse de la rénovation thermique des logements sociaux (27.000 logements rénovés) ou des bâtiments publics (232.000 m² rénovés) ; la biodiversité et l'économie circulaire (prêts spécifiques eau et déchets, investissements dans les forêts) ; enfin, un objectif de "décarbonation" du portefeuille d'actions et obligations.

Logement social : les organismes ont bien résisté

Le logement social est un autre grand pilier du plan de relance de la Caisse des Dépôts. Et même le premier. Avec ces 3,6 milliards d'euros déjà engagés en 2020, le secteur de l'habitat et de la cohésion territoriale représente en effet près de la moitié des 7,8 milliards investis l'an dernier en faveur de la relance.

Le succès des titres participatifs – qui constituent des quasi fonds propres pour les organismes de logements sociaux (OLS) et accroissent leur capacité d'investissement – se confirme en 2020. Créés par la loi du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l'épargne (loi Delors), mais relancés dans le secteur du logement par la loi Elan du 23 novembre 2018 et par la clause de revoyure d'avril 2019, les titres participatifs souscrits par la Banque des Territoires ont apporté l'an dernier 670 millions d'euros à 64 OLS. 

Interrogé sur la situation des bailleurs sociaux, Éric Lombard a affirmé n'avoir pas d'inquiétude et confirmé la bonne santé des organismes HLM. Grâce aux aides personnelles au logement (APL), qui sécurisent les loyers, ils ont en effet bien résisté à la crise et absorbé les conséquences de la RLS (réduction de loyer de solidarité). Dans le cadre de la relance et de l'engagement de construction de 250.000 logements sociaux en deux ans, ils sont désormais à même de développer de nouveaux projets, notamment grâce aux titres participatifs et aux prêts de la Caisse des Dépôts.

Pas d'inquiétude non plus du côté des ressources du logement social : fin 2020, l'encours des livrets réglementés des fonds d'épargne (Livret A et livret de développement durable et solidaire) s'élève à 285 milliards d'euros, contre 263 milliards en 2019, soit une collecte nette de plus de 20 milliards. Les perspectives 2021 devraient être similaires, avec en particulier une collecte record observée en février. Éric Lombard n'exclut cependant pas une sortie partielle de cette épargne additionnelle, une fois levées les restrictions sanitaires qui freinent les projets de consommation des Français. Sur le moyen terme, le directeur général estime que, malgré les tensions sur les taux aux États-Unis, on restera encore quelques années sur des taux longs bas, ce qui est une bonne nouvelle pour le logement social, à défaut de l'être pour le Groupe.

"J'appelle les collectivités à maintenir le rythme de production"

Le Groupe Caisse des Dépôts n'est pas seulement un financeur du logement social. Il en est aussi un acteur direct. CDC Habitat, filiale de la Banque des Territoires, possède et gère en effet de plus de 525.000 logements. Les logements de CDC Habitat ont bénéficié, ces dernières années, d'importants investissements en matière de rénovation énergétique.

Éric Lombard a d'ailleurs souligné la performance de CDC Habitat qui, malgré le contexte défavorable de la crise sanitaire, a encore accru son parc l'an dernier, notamment à travers la reprise du Groupe Apavou à La Réunion, en très grave difficulté. CDC Habitat s'est également mobilisée en faveur du logement intermédiaire, via notamment le programme d'acquisition de logements en Vefa (vente en l'état final d'achèvement). Sur les 40.000 logements précommandés à fin 2020 dans le cadre de ce programme, 10.500 actes d’acquisitions été signés à fin 2020. Au final, CDC Habitat a ainsi apporté une contribution de 131 millions d'euros au résultat agrégé 2020 de la Caisse des Dépôts.

L'année 2020 a certes été globalement marquée par un recul de la production de logements. En 2020, le groupe CDC Habitat a porté environ 11.500 agréments de logements sociaux, un niveau équivalent à celui de l'année précédente. La Caisse des Dépôts a par ailleurs financé 83.700 logements, ce qui représente un quart des logements produits l'an dernier (toutes catégories confondues). Si les raisons de ce recul sont multiples, Éric Lombard insiste plus particulièrement sur deux d'entre elles. La première est le "cycle municipal" de 2020, peu propice aux décisions de construction avant et après les élections. La seconde est moins conjoncturelle. Il s'agit en effet de la "réticence à construire" de certains maires, notamment parmi les nouveaux élus, qui mettent en avant la transition écologique et la lutte contre l'artificialisation des sols. Tout en jugeant ces préoccupations parfaitement légitimes, le directeur général de la Caisse a rappelé que les bâtiments neufs sont performants en matière énergétique. Et appelle donc les collectivités territoriales à "maintenir le rythme de production des logements sociaux" : "C'est important pour loger les gens, mais aussi pour l'économie."

Nouveau périmètre et nouvelles complémentarités

Au-delà du plan de relance et du logement, quel bilan d'ensemble pour le groupe Caisse des Dépôts en 2020 ? Tout d'abord, un fait marquant : un "nouveau groupe", ou du moins un nouveau périmètre, depuis l'opération de rapprochement entre La Poste et la Caisse des Dépôts et l'intégration de SFIL. L'ensemble affichant un bilan agrégé de plus de 1.200 milliards d'euros. Ceci sur ses quatre métiers : les gestions d'actifs, la Banque des Territoires, les politiques sociales (on rappellera au passage que la Direction des retraites et des solidarités a récemment été renommée Direction des politiques sociales) et la gestion des participations stratégiques. Auxquels s'adjoignent Bpifrance (dont la Caisse des Dépôts détient 49,29%) et, donc, le groupe La Poste (dont elle détient 66%).

Avec ce nouveau périmètre, pour les collectivités, en plus des financements de la Banque des Territoires, les prêts La Banque postale / SFIL sont donc eux aussi désormais dans la boucle. Et au-delà de la dimension financière, le rapprochement avec La Poste, c'est aussi un certain nombre de chantiers communs, a rappelé Eric Lombard : des complémentarités dans le déploiement des espaces France Services, la silver economy (entre autres avec une offre de viager), le rôle de tiers de confiance numérique (le groupe La Poste a par exemple racheté Pronote en décembre dernier), la logistique urbaine avec Urby…

Le résultat net agrégé de la Caisse des Dépôts en 2020 s'établit à 777 millions d'euros (en intégrant les effets du rapprochement avec La Poste). Dont 210 millions côté Fonds d'épargne et 566 millions côté section générale. Eric Lombard n'a pas caché que ce résultat a été impacté par la crise. En cause pour le Fonds d'épargne, malgré la collecte record : la baisse des dividendes et la diminution des revenus de taux en lien avec la baisse de l’inflation et le contexte de taux bas. Et pour la section générale, au-delà là encore d'une baisse des dividendes, il est clair que certaines filiales ont été directement touchées par la crise, notamment la Compagnie des Alpes et Transdev. Ces deux filiales "ont les ressources pour y faire face", a toutefois souligné le directeur général.

Quelles perspectives pour les mois à venir ? Eric Lombard reconnaît ne pas avoir misé sur une reprise de l'activité économique avant l'été et semble satisfait que de premières perspectives aient été esquissées la veille par Emmanuel Macron. Plus globalement, il souligne que "la maison est très solide", y compris "dans son organisation" issue de la création de la Banque des Territoires, et qu'elle sera au rendez-vous pour apporter un soutien aux secteurs qui ont le plus souffert, tels que le tourisme ou le commerce. "Nous sommes confiants quant à la reprise, notre économie n'a pas été abîmée pour l'essentiel", juge-t-il, tout en espérant que cette reprise permettra d'"accélérer la transformation de notre économie, pour se diriger vers un modèle à la fois plus écologique et plus solidaire, plus inclusif".

 

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