Intercommunalité : le Sénat propose "une nouvelle étape"

La mission d'information sénatoriale sur "le bilan de l'intercommunalité" a présenté son rapport à la presse, ce 25 septembre. À travers leurs constats et vingt recommandations, les sénateurs réitèrent leur appel en faveur d'une intercommunalité "utile aux communes" et accordant une place à "tous les élus", y compris ceux des "petites communes". Ils plaident pour un "réajustement", qui se concrétiserait par exemple par une extension des transferts de compétences à la carte. Ils rejettent en revanche l'option d'un "grand soir institutionnel"

En août 2015, la publication de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) donnait le coup d'envoi d'un grand chantier intercommunal, avec à la clé des transferts obligatoires de compétences et des fusions nombreuses et "à marche forcée". Dix ans après, le bilan est "en demi-teinte", conclut une mission d'information sénatoriale présidée par le centriste Jean-Marie Mizzon, qui prône un "réajustement stratégique du cadre intercommunal".

"Ces réformes ont contribué à distendre le lien entre les communes et les intercommunalités dont elles sont membres", déplore la mission d'information créée à l'initiative du groupe RDSE, qui a adopté son rapport à l'unanimité le 23 septembre. Le constat avait été dressé dès les premières années suivant la mise en œuvre de la nouvelle carte intercommunale, mais il reste d'actualité. Car, selon les sénateurs, la "brutalité" du changement "laisse des traces encore aujourd’hui" parmi les maires et présidents d'intercommunalité, comme le montre la consultation en ligne menée au printemps par le Sénat auprès de plus de 1.700 d'entre eux.

"Un sentiment de dépossession chez les maires"

75% estiment que l'intercommunalité "fonctionne bien", ou "ne fonctionne ni bien ni mal". Mais seulement 44% déclarent qu'elle "bénéficie" à leur commune - 26% affirmant le contraire et 30% considérant que l'apport à leur commune est "moyen".  Et les élus consultés sont encore moins nombreux (28%) à juger que l'intercommunalité a permis d'améliorer l'accès et la qualité des services publics dans leur commune (pour 21% l'amélioration est "moyenne" et pour 45% elle n'est pas au rendez-vous). Par ailleurs, 46% des répondants indiquent "ne pas peser suffisamment sur les décisions de leur intercommunalité" - 18% considérant à l'inverse être en mesure de le faire.

Pour la mission d'information dont la rapporteure est la sénatrice du RDSE Maryse Carrère, ces résultats confirment l'existence d'"un sentiment de dépossession chez les maires et les élus municipaux, tout particulièrement des petites communes", que plusieurs rapports et enquêtes ont déjà mis en évidence ces dernières années. Selon elle, ce sentiment est exacerbé dans les communautés "XXL". Il résulte aussi de la mise en œuvre du transfert obligatoire de plusieurs compétences depuis 2017, notamment dans les domaines de la promotion du tourisme ou encore de l'eau et de l'assainissement. Un tel transfert obligatoire de certaines compétences "n’a pas toujours été synonyme d’exercice plus efficace ni moins coûteux de ces compétences", juge au passage la mission. Qui pointe aussi la gouvernance des intercommunalités "souvent jugée trop descendante" et l'"appropriation inégale des compétences transférées".

Périmètres : des ajustements "à la marge"

Pour les sénateurs, "il ne s'agit pas de revenir en arrière, mais de faire évoluer le système vers davantage de souplesse, de concertation et de confiance mutuelle".

Sur la question de la carte intercommunale, ils estiment que celle-ci doit pouvoir être adaptée "à la marge" et "à la demande des élus locaux", afin de "mieux faire coïncider" les périmètres avec les bassins de vie. Visiblement, les sénateurs semblent considérer que les outils créés par la loi Lecornu de décembre 2019 ne sont pas suffisants. 

En matière de gouvernance intercommunale, la meilleure association des élus municipaux demeure un défi. Mais des outils existent déjà pour cela, comme la conférence des maires. La mission d'information propose donc seulement de "renforcer la place" de cette instance, en lui permettant, par exemple de voter "une motion d'alerte". Cette procédure conduirait à l'inscription à l'ordre du jour du conseil communautaire d'un débat sur le sujet du choix des élus. En outre, la mission appelle à encourager la définition par les intercommunalités d'un projet de territoire, le recours à cet exercice étant "à géométrie variable". Et pour cela, il faudrait "inscrire à l’ordre du jour de leur organe délibérant un débat obligatoire" sur l’élaboration de ce document stratégique.

Transferts de compétences "à la carte"

Pour donner de nouvelles "marges de manœuvre" aux élus locaux, mais aussi "mieux adapter l'exercice des compétences aux spécificités du territoire", la mission prône un assouplissement des règles de répartition des compétences des communes et des intercommunalités. La loi "3DS" de février 2022 a certes institué un mécanisme de "transferts à la carte" (des communes vers l'intercommunalité et vice-versa) pour les compétences facultatives. Mais selon les sénateurs, il faut aller plus loin, notamment en l'étendant aux compétences obligatoires, ce qui ne peut se faire aujourd'hui. Ils donnent pour illustration l'exemple du plan local d'urbanisme (PLU). "Sur certains pans du PLU, tels que l’urbanisme commercial, il pourrait ainsi être envisagé d’en transférer l’exercice à l’EPCI [établissement public de coopération intercommunale] à fiscalité propre auquel la commune est membre, sans pour autant que celle-ci perde l’ensemble de sa compétence en matière d’urbanisme".

Ces propositions figuraient déjà dans le rapport du groupe de travail de la Haute Assemblée sur la décentralisation présenté en juillet 2023 (voir notre article), lequel a donné lieu au dépôt en mars 2024 d'une proposition de loi "visant à rendre aux élus locaux leur pouvoir d’agir" (notre article).

Financer les projets des communes

Pour "créer des relations financières intercommunales plus partenariales", la mission d'information appelle à assouplir les conditions de révision des attributions de compensation – qui correspondent à la différence entre le produit de la fiscalité économique dont bénéficie l'intercommunalité et les charges transférées – et au développement de dispositifs de financement bénéficiant aux communes (fonds de concours, dotation de solidarité communautaire…).

Le rapport arrive pour le Sénat à point nommé, alors que le Premier ministre a ouvert une consultation sur la préparation d'un projet de loi de décentralisation (voir notre article du 22 septembre).

 

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