Le gouvernement entend faire du tourisme un levier de croissance

À l'occasion d'un comité interministériel du tourisme, le gouvernement a fixé un objectif ambitieux pour le tourisme français : passer de 71 à 100 milliards d'euros de recettes internationales d'ici 2030 et faire de ce secteur un levier de croissance. 

Faire du tourisme un levier de croissance pour l'économie française, c'est l'ambition martelée par le Premier ministre le 24 juillet à Angers, à l'occasion d'un comité interministériel dédié au tourisme, qui a réuni autour de François Bayrou six ministres, dont Éric Lombard, ministre de l'Économie, et Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme.

Alors que le secteur représente aujourd'hui 8% du produit intérieur brut (PIB), emploie deux millions de personnes et génère 15,8 milliards d'euros d'excédent commercial, le gouvernement entend aller plus loin. Pour cela, il se fixe un objectif : passer, d'ici 2030, de 71 à 100 milliards d'euros de recettes internationales, afin de faire de la France la première destination mondiale non seulement en nombre de visiteurs – ce qu'elle est déjà – mais également en valeur. En cette période de très forte contrainte sur les finances publiques, la méthode consistera à stimuler les investissements privés et à jouer sur la simplification de la réglementation, notamment en termes de recrutements.

Mieux prévoir grâce aux données

Mais avant toute chose, le premier des cinq axes de la feuille de route du tourisme français présentée à Angers visera à moderniser les rouages de la politique publique du tourisme. Cela va passer par le "repositionnement" d'Atout France, opérateur de l'État, et l'arrivée à sa tête d'Adam Oubuih, qui devra notamment assurer le retour à l'équilibre budgétaire du GIE, refondre son modèle de financement et proposer une réorganisation de son réseau international. De son côté, le comité de filière Tourisme sera relancé dans un format "rénové et plus opérationnel" dans le but de renforcer sa vision prospective.

Ce besoin de vision prospective s'exprimera aussi à travers la modernisation des outils de partage des données du tourisme. Le centre d'échanges de données (datahub) France tourisme observation (FTO) sera modernisé d'ici fin 2025 en vue d'agréger de nouvelles données touristiques et de développer son volet prédictif. Par ailleurs, l'Insee devrait publier prochainement de nouveaux indicateurs permettant de rendre compte de l'importance du tourisme dans l'économie française. Le volet "données" sera complété par une refonte du calendrier de publication afin d'assurer une meilleure cohérence et une meilleure lisibilité des statistiques. 

Capitaliser sur les Jeux olympiques

Le deuxième axe de la feuille de route consiste à renforcer la politique d'attractivité et d'influence de la France. Cela se fera d'abord par le biais d'une campagne internationale intitulée "Jouez les prolongations" afin de capitaliser sur la dynamique des Jeux olympiques 2024 en proposant de découvrir la France à travers des parcours touristiques tracés autour des sites olympiques. Dans cette même logique, une feuille de route spécifique sera consacrée au tourisme sportif, qu'il s'agisse de grands événements sportifs, de pratique sportive, de patrimoine sportif ou de tourisme sportif d'affaires. Parmi les initiatives à venir, on note un guide de bonnes pratiques à l'attention des collectivités territoriales pour les inciter à accueillir des grands événements sportifs ou la création d'un parcours de randonnée centré autour des lieux emblématiques de Paris 2024. 

Le tourisme d'affaires va également faire l'objet d'un fort encouragement avec la signature d'un nouveau contrat de filière spécifique. Il y sera notamment question de l'adaptation aux nouveaux enjeux de la transition écologique et énergétique des infrastructures, et de l'inscription de l'événementiel comme un levier stratégique des politiques publiques, du développement territorial et du rayonnement international. 

Enfin, les efforts d'attractivité se traduiront par une simplification de l'obtention des visas de groupe pour les touristes chinois, alors que leur nombre est passé de 2,2 millions en 2019 à 1,1 million en 2024.

Assouplir le droit du tourisme

"Libérer les leviers de croissance et attirer de nouveaux investissements" est l'ambition du troisième axe. Cela passera par un renforcement de l'attractivité des métiers du tourisme, alors qu'à la fin de l'année dernière, 63.000 emplois restaient vacants dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. En 2026, parallèlement à la tenue de la quatrième Semaine des métiers du tourisme, le gouvernement lancera un nouveau plan "saisonniers" et mettra l'accent sur le logement. Soutenir l'emploi dans le tourisme passera en outre par des mesures de simplification à l'embauche, dont l'élargissement du recours au titre emploi service entreprise (Tese) de l'Urssaf ou l'assouplissement de la déclaration préalable à l'embauche. 

Plus largement, le droit du tourisme sera modernisé et simplifié. Parmi les mesures présentées lors du comité Interministériel, on note l'élargissement de l'utilisation des chèques-vacances dématérialisés aux achats de prestations touristiques via des plateformes, la redéfinition des résidences de tourisme et l'assouplissement de leur critères de classement, et la refonte de la règlementation relative aux habitations légères de loisirs pour le secteur de l'hôtellerie plein-air. Un texte sera prochainement déposé pour faire avancer les mesures de nature législative. 

Investir pour monter en gamme

Mais la règlementation ne fait pas tout. C'est pourquoi le gouvernement lance également des actions pour mieux financer l'économie du tourisme. Le but ? Engager la transformation digitale et écologique du secteur et assurer sa montée en gamme. Ainsi, une conférence de financement de l'économie du tourisme se réunira d'ici fin 2025. Autour de la table, l'ensemble des acteurs, dont des représentants des collectivités territoriales, chercheront à "objectiver les enjeux financiers pour accompagner l'évolution du secteur touristique et mobiliser les capitaux privés".

En outre, de nouveaux prêts destinés aux acteurs du tourisme seront disponibles. Les deux premiers, portés par BPI France pour un montant cumulé de 450 millions d'euros, sont particulièrement destinés à accompagner les entreprises du secteur touristique dans leur développement et leur transition. Le troisième, proposé par la Banque des Territoires, financera des projets de revalorisation du patrimoine par l'activité économique et culturelle. Quant au quatrième, également porté par la Banque des Territoires, il financera des projets de transformation d'infrastructures touristiques confrontées aux défis du changement climatique. 

Décarboner le secteur touristique

Les transitions, qu'elles soient environnementale, inclusive ou numérique, sont encore au cœur du quatrième axe de la feuille de route. Afin de faire de la France la première "destination durable" d'ici à 2030, le comité interministériel a décidé la publication d'un indicateur de l'empreinte carbone inédit. Il sera calculé par l'Insee à partir de la fin 2025 et permettra, dès 2026, d'établir une stratégie de décarbonation du secteur touristique, et plus particulièrement les transports.

En matière sociale, et alors que quatre Français sur dix ne partent pas en vacances, l'Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV) sera mobilisée pour accompagner les acteurs qui s'engagent en faveur d'un tourisme inclusif. À cette fin, l'ANCV lancera cet été, en partenariat avec la Banque des Territoires, une étude nationale afin d'identifier de nouveaux leviers de financement, des stratégies de diversification et d'hybridation économique, pour accompagner la transformation du secteur, mais aussi nourrir la stratégie nationale de l'ESS (économie sociale et solidaire), attendue en novembre 2025. 

Parallèlement, l'accessibilité des infrastructures touristiques sera soutenue. Outre la volonté de triper le nombre d'établissements labellisés Tourisme & Handicap d'ici début d'ici 2030 et de relancer le label Destination pour Tous, un nouveau programme, baptisé "Accessibilité des territoires touristiques" sera mis en œuvre par l'ANCV, avec l'appui du Cerema. Il soutiendra en 2025 huit collectivités territoriales pilotes en ingénierie avec l'objectif d'améliorer l'ensemble du parcours touristique des personnes en situation de handicap. Il devrait être élargi dès 2026 à vingt territoires supplémentaires.

Faire de toute la France un territoire touristique

Enfin, le dernier axe de la feuille de route interministérielle entend diversifier l'offre touristique en structurant de nouvelles filières ancrées dans la richesse naturelle, agricole et patrimoniale de la France. Alors qu'une feuille de route a déjà été présentée pour soutenir l'œnotourisme (lire notre article du 17 juin), une mission parlementaire sur l'agritourisme va être lancée afin d'en établir un état des lieux et d'en évaluer la totalité des "externalités". Son rapport sera enrichi par une concertation de l'ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles les collectivités territoriales. Autre lancement à venir : celui de la feuille de route dédiée au tourisme de "savoir-faire" dans les entreprises, qui connaissent un essor considérable : 22 millions de visiteurs et plus de 4.000 entreprises ouvertes régulièrement au public en 2024. L'idée est ici d'amplifier la fréquentation des entreprises déjà ouvertes, en les valorisant lors de grands événements nationaux, mais encore de structurer des filières stratégiques (énergie, sport, gastronomie, etc.) et de faire monter en gamme l'offre. Autant d'actions qui pourront notamment s'appuyer sur la pérennisation du Comité État-Régions. En résumé, pour faire du tourisme un levier de croissance, il s'agit de faire de la France tout entière un territoire touristique.

 

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