Huguette Bello : "La Réunion est le vaisseau amiral de la France dans l'océan Indien"

Absence de traduction budgétaire des mesures décidées dans le cadre du Comité interministériel des outre-mer, recul des nouveaux contrats de convergence et de transformation, diminution du nombre des contrats aidés dans le cadre du dispositif "emplois verts"… En proie à des difficultés majeures, dont les prix élevés des produits du quotidien, et du logement en particulier, et les effets du changement climatique, La Réunion attend que l'État augmente significativement son engagement financier. A l'approche du congrès de Régions de France, qui consacrera une séquence à l'Outre-mer, Huguette Bello, présidente du conseil régional de La Réunion, détaille ses ambitions pour l'île qui dispose de multiples atouts. Parmi ses priorités, et pour répondre au problème social de la vie chère, la présidente souhaite diversifier l'économie du territoire.

Localtis - La Réunion fait face à de nombreux défis climatiques, avec des cyclones de plus en plus forts et fréquents, comment y faites-vous face ?

Huguette Bello, présidente du conseil régional de La Réunion - L’ensemble des acteurs institutionnels est concerné par ce défi majeur. Pour sa part, la région impulse une politique à deux niveaux. Le premier volet, c’est la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre avec l’orientation stratégique de la construction de l’autonomie énergétique de notre île. Notre mix énergétique est fondé principalement sur l’exploitation de ressources naturelles le solaire, l’éolien, l’hydraulique, la biomasse issue des résidus de la canne, les énergies marines et nous avons relancé des études sur la géothermie …

L’autre volet, c’est la politique d’adaptation qui doit se traduire à tous les niveaux dans les politiques d’aménagement. La région a engagé les travaux de révision du schéma d’aménagement régional (SAR), prenant pleinement en compte la sobriété foncière, la préservation de la biodiversité, la gestion préventive du littoral et la question du trait de côtes au niveau de l’élaboration du schéma de mise en valeur de la mer (SMVM). Dans l’immédiat, la région a créé un groupe régional d’expertise sur le climat (Grec) et participe aux cotés de l’État et des intercommunalités aux politiques de prévention des risques. Sur ce plan, la diminution du nombre des contrats aidés qui participaient à l’entretien des sites dans le cadre du dispositif "emplois verts" constitue une vive préoccupation. 

Les mesures proposées par l'État pour répondre à ces urgences, notamment dans le cadre du Comité interministériel des outre-mer (Ciom), sont-elles suffisantes ?

À l’heure actuelle, les mesures proposées par le Ciom se heurtent à un problème majeur :  l’absence de moyens financiers et de traduction budgétaire. Nous avons sollicité un bilan et un suivi des 79 mesures du Ciom arrêtées en juillet 2023 qui concernent de nombreux secteurs. 

Votre collectivité fait, comme d'autres territoires ultramarins, l'objet de défis importants : vie chère, logement notamment, dépendance aux importations, vulnérabilité logistique… Comment traiter ces questions ? Qu'attendez-vous notamment du projet de loi sur la vie chère* et de la réforme de l'octroi de mer** ?

C’est le modèle de développement qui est en question. Nous travaillons pour ouvrir notre économie à de nouveaux horizons. L’insertion de La Réunion dans son environnement géo-économique constitue à nos yeux un axe stratégique majeur. La diversification et le rapprochement de nos sources d’approvisionnement est une réponse économique au problème social de la vie chère.
La question de l’octroi de mer est une diversion pour ne pas aborder le problème structurel de la formation des prix et de notre dépendance à des situations d’oligopoles ou de monopoles qui caractérisent l’économie de comptoir avec laquelle il faut rompre. 

Et qu'en est-il des contrats de convergence et de transformation (CCT), qui remplacent depuis 2019 les contrats de plan État-région (CPER) en outre-mer***, et qui vont être renouvelés ? Les précédents ont-ils porté leurs fruits ? Quels changements attendez-vous pour la programmation suivante ?

Les contrats de convergence et de transformation marquent un recul tant en termes de volume financier que de champ d’application par rapport à la génération des contrats de plan que nous avions connus. J’attends une augmentation significative de l’engagement financier de l’État, d’autant plus nécessaire dans la perspective des lourdes incertitudes concernant le futur cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Je n’ignore pas les contraintes budgétaires de l’État mais il en va de la crédibilité et de la pertinence des contrats de convergence. 

Votre territoire dispose aussi de multiples atouts (jeunesse, entrepreneuriat…) et de filières prometteuses (BTP, tourisme, agroalimentaire, énergies renouvelables). Sur quelle base envisagez-vous votre avenir ?

Nous inscrivons l’avenir de La Réunion dans une double ambition. D’une part, bâtir le développement durable en poursuivant l’objectif d’autonomie énergétique, de sécurité alimentaire, de développement humain et économique en investissant massivement dans la formation, la connaissance et l’innovation. D’autre part, il s'agit d'insérer notre île dans son environnement géographique, en valorisant au maximum les atouts découlant de sa triple appartenance à la France, à l’Europe et à l’océan Indien. Vaisseau amiral de la France et de l’Europe dans l’océan Indien, La Réunion dispose de tous les atouts pour être un pôle d’excellence et de rayonnement exemplaire en matière de développement durable.

* Le projet de loi contre la vie chère en outre-mer, présenté sous le gouvernement de François Bayrou et repris par celui de l'actuel Premier ministre, Sébastien Lecornu, a été adopté le 23 octobre 2025 en commission au Sénat puis en séance le 28 octobre (voir notre article) et est désormais transmis à l'Assemblée nationale.

** Une réforme de l'octroi de mer a été engagée en juillet 2023 dans le cadre du Conseil interministériel des outre-mer (Ciom) pour faire baisser les prix, notamment sur les produits de grande consommation, maintenir l'outil de protection pour la production locale et garantir les recettes des collectivités. Une mission ministérielle a présenté en mai 2024 les pistes de travail du gouvernement, avec un scénario de maintien de l'octroi de mer lorsque la production locale existe, et son remplacement dans les autres cas par une taxe locale sur la consommation à l'assiette plus large (biens et services) pour réduire la pression fiscale sur les biens de grande consommation.

*** Les contrats de convergence et de transformation (CCT) ont été prévus par la loi du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer. Ils remplacent depuis 2019 les contrats de plan État-région pour l'outre-mer. Dans un rapport du 24 juillet 2025, la Cour des comptes pointe leurs faiblesses : peu de marge de manœuvre pour les élus locaux dans l'utilisation des crédits, peu ou pas de suivi et peu de dialogue sur le développement des territoires… 

 

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