La multiplication des constellations satellitaires en orbite basse interroge
Vantées pour leur capacité à desservir l'ensemble du territoire et à fonctionner en cas de catastrophe, les constellations satellitaires suscitent aussi des questions. L'Avicca a profité de la consultation lancée par l'Arcep, qui vient de donner son accord au projet Kuiper d'Amazon, pour les détailler.

© Jennifer Briggs/ZUMA-REA
À l'issu d'une consultation publique, Arcep a validé le 21 juillet 2025 la demande de fréquences pour la constellation satellitaire Kuiper portée par l'américain Amazon. Les contributions des acteurs publiées mi-juillet 2025 par l'Arcep permettent de mieux comprendre les enjeux de ces constellations en orbite basse ou LEO. Si la plus connue est Starlink, initiée par Elon Musk, la technologie suscite un intérêt croissant, notamment en tant qu'infrastructure résiliente face aux crises.
Acheminer les communications en cas de crise
La particularité de ces satellites - dédiés à internet ou à des missions de recherche - est de circuler à une altitude nettement inférieure aux satellites géostationnaires et de fonctionner en constellations de petits engins. Kuiper prévoit ainsi de lancer pas moins de 3.232 satellites d'ici à 2029 pour offrir une connectivité très haut débit aux particuliers, entreprises et institutions. L'opérateur met en avant l'utilité de ces satellites pour assurer une couverture totale du territoire, y compris en zone de montagne ou en forêt, contribuant à la résorption de la fracture numérique. Amazon ne manque pas non plus de souligner l'intérêt de la constellation pour "renforcer les capacités des autorités nationales et territoriales à répondre aux urgences et crises causées par des catastrophes naturelles en France, comme de graves inondations".
Une excuse pour ne pas fibrer à 100% ?
La contribution de l'Avicca valide ces atouts tout en s'inquiétant d'une potentielle remise en cause du 100% fibre à l'heure où les déploiements piétinent. Elle estime que "les solutions satellites, rapides à mettre en œuvre, peuvent constituer une solution d’attente parfois pertinente quand les solutions 4G/5G fixes ne sont pas disponibles" mais que "le raccordement à la fibre doit demeurer la 'norme' pour l’aménagement numérique des territoires". La constellation aura besoin de la fibre pour fonctionner et devra trouver des communes acceptant d'accueillir une station de base pour interconnecter ses satellites au réseau mondial. Pour mémoire, le maire de Gravelines dans le Nord s'était vivement opposé à l'implantation sur son territoire d'une station Starlink en 2021.
Risques de brouillages
Du côté des industriels, Ariane Espace se réjouit du projet. Il est vrai que le fleuron de l'industrie spatiale européenne en est partie prenante en tant que titulaire du marché de mise sur orbite des satellites. Eutelsat, Rivada Space Networks et Viasat - engagés dans des projets concurrents - pointent pour leur part les problématiques de coexistence avec les satellites existants et les risques d'interférence, peu satisfaits des engagements pris par Amazon dans ce domaine. Un risque d'interférences qui inquiétait l'Agence nationale des fréquences en début d'année (voir notre article du 27 janvier 2025), l'ANFR soulignant qu'il n'y aurait pas de place pour des dizaines de constellation satellitaires dans le ciel européen.
Enjeux de souveraineté
Il s'agit notamment de préserver une place pour des projets portés par des acteurs européens. Parmi ces dernières, la constellation "souveraine" Iris2 dédiée aux communications de crise voulue par la Commission européenne. Si le consortium a été désigné en décembre 2024 (SES, Eutelsat, Hispasat), son lancement n'interviendra pas avant 2030. La souveraineté est du reste l'une des préoccupations de l'Avicca. S'agissant de Kuiper, un opérateur extra-européen, elle s'inquiète des risques pesant sur les données transitant par ces satellites et appelle à une vigilance particulière sur les matériels utilisés. Elle invite l'Arcep à exiger que les utilisateurs de ces systèmes soient clairement informés des risques pesant sur leurs données.
Une technologie polluante
Dernier point qui pose question : les risques environnementaux induits par la multiplication des satellites. La Commission évalue à 11.000 le nombre d'engins en orbite, 50.000 (!) devant être lancés au cours de la prochaine décennie. Dans le même temps, plus de 128 millions de débris circulent déjà dans l'espace. Avec pour conséquences une multiplication des risques de collisions et la question du traitement de ces déchets. Une situation qui a conduit l'Europe à proposer tout récemment un règlement sur l'espace. L'Avicca abonde dans le sens du besoin de régulation du secteur. Et sur le volet environnemental, elle souligne des solutions "notablement plus énergivores que les solutions mobiles et surtout fibre optique" ainsi que "la faible durée de vie des satellites en orbite basse".