Le Parlement européen vote le projet de règlement de restauration de la nature

Le Parlement européen a voté ce 12 juillet le très discuté projet de règlement de restauration de la nature. Reste que la version adoptée semble fortement édulcorée par rapport au texte initial de la Commission européenne. Il en a été notamment de même avec le projet de révision de la directive sur les émissions industrielles.

Réuni en session plénière, le Parlement européen a adopté, ce 12 juillet, sa position sur le projet de règlement dit de restauration de la nature, qui vise notamment à imposer des mesures de "restauration" (dans un sens qualitatif, mais aussi quantitatif) des écosystèmes terrestres, côtiers et d’eau, marins, agricoles, forestiers ou encore urbains (espaces verts, couvert arboré), en passant par les populations de pollinisateurs ou la continuité des cours d’eau (voir notre article du 23 juin 2022). Ses partisans – dont le gouvernement français – peuvent donc souffler. Si le Conseil de l’UE était en effet parvenu à un compromis le 20 juin dernier (voir notre article), en revoyant néanmoins à la baisse certaines ambitions de la Commission, le texte avait en revanche été successivement rejeté par la commission AGRI du Parlement (30 pour le rejet, 16 contre), par sa commission PECH (15 pour le rejet, 13 contre) et, de manière plus inattendue, par sa commission ENVI (44 contre, 44 pour). 

Cette fois encore, le coup passa tout près. La proposition de rejet du texte de la Commission fut d’abord écartée de peu (312 pour, 324 contre, 12 abstentions) et le vote sur la position finale du Parlement ne fut guère moins serré (336 pour, 300 contre, 13 abstentions). Mais le chapeau ne tomba pas. "Nous sommes au rendez-vous de notre avenir ! Un vrai moment de bonheur", s’est exclamé le président de la commission ENVI Pascal Canfin, à l’issue du vote.

Victoires en trompe-l’œil ?

Après le vote le 11 juillet du même Parlement en faveur de la proposition de révision de la directive relative aux émissions industrielles (voir notre article du 6 avril 2022), c’est à première vue un nouveau revers pour les opposants à ces deux textes, qui s’alarment notamment des conséquences qu’ils entraîneraient sur la souveraineté alimentaire de l’Union, notamment en réduisant la surface agricole utile (voir notre article du 15 mars 2023). "La réduction des superficies, cela aura été le grand mensonge […]. C’est de l’intox", a encore défendu en conférence de presse ce jour, après le vote, le rapporteur du texte, Cesar Luena (S&D, ES). Reste que les versions adoptées par les députés diffèrent plus que sensiblement des projets initiaux de la Commission.

• S’agissant du projet de règlement sur la restauration de la nature, le texte a été fortement amendé, à tel point d’ailleurs que le rapporteur Luena lui-même n’y retrouvait plus ses petits en conférence de presse. "Il aurait fallu attendre demain", a-t-il confessé. Le texte voté n’étant pas encore disponible, on s’en remettra au service de presse du Parlement, lequel indique que les députés ont notamment décidé qu'il ne s’appliquera qu’une fois "que la Commission aura fourni des données sur les conditions nécessaires pour garantir la sécurité alimentaire à long terme et que les États membres auront quantifié la superficie à restaurer pour atteindre les objectifs de restauration pour chaque type d’habitat". Les députés ont encore voté "la possibilité de reporter les objectifs en cas de conséquences socio-économiques exceptionnelles".

"Le Parlement a choisi d’adopter la position du Conseil [un amendement du groupe Renew reprenant le compromis du Conseil a été adopté par le Parlement pour faciliter les négociations en trilogue, ndlr], mais à quel prix ? Le texte est totalement vidé de sa substance et plusieurs questions demeurent. Plutôt que de nous écouter, la Commission s’est enfermée dans une impasse et a préféré saborder son texte", a réagi la députée européenne Anne Sander (PPE), qui fait partie de ceux qui ont mené la charge contre le texte. Elle ajoute : "Mener à bien un changement d’une telle importance ne s’improvise pas. Les professionnels ont besoin de règles réalistes, d’une liste de conséquences prévisibles et de financements assurés… et ce n’est pas le texte du Conseil qui apporte des solutions."

• S’agissant de la révision de la directive Émissions industrielles, les députés ont bien accepté d’étendre ses dispositions à l’industrie minière et aux grandes installations de fabrication de batteries (avec des exceptions). Ils ont en revanche refusé de les étendre aux exploitations bovines et ont revu fortement à la hausse les seuils prévus par la Commission pour les élevages de volailles (plus de 40.000 emplacements) et de porcs (plus de 2.000 emplacements pour les porcs de plus de 30 kg et plus de 750 emplacements pour les truies), les exploitations d’au moins 750 unités de gros bétail étant dans tous les cas concernées. Les députés insistent également sur la nécessité "d’introduire la réciprocité avec les producteurs en dehors de l’Union". Des clauses-miroirs toujours réclamées, mais qui peinent à voir le jour.

Reste désormais à trouver pour ces deux textes une position commune en trilogue (Parlement, Conseil et Commission). La route promet d’être longue.