Les institutions européennes s'accordent sur la révision des listes des polluants de l'eau
Parlement européen et Conseil ont trouvé un accord provisoire sur la révision des listes de polluants des eaux de surface et souterraines à contrôler. Y sont notamment ajoutés des PFAS, des pesticides, le bisphénol A ou certains produits pharmaceutiques. Les États membres auront jusqu'en 2039, voire 2045, pour se mettre en conformité avec les nouvelles normes.

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Les négociateurs du Parlement européen et du Conseil sont parvenus à un accord, ce 23 septembre, sur la teneur de la mise à jour des listes de polluants des eaux de surface et souterraines "à contrôler plus strictement". L'ouvrage avait été remis sur le métier par la Commission il y a bientôt trois ans dans le cadre de l’objectif "zéro pollution" fixé par le Pacte vert européen (lire notre article du 21 mai 2021), avec des propositions qui concernaient également l'air ambiant et le traitement des eaux urbaines résiduaires (lire notre article du 26 octobre 2022).
PFAS, bisphénol A, pesticides et produits pharmaceutiques… et leurs effets combinés
Au terme de l'accord, figurent parmi les substances "ayant des effets nocifs bien documentés sur l'environnement et la santé humaine" ajoutées à ces listes :
- les PFAS ou "polluants éternels", avec d'une part une nouvelle "norme de qualité stricte" pour la somme de 25 d'entre eux – dont l'acide trifluoroacétique (TFA), qui n'apparaissait pas dans la proposition initiale de la Commission – dans les eaux de surface et pour la somme des 4 PFAS les plus nocifs dans les eaux souterraines, et d'autre part la surveillance d'une somme plus large de 20 PFAS dans les eaux souterraines ;
- une gamme de pesticides et de produits de dégradation de ces derniers ;
- le bisphénol A, désigné comme substance dangereuse prioritaire ;
- certains produits pharmaceutiques utilisés comme analgésiques et anti-inflammatoires et certains antibiotiques.
Les limites seront également revues pour certains polluants déjà inscrits sur ces listes et six substances, dont l'atrazine, "ne présentant plus de risque à l'échelle de l'UE", seront reversées vers les listes des polluants préoccupants à l'échelle nationale (4 initialement proposées par la Commission).
Autre modification d'importance, l'introduction pour les eaux de surface de la "surveillance basée sur les effets", visant les effets cumulés ou combinés des polluants.
Surveillance et déclaration "rationalisées"
L'accord révise également les obligations de surveillance et de déclaration des États membres. Ces derniers seront désormais tenus :
- de rendre compte des données sur la qualité biologique pour apprécier l'état de santé des écosystèmes aquatiques des eaux de surface tous les trois ans ;
- de déclarer les données sur la qualité chimique des eaux de surface et souterraines tous les deux ans (ou annuellement pour ceux qui le souhaiteraient).
Le rapport sur l'état général des masses d'eaux continuera, lui, d'être remis tous les 6 ans.
Deux nouvelles dérogations au principe de non-détérioration
"Dans un esprit de simplification", explique la Commission, l'accord introduit par ailleurs deux nouvelles dérogations au principe de non-détérioration de la qualité et de la quantité de l'eau : l'une pour une détérioration temporaire de court terme, l'autre dans le cas d'un déplacement de la pollution sans augmentation des charges globales.
La coopération transfrontalière est par ailleurs renforcée, en prévoyant notamment l'avertissement obligatoire des États en aval de bassins hydrographiques en proie à des difficultés (incidents, inondations extrêmes…).
Patience et longueur de temps
Concrètement, trois textes seront modifiés en conséquence : la directive-cadre sur l'eau, la directive sur les normes de qualité environnementale et celle sur les eaux souterraines. Reste au Parlement et au Conseil à adopter formellement ces révisions, puis aux États membres à les transposer, au plus tard le 22 décembre 2027. Ces derniers auront par la suite jusqu'à 2039 pour se conformer aux nouvelles normes pour les eaux de surface et souterraines, avec une prolongation, "strictement conditionnée", possible jusqu'en 2045. Pour les substances dont les normes de qualité environnementale sont révisées, et plus strictes, pour les eaux de surface, la date limite de conformité est fixée à 2033.
Verre à moitié vide pour les associations environnementales
Cette révision laisse un goût amer aux associations environnementales. Si Erik Ruiz, membre de l'association Health Care Without Harm Europe (dont les membres font partie du réseau "Hôpitaux verts et sains mondiaux" au sein duquel émargent en France les centres hospitaliers d'Angoulême et de Dax Côte d'Argent et le CHU de Grenoble), se félicite que, "pour la première fois, l'Europe reconnaisse la pollution pharmaceutique comme une menace sérieuse pour la qualité de l'eau", il déplore, comme Sara Johansson, membre du Bureau environnemental européen (réseau d'associations environnementales), "les délais excessifs" accordés aux États membres pour se conformer à ces nouveaux standards. Précisons que certaines substances pharmaceutiques – diclofenac, bêta-estradiol et alpha-éthinylestradiol – figurent depuis 2015 dans la liste de vigilance relative aux substances soumises à surveillance à l'échelle de l'Union, établie conformément à la directive établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau.
Rappelons que des informations fournies dans les troisièmes plans de gestion de district hydrographique, il ressort qu'en 2021, seuls 26,8% des masses d’eau de surface de l'UE étaient en bon état chimique. Le taux était de 86% pour les masses d'eau souterraines (lire notre article du 5 février).