Les "médiateurs de l'emploi" bousculent les codes de l'insertion
Un millier de médiateurs de l’emploi rapprochent aujourd’hui demandeurs d’emploi et entreprises. Réunis au Conservatoire national des arts et métiers, ces professionnels au profil encore méconnu ont partagé leur approche en dehors voire à rebours des schémas classiques de recrutement.

© CAEK/ Dialogue entre Benjamin Maurice,délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DEGFP) et Anne Rubinstein, déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté
Proposer rapidement à des personnes sans emploi de rencontrer des employeurs en proscrivant toute sélection sur la base du CV. C’est le quotidien des médiateurs de l’emploi, un métier encore méconnu qui rassemble pourtant une communauté de convaincus. Mardi 14 octobre, ils se sont réunis à l’occasion d’une première rencontre, organisée au Conservatoire national des arts et métiers par la Conférence permanente des médiateurs de l’emploi et du recrutement (Copemer).
Citée dans le rapport de préfiguration de France Travail, la pratique est aujourd’hui reconnue. Ses acteurs, comme Transfer IOD, A.Co.R, IPS, ou CFEA, sont reconnus dans l’arrêté détaillant le référentiel de l’accompagnement intensif des demandeurs d’emploi adopté en comité national de l’emploi cet été (lire notre article). Singularité de la méthode : pour mieux insérer les chômeurs, ces professionnels de la médiation ciblent d’abord les entreprises.
Lutter contre les idées reçues
Derrière leurs "difficultés de recrutement", régulièrement documentées dans différentes enquêtes, se cache en effet un déficit d’accompagnement en matière de recrutement, en particulier chez les TPE et les PME. "Il y a autant de personnes que d’entreprises éloignées de l’emploi", a souligné Benjamin Maurice, le nouveau délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), lors de l’introduction de la journée.
Dans le cadre de la médiation active, la focale se déplace du candidat – jamais "inemployable" – vers l’entreprise et ses besoins en contournant les procédures classiques de sélection. La méthode "bouscule les habitudes et pratiques de l’insertion", explique Olivier Foschia, le directeur Transfer IOD, l’association qui a fondé ce courant et lutte contre de nombreuses idées reçues autour de l’insertion professionnelle.
Parmi les présupposés contestés ? La place de l’offre d’emploi dans le recrutement, la sur-sollicitation présumée des entreprises, le rapport éloigné au travail de la génération Z, la nécessité d’un retour à l’emploi soi-disant "progressif" pour les publics les plus fragiles ou encore la nécessité d’une adéquation stricte entre un profil et une fiche de poste.
Le mythe du profil idéal
"Quand on rencontre un employeur, dès qu’on l’interroge sur le profil qu’il recherche, on a perdu le match, car on va l’emmener sur la formation, sur des exigences de qualification, et on ne va plus discuter du travail", a expliqué un médiateur. Exemple : un fournisseur agroalimentaire cherche un employé de libre-service. Après une heure d'échange, le médiateur identifie le vrai besoin : conseiller les clients sur les produits frais. Il propose alors un cuisinier en reconversion, avec succès.
"En partant de cette idée, nous allons décrypter le travail, et nous avons dans notre portefeuille des publics qui peuvent être intéressés par ce poste, on crée des nouvelles situations et on permet à l’employeur de faire une rencontre. On crée une rupture dans le processus de recrutement classique", souligne-t-il.
Le Copemer accompagne aujourd’hui un millier de médiateurs de l’emploi et du recrutement. Certaines de ses pratiques sont soutenues financièrement dans le cadre du Fonds social européen+. La méthode essaime : le secteur de l'insertion par l'activité économique l'a adoptée via son programme Seve emploi. Certaines structures d'hébergement ont recruté des "job coachs" cherchant des solutions rapides à des personnes connaissant de nombreux freins périphériques. La Métropole de Lyon a aussi recouru à cette méthode au profit des bénéficiaires du RSA. Et la ville de Paris s’en inspire elle aussi (lire notre article).