Le projet de loi Polices municipales examiné en CSFPT ce 17 septembre
Le projet de loi issu du Beauvau des polices municipales sera examiné, ce 17 septembre, par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Le texte, dont Localtis a pu prendre connaissance, suscite singulièrement l'ire des gardes champêtres, qui y voit "le creusement de l'abîme existant entre la ville et la campagne" et les prémisses d'une fusion de leur corps avec celui des policiers municipaux.

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Délai tenu. Le projet de loi "relatif à l'extension des prérogatives des polices municipales et des gardes champêtres" porté par François-Noël Buffet sera bien examiné, ce 17 septembre, en session plénière, par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Il devrait également l'être par le Conseil d'État le même jour. L'espoir d'un examen en conseil des ministres avant la fin du mois paraît en revanche chaque jour plus ténu.
Le contenu du projet de texte, dont Localtis a pu prendre connaissance, est, pour l'essentiel, connu (lire notre article du 3 septembre). Sa lecture permet évidemment d'entrer davantage dans le détail des dispositions, quand bien même un certain nombre de mesures ont vocation à être précisées par décret.
Des compétences, y compris judiciaires, élargies
Le texte détermine notamment les conditions de création d'un service de police municipale "à compétence judiciaire élargie", ouverte aux communes, EPCI-FP et syndicats de communes qui en font expressément la demande :
- un tel service devrait être "placé sous l'autorité effective et permanente d'un nombre suffisant de personnels ayant des fonctions d'encadrement" (fixé par décret), lesquels seraient astreints à des obligations de formation et d'examen technique spécifiques, devraient être personnellement habilités par le procureur général près la cour d'appel et seraient placés, pour l'exercice de leurs missions de police judiciaire, sous la direction du procureur de la République (lequel pourrait adresser dans ce cadre des instructions générales ou particulières aux policiers municipaux), la surveillance du procureur général et le contrôle de la chambre de l'instruction ;
- l'exercice des missions de police judiciaire élargies serait conditionné à la signature d'une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État déterminant, dans une section spécifique, les conditions de mise en œuvre de ces missions (au passage, notons que les gardes champêtres entreraient par ailleurs dans le décompte des effectifs de police municipale impliquant l'adoption d'une telle convention). Le préfet ou le procureur de la République pourraient mettre fin à l'exercice de ces dernières, après procédure contradictoire, dès lors que lesdites conditions ne seraient plus réunies ou en cas de manquement graves ou répétés aux stipulations spécifiques prévues par la convention. En cas d'urgence, ils pourraient en outre décider de la suspension immédiate de l'exercice de ces missions.
Les agents de police municipale et les gardes champêtres pourraient constater par procès-verbal neuf infractions supplémentaires (v. notre article précité) et procéder à des relevés d'identité afin d'établir les PV des délits qu'ils seraient habilités à constater. Ils pourraient également restituer sans délai les animaux errants trouvés et identifiés, disposition que des parlementaires pensaient, à tort, avoir introduite avec la loi de 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale (voir l'amendement de la rapporteure du texte au Sénat, Anne Chain-Larché). Ils pourraient encore plus aisément constater les infractions aux règles applicables aux constructions, aménagements et démolitions (suppression de l'obligation de commissionnement).
Les policiers municipaux pourraient en outre établir une amende forfaitaire délictuelle pour les infractions commises sur la voie publique qu'ils seraient habilités à relever, à condition de se voir remettre volontairement les objets ayant servi à leur commission. Les personnels d'encadrement pourraient en outre :
- dresser procès-verbal de la destruction (ou remise à des organisations caritatives ou humanitaires) desdits objets, après accord du procureur de la République ;
- procéder ou faire procéder à l'immobilisation et la mise en fourrière du véhicule en cas de constatation d'un délit ou d'une contravention de la 5e classe pour lesquels la peine de confiscation est encourue, là encore après accord du procureur ;
- procéder ou faire procéder par des agents placés sous leur autorité aux contrôles d'alcoolémie, mais aussi à la consultation, l'extraction, la copie et la transmission, d'initiative, au procureur et aux officiers de police judiciaire (OPJ) de données issues des systèmes de vidéoprotection mis en place par la police municipale, en cas de crime ou délit flagrant en l'espèce.
Les gardes champêtres pourraient également procéder à des dépistages d'alcoolémie et de stupéfiants lors de contrôles préventifs, en l'absence d'infraction préalable ou d'accident, sur l'ordre et sous la responsabilité des OPJ.
Formation revue
La formation des policiers municipaux et des gardes champêtres serait revue. Toutes deux seraient désormais articulées autour d'une formation d'intégration (l'actuelle formation initiale), de formations de professionnalisation périodiques (l'actuelle formation continue) et de formations de spécialisation (par exemple, à l'armement ou aux brigades cynophiles). En matière d'armement, le régime des gardes champêtres (y compris les conditions d'usage) serait également aligné sur celui des policiers municipaux. Une mesure transitoire serait prévue pour laisser le temps aux services concernés de s'organiser.
Le texte prévoit par ailleurs la suppression du dispositif relatif à l'engagement de servir, introduit par la loi "Sécurité globale de 2021" (lire notre article du 3 janvier 2022), faute de contribuer "à l'attractivité des collectivités qui souhaitent l'imposer à leurs fonctionnaires", est-il justifié. Il serait remplacé par un dispositif automatique de remboursement entre collectivités. Autre mesure, le CNFPT pourrait recruter directement des policiers municipaux et des gardes champêtres pour participer à ses missions de formation. Son président pourrait en outre demander au ministre de l’Intérieur ou au ministre chargé des collectivités territoriales d’engager une mission de vérification de l'organisation et du fonctionnement des activités de formation des fonctionnaires de police municipale.
Le mécanisme actuel de financement des différents types de formation ne serait, en revanche, pas modifié.
Possibilités de mutualisation élargies
De manière générale, le texte entend faciliter la mutualisation des forces (policiers municipaux comme gardes champêtres) entre collectivités. Dans le détail, il prévoit, entre autres mesures, d'aligner le régime de mutualisation possible en prévision des grands événements sur celui prévu en cas de catastrophes naturelles ou technologiques, "plus souple", d'élargir le recours aux assistants temporaires de police municipale aux communes accueillant un grand événement ou un grand rassemblement ou encore de permettre aux communes utilisant des équipements collectifs de vidéoprotection de mettre en commun leurs agents agrées.
Contrôle et déontologie renforcées
On le savait, policiers municipaux et gardes champêtres seraient dorénavant dotés, auprès du ministère de l'Intérieur, d'un numéro d'identification individuel. Comme les policiers municipaux, les gardes champêtres seraient en outre agréés par le préfet, en plus du procureur de la République (agrément "de portée nationale, afin d'éviter une lourdeur administrative" ; une mesure transitoire est là aussi prévue). Comme ce dernier, le préfet pourrait en outre procéder à la suspension en urgence d'un agrément. Pour centraliser les informations en la matière, un registre national serait également créé. Lequel constituerait le point de départ "d'un grand projet de transformation numérique pour faciliter les démarches des collectivités et des agents".
En outre, les gardes champêtres seraient soumis à un code de déontologie et la compétence de la commission consultative des polices municipales sera élargie à tous les sujets les concernant, sauf ceux liés à leur statut.
Des gardes champêtres en colère
Dans un communiqué de 3 pages, le président de la fédération nationale des gardes champêtres de France, Christian Comin, fait part de la "grande déception" de cette dernière face à un projet "dont le contenu n'est pas en adéquation avec les promesses et les propos tenus par le ministre" et qu'il juge par ailleurs "écrit sous le prisme urbain, centralisateur et servant les intérêts des élus des grandes agglomérations". Il regrette singulièrement que les gardes champêtres, qui exercent "très majoritairement en milieu rural, souvent seuls et isolés", ne pourront accéder aux nouvelles prérogatives judiciaires prévues. "Notre fédération ne cautionnera pas la mise en place de polices municipales à deux vitesses, creusant encore plus le fossé entre les petites communes rurales et les grosses collectivités urbaines d'un point de vue sécuritaire", prévient-il. Et de s'étonner que "les maires ruraux ne réagissent pas face à un tel texte !"
Plus encore, il dénonce un texte qui "asservit" les gardes champêtres aux services des polices municipales possédant des "encadrants" et ce, sans tenir compte des spécificités de leur cadre d'emploi (notamment en matière d'armement). Il y voit ainsi la volonté "d'une future fusion des cadres d'emploi policiers municipaux/gardes champêtres", avançant masquée. En outre, et à l'image de plusieurs organisations syndicales de policiers municipaux, il "déplore l'imposition d'obligations sans cesse supplémentaires sans aucune avancée sociale".