Inspection des installations classées : activité "soutenue" en 2022, avec un niveau de sécurité jugé "satisfaisant"

Qu'il s'agisse de l'encadrement réglementaire des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou de ses activités de contrôle sur le terrain, la police environnementale a connu un rythme d'activité "soutenu" en 2022, souligne son dernier bilan d'activité présenté ce 20 juin. L'accidentologie se situe dans la "moyenne basse" de ces dernières années. Celle du secteur des déchets qui n'avait cessé d'augmenter est même en recul.

Alors que la feuille de route de l'Inspection des installations classées pour 2023 a été dévoilée en tout début d'année (voir notre article du 9 janvier 2023), la police environnementale a présenté ce 20 juin le bilan de son activité 2022. Avec 526 arrêtés préfectoraux d’autorisation environnementale et 770 arrêtés préfectoraux d’enregistrement pris l'an passé, auxquels s'ajoutent 22.852 inspections pour vérifier sur le terrain la bonne application des prescriptions réglementaires s’appliquant aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), l'activité a été "soutenue", reflétant la dynamique de l'industrie, a estimé Guillaume Mangin, conseiller prévention des risques, santé, environnement, urbanisme et aménagement du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Au 31 décembre dernier, le rapport de l'inspection recense 20.557 sites soumis à autorisation (installations présentant les risques et les impacts les plus importants), 22.136 sites soumis à enregistrement (niveau intermédiaire pour les secteurs où les mesures techniques pour prévenir les risques sont bien connues comme les stations-service, les entrepôts, la filière avicole, etc.) et environ 450.000 sites soumis à déclaration (activités les moins polluantes et les moins dangereuses).

3.658 arrêtés préfectoraux signés à la suite des contrôles

En 2022, les pétitionnaires ont déposé respectivement 767 dossiers de demande d’autorisation environnementale et 1.027 dossiers de demande d’enregistrement. Au total 526 arrêtés préfectoraux d’autorisation environnementale et 770 arrêtés préfectoraux d’enregistrement ont été pris. Les services de l’inspection ont également instruit différentes procédures liées à des modifications des conditions d’exploitation des installations ou de prescriptions réglementaires, des révisions d’études de dangers et des réexamens au titre de la directive IED relative aux émissions polluantes. 2.226 arrêtés préfectoraux complémentaires ont ainsi été signés.

À la suite des 22.852 inspections réalisées sur le terrain dans le cadre de l’application du plan pluriannuel de contrôles (PPC), 3.658 arrêtés préfectoraux ont été signés – 3.053 mises en demeure, 605 sanctions administratives et mesures de police, 122 amendes, 235 astreintes, 88 consignations de sommes, 74 suspensions temporaires, 70 fermetures ou suppressions d’installations, 12 exécutions d’office de travaux et 4 appositions de scellés.

Pollution des sols et de l'air

Concernant la gestion des sites et sols pollués, le site internet Géorisques recense 5.088 secteurs dinformation sur les sols (SIS). "Il sagit de terrains où l’État a la connaissance dune pollution des sols justifiant, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et la mise en place de mesures de gestion de la pollution pour préserver la santé et l’environnement", indique le bilan qui précise que cette démarche permet de répondre à "deux enjeux : informer le public de l’existence de pollutions sur ces sites ; garantir l’absence de risques sanitaires et environnementaux par l’encadrement des nouvelles constructions ou de changement d'usage".

En matière de pollution de l'air, l'inspection relève des réductions des émissions de polluants. "Par exemple, sur 10 ans, on peut constater que les émissions dans l’air d’oxydes d’azote (NOx) de 2010 à 2020 sur les cinq principaux secteurs d'activité émetteurs ont baissé de 60%, note le bilan. Sur la même période, celles d’oxydes de soufre (SOx), tous secteurs confondus, ont diminué de 70%."

Installations de gaz

Le bilan fait aussi état de l'action de l’inspection de l’environnement dans le domaine de la distribution et l’utilisation du gaz. Après l’explosion de la rue de Trévise à Paris en 2019 qui a causé 4 morts, 66 blessés et des centaines de sinistrés, des travaux réglementaires ont été engagés par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) qui ont notamment abouti à la publication de deux arrêtés ministériels, l'un modifiant l’arrêté du 23 février 2018 relatif aux règles techniques et de sécurité applicables aux installations de gaz combustible des bâtiments d'habitation individuelle ou collective, y compris les parties communes, l'autre modifiant l’arrêté ministériel du 13 juillet 2000 portant règlement de sécurité de la distribution de gaz combustible par canalisations. Ces deux textes ont introduit de nouvelles obligations en matière de sécurité et en 2022, les Dreal ont été mobilisées pour s’assurer de la bonne prise en compte de ces évolutions par les différents exploitants de réseau de gaz naturel mais aussi de propane. Près d’une centaine d’inspections de chantiers de construction de réseaux, d’opération de mise en service ou du suivi en fonctionnement ont ainsi été menées. "Elles ont permis de constater globalement une bonne connaissance de ces évolutions, constate le bilan. Il conviendra de s’assurer qu’elles sont respectées dans la durée." Ces inspections s'inscrivent en complément des actions menées sur les canalisations de transport de fluides dangereux (190 visites en 2022) et sur les chantiers menés à proximité des réseaux (réglementation anti-endommagement des réseaux). Sur ce dernier point, les Dreal ont mené 361 visites d’inspections sur des chantiers et participé à de nombreuses actions de sensibilisation des parties prenantes (collectivités, exploitants de réseaux, entreprises de travaux).

Énergies renouvelables

Dans le domaine des énergies renouvelables, l’inspection des installations classées a été fortement sollicitée pour l’instruction des dossiers de demande d’autorisation ou d’enregistrement pour l’exploitation de parcs éoliens et de méthaniseurs. Début avril 2023, plus de 150 dossiers de méthaniseurs (dont un peu plus de 90% de demandes denregistrement et un peu moins de 10% de demandes dautorisation) et de 500 dossiers de demande dautorisation de parc éoliens étaient en cours dinstruction. 80 autorisations pour des parcs éoliens ont été délivrées en 2022 et 30 demandes rejetées à l’issue de la phase d’examen. "Ce sont des dossiers complexes, sur le plan de la protection de la biodiversité et des paysages, qui suscitent un contentieux nourri (que l’autorisation ait été accordée ou refusée), souligne le bilan. Leur instruction mobilise donc très fortement les inspecteurs des installations classées." Côté méthanisation, le nombre de dossiers est en hausse, a souligné Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la Transition écologique. 15 autorisations et 116 enregistrements ont été délivrés en 2022.

Incendies de l'été 2022

Les compétences de l’inspection des installations classées ont également été mises à contribution lors des incendies de l'été 2022 pour éviter le risque de "suraccident" sur les sites à risque a expliqué Cédric Bourillet. Le premier feu a en effet débuté dans la forêt de La Teste-de-Buch (Gironde), dans laquelle se trouvent des puits de pétrole. "Les flammes se sont propagées et ont cerné le site, mais les dispositifs de sécurité et les mesures organisationnelles prévues pour faire face à ce type d’événement ont parfaitement fonctionné", note le rapport. "Le feu a continué sa progression, menaçant progressivement différentes ICPE, dont un site Seveso seuil haut, poursuit-il. Dans les campings ou installations industrielles, les cuves de gaz ou autres appareils à pression contribuaient au risque. Des canalisations de transport de gaz ont dû être coupées et mises en sécurité, afin d’éviter tout sur-accident. Ici encore, les dispositions de sécurité ont fonctionné." Si de telles dispositions étaient anticipées et régulièrement testées en Gironde et de manière générale dans tout le sud de la France, "le vrai enjeu est de généraliser ces bonnes pratiques sur l’ensemble du territoire", estime Cédric Bourillet.

Déchets 

"En 2022, des actions ciblant le domaine des déchets ont été conduites, tant en matière d’inspections menées dans les diverses régions, que de travaux pour limiter les risques des activités concernées", souligne également le rapport. "En matière de lutte contre les activités illégales, des actions coup de poing ont été menées par l’inspection des installations classées dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie, de 2020 à 2022, pour tenter de juguler des trafics de déchets stockés illégalement dans des entrepôts, au mépris des règles de prévention des incendies et des règles de traitement de déchets", illustre-t-il. "Relevant de la criminalité organisée, ces trafics peuvent être à l’origine d’atteintes majeures à l’environnement et à la santé humaine, comme le prouve l’incendie du centre de tri de la société Recyclage Concept 13, à Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône), près de Marseille, qui a duré plus d’un mois - fin décembre 2021 à début 2022 - provoquant une pollution de l’air importante", rappelle-t-il. Ces campagnes d’inspections coup de poing ont conduit la justice à pouvoir mettre en examen 5 personnes et 6 entreprises en mai 2022.

Vigilance renforcée sur certains sites industriels

L'inspection tire aussi le bilan du dispositif vigilance renforcée visant des sociétés dont certains sites faisaient l’objet d’incidents réguliers ou de non-conformités récurrentes. Lancé en juillet 2021, il ciblait treize sites industriels appartenant à six exploitants. Ces derniers devaient élaborer et remettre un plan de mise en conformité comportant des mesures concrètes, quantifiables et vérifiables qui devaient être mises en œuvre d’ici le 31 décembre 2022. "À l’issue de cette période de vigilance renforcée, il apparaît que la majorité des engagements ont été tenus", constate l'inspection. Quelques sociétés ont néanmoins connu des "retards dans la mise en œuvre". "Il en est ainsi pour le groupe Lactalis, dont trois sites ont terminé leurs engagements tandis que, pour les deux autres, les actions sont encore en cours, note le bilan. Ce groupe est maintenu dans le dispositif en 2023, jusqu’à l’achèvement complet des actions prévues par le plan. Il en est également ainsi pour Esso, qui n’a pas mené à son terme l’une des actions prévues ; il a été demandé au préfet de suspendre l’exploitation des unités industrielles concernées, ce qu’Esso a d’ores et déjà fait". L'inspection a aussi relevé des "manquements sur certains des engagements qui avaient été pris", conduisant à prendre des sanctions administratives. Ainsi, pour le site Yara Montoir et le groupe Pena, il a été demandé aux préfets de procéder à des mises en demeure et des amendes ou astreintes jusqu’à la mise en conformité. Par ailleurs, si le site d’Achères du Siaap (service public de l’assainissement francilien) a atteint les objectifs qui avaient été fixés dans le plan de mise en conformité, des faiblesses techniques et organisationnelles nouvelles sont apparues pendant la période sous vigilance renforcée. Le site reste donc dans le dispositif en 2023, avec un nouveau plan d’actions. Par ailleurs, les constats réalisés par l’inspection des installations classées en 2022 conduisent à intégrer quatre nouveaux sites dans le dispositif, note le bilan : DPC pour le site de Saint-Pol-sur-Mer (dépôt pétrolier) ; GXO pour ses sites de Poupry, Artenay et Le Malesherbois (entrepôts). Un plan d’actions sera prochainement publié pour chacun de ces sites.

Installations situées à moins de 100 mètres des sites Seveso

Dans le cadre du plan d’actions gouvernemental qui a suivi l’incendie du 26 septembre 2019 mettant en cause l’usine Lubrizol et les entrepôts exploités par la société Normandie Logistique à Rouen, l’inspection des installations classées s’est aussi vue confier la mission, au cours des années 2020 à 2022, de recenser toutes les installations classées implantées à moins de 100 mètres des sites Seveso et à l’occasion des inspections de ces derniers, d’identifier d’éventuelles installations sensibles implantées à proximité des limites de sites afin d'évaluer les risques d’effets dominos entre ces installations. Fin 2022, l’inspection avait engagé cette action auprès de 98% des établissements classés Seveso, et l'avait achevée auprès de 93% d'entre eux. Près de 2.000 installations classées ont été recensées dans le voisinage des sites Seveso. Parmi ces installations, il a été constaté qu’environ 3,5% dentre elles étaient en situation irrégulière. Des procédures de régularisation ont alors été engagées. Par ailleurs, si environ 4% des installations étaient connues, elles nécessitaient une actualisation de leur situation administrative (mise à jour du régime de classement). Dans la suite de ces contrôles et constats, l’inspection a adressé à environ 28% des établissements Seveso un courrier faisant état des informations nouvellement recensées relatives à leur voisinage et utiles pour la maîtrise des risques. "Dans le cadre de cette action, l’inspection des installations classées a déjà mené plus de 3.000 visites d’inspection et poursuit ses opérations dans l’objectif de finaliser l’action à mi-2023 et inspecter la totalité des installations classées implantées à moins de 100 mètres des sites Seveso", indique le bilan.

Stabilisation de l'accidentologie

Enfin, note le directeur général de la prévention des risques, le nombre total d’incidents et accidents déclarés à l’administration dans les ICPE est resté "relativement stable" en 2022, avec 1.155 événements recensés dont 375 accidents. "Exception faite de l'année 2020, marquée par la crise du Covid, nous sommes dans la moyenne basse et nous situons à un niveau de sécurité satisfaisant", assure Cédric Bourillet. Les secteurs les plus accidentogènes restent les déchets, suivis de l’industrie chimique et pharmaceutique, des élevages et de la fabrication de produits laitiers. Le secteur des déchets regroupe une vaste typologie d’unités - installations de tri, transit, regroupement de déchets (TTR), centres de traitement et de valorisation de déchets, installations de stockage de déchets, installations concernant les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), installations de dépollution et installations de broyage de véhicules hors d’usage (VHU), installations de valorisation de déchets organiques (compostage, méthanisation). Après une forte croissance depuis plusieurs années, l’accidentologie de ce secteur a diminué en 2022 (60 accidents contre 75 en 2021). Par sous-secteur d’activité, le bilan fait état d'une baisse notable dans celui des installations de récupération de déchets (VHU, DEEE…), passé de 40 à 26 accidents, et celui du traitement des déchets (de 22 à 17 accidents). La baisse du nombre d’événements dans les installations de stockage de déchets engagée en 2021 se confirme (58 événements en 2020, 40 en 2021, 40 en 2022) et se traduit également au niveau des accidents (9 en 2020, 9 en 2021 et 5 en 2022). Le nombre d’accidents dans des installations de valorisation de déchets organiques se stabilise, alors que le nombre d’événements est en hausse (+20% pour la méthanisation passant de 25 à 31 événements, +85% pour le compostage passant de 14 à 28 événements). "Il est toutefois à noter que, pour la filière dédiée au compostage, laccidentologie est fortement liée aux conditions climatiques et que lannée 2021 avait été marquée par un creux sur le nombre d’événements par rapport aux années précédentes", relativise le bilan de l'inspection. Celui-ci constate aussi une hausse de l'accidentologie dans le secteur de la collecte des déchets (de 11 à 15 accidents).

 

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