Les propositions du Sénat pour "soigner" le blues des maires

Une mission d'information de la Haute Assemblée présidée par la sénatrice (RDSE) Maryse Carrère se porte au chevet des maires de plus en plus nombreux à être gagnés par le découragement. Dans le rapport qu'elle a présenté ce 12 juillet, la mission prône des mesures pour améliorer le financement des politiques municipales, simplifier le quotidien des maires, ou encore favoriser l'engagement électif. Elle entend aussi garantir que l'intercommunalité ne se construit pas au détriment des communes.

"Vidées de leurs moyens d’agir, abandonnées par l’État ou concurrencées au sein du bloc local", les 34.945 communes "connaissent un affaiblissement progressif" et leurs élus sont gagnés par le "découragement", s'inquiète la mission sénatoriale d'information sur l'avenir de la commune et du maire, dans le rapport qu'elle a rendu public ce 12 juillet.

Malgré l'attachement des Français à leur commune, l'avenir de cet échelon de collectivité est "assombri", poursuit la mission initiée par le groupe Les Républicains. Pessimistes, les Français et les élus municipaux le sont aussi. Interrogés par l'Institut CSA dans le cadre des travaux de la mission, les premiers attribuent une note de 4,7 sur 10 aux perspectives de la commune. Les quelque 2.000 maires ayant répondu à une consultation que le Sénat a menée, là encore en vue du rapport, sont encore moins confiants, puisqu'ils décernent la note de 3,06. "La complexité normative", "la charge des réunions et des procédures", "l'insuffisance des moyens financiers de la commune", "les risques de mise en cause de la responsabilité des élus", "les exigences des citoyens" sont cités par les élus parmi les plus importantes difficultés dans l'exercice du mandat. Des difficultés qui poussent de plus en plus de maires à jeter l'éponge.

En trois ans, plus de 1.000 démissions "volontaires" de maires

À la date du 10 mai dernier, 1.078 d'entre eux avaient démissionné volontairement de leur mandat (soit 3% de l’effectif total des maires). 29.214 conseillers municipaux en avaient fait de même (7% de l'effectif). "Si l’on compte les vacances de sièges de maires ou de conseillers municipaux, pour tout motif, hors décès, on constate une aggravation de la situation par rapport à 2014 de l’ordre de 7 à 8%", s'alarme la mission. Qui redoute, par ailleurs, une baisse du nombre de candidats lors des prochaines élections municipales. Attention, pointent les sénateurs : derrière ces symptômes, c'est tout simplement la démocratie locale qui est menacée.

Pour la chambre représentant les collectivités, les communes "demeurent un échelon fondamental de proximité qui doit conserver toute latitude d’action pour répondre aux besoins des administrés". Une conviction qui n'est pas dépourvue de fondement. En effet, 72% des Français se déclarent "attachés" à leur commune et 58% d'entre eux la jugent "efficace", les autres échelons obtenant des scores inférieurs (48% pour la région et le département et 46% pour l'intercommunalité).

Pour "soigner le mal des maires" et conforter la place des communes, la mission avance une vingtaine de propositions ou sous-propositions, dont plusieurs figuraient déjà dans de précédents rapports sénatoriaux (dont celui du groupe de travail sur la décentralisation qui a été remis la semaine dernière). Deux d'entre elles visent à "sanctuariser" la commune : l'inscription dans la Constitution de la clause générale de compétence - qui permet à la commune d'intervenir dans tous les domaines - et le maintien des modes de scrutin actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires (avec des modalités, qui, pour les communes de faible taille, ne sont pas favorables à la parité).

"Biotope communal"

Le statu quo sur cette question des scrutins est la "garantie que l’intercommunalité demeure un instrument au service de la commune", souligne la mission. Cette dernière préconise aussi de donner davantage de souplesse au fonctionnement du couple communes-intercommunalité. Le Sénat avait défendu des mesures allant dans ce sens lors de l'examen (sous la précédente législature) des lois Engagement et Proximité et 3DS. Mathieu Darnaud, rapporteur (LR) de la mission, veut aller plus loin, évoquant un nécessaire "changement de paradigme", comme il l'a expliqué lors d'une conférence de presse. À la place du "bloc communal" – expression qui est passée dans le langage courant ces dernières années – le sénateur de l'Ardèche défend la notion de "biotope communal", qu'il définit comme "un milieu de vie", où chacun "doit trouver sa place, librement, au bénéfice de l’ensemble". Une philosophie qui le conduit à vouloir proscrire, à l'avenir, les transferts obligatoires de compétences communales aux intercommunalités. Ou encore de vouloir autoriser, par accord local, la modification de la répartition des compétences (en particulier en matière d’eau et d’assainissement). Le rapporteur défend aussi l'instauration d'un droit de veto de la commune sur les projets intercommunaux. Ce dispositif, qui a été mis en place par la communauté urbaine du Grand Reims, pourrait être étendu, "notamment lorsque la commune centre détient la moitié des sièges de conseillers communautaires", juge-t-il.

Nerf de la guerre, les financements locaux doivent être "lisibles et prévisibles", selon les sénateurs. Trop complexe, la dotation globale de fonctionnement (DGF) doit, selon eux, être refondue sur la base de ces deux principes.

Remèdes contre la réunionite

Pour simplifier la tâche des communes, la mission propose plusieurs simplifications, dont un dossier unique de demande. Appliquant le principe "dites-le nous une fois", l'État aurait la charge de communiquer les pièces demandées entre les différents services instructeurs. La mission recommande, par ailleurs, de limiter le nombre d’instances et de structures de coopérations "sans réelle plus-value", auxquelles les maires doivent participer.

Enfin, pour les sénateurs, l'engagement local doit être mieux reconnu. "Une réflexion sur la revalorisation du montant des indemnités des élus communaux" est nécessaire, selon eux. Ils plaident, par ailleurs, pour "une protection effective et efficace des élus au cours de leur mandat", alors que les violences à leur égard ont augmenté.

 

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