Paris veut plus de "médiateurs emploi" dans ses quartiers populaires
L’Epec de Paris, outil de la capitale pour mener ses politiques locales de l’emploi, finance depuis 2022 quatre postes de "médiateurs emploi" dans ses quartiers populaires pour aider les habitants à s’insérer dans le monde du travail. Une expérimentation d’ "aller vers" qui répond à un vrai besoin. Reportage.

© JGP/ Abdoulaye Gueye, "médiateur emploi" dans le quartier de La Chapelle à Paris
Dans le coin, il s’est déjà fait un nom. Abdoulaye Gueye est le "médiateur emploi" du sud du quartier de La Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris. Depuis 2023, il sillonne quotidiennement une zone plutôt restreinte, dont la longueur comme la largeur dépasse à peine la distance entre deux stations de métro. Sa mission : repérer les habitants les plus éloignés du marché du travail pour amorcer leur insertion vers l’emploi, dans un secteur "populaire" très cosmopolite, entouré par quatre QPV. "Mon public, ce sont surtout les réfugiés. Ils manquent de connaissances sur le marché du travail, et France Travail n’est pas toujours accessible", explique-t-il.
Présent dans l’espace public, Abdoulaye Gueye est connu des petits commerçants comme des gardiens de logements sociaux qui le laissent diffuser ses brochures et l’aident à contacter leurs résidents par SMS. Il organise des événements "emploi" en pied d’immeuble, tient permanence dans un local associatif ainsi qu’en bibliothèque municipale. Il se montre aussi disponible par Whatsapp, messagerie par laquelle il communique avec les habitants, qui découvrent également ses services par le bouche-à-oreille. "Un ami m’a donné son contact. On s’est rencontré, et on a parlé pour qu’il m’aide à trouver du travail", souligne Mohamed, occupant depuis un poste d’agent de trafic sur chantier, trouvé par Abdoulaye. C’est après avoir vu comment sa femme a pu entamer une formation puis trouver un emploi d’auxiliaire de vie que Moussa s’est lui aussi tourné vers Abdoulaye Gueye.
"De l’emploi, le plus vite possible"
Depuis novembre 2022, l’association Ensemble Paris Emploi Compétences (Epec), structure qui pilote les différents services locaux de l’emploi (Points Paris Emploi, PLIE, Clauses sociales …), a ouvert quatre postes de médiateurs emploi dans les 18e, 19e et 20e arrondissements parisiens. Objectif : aller au contact des habitants des quartiers qui ne connaissent pas ou ne se saisissent pas des dispositifs en matière d’emploi. Dans ce contexte, Abdoulaye Gueye fait office de tiers de confiance. "Sans accompagnement individualisé, on n’arrive pas à les raccrocher", explique Mélody Tonolli, adjointe à la maire de Paris en charge de la politique de la Ville, venue faire un "tour de rue" avec Afaf Gabelotaud, son homologue en charge en charge des entreprises, de l'emploi et du développement économique, et Geneviève Garrigos, conseillère de Paris et présidente de l’Epec.
Les médiateurs emploi ont pour mission d’orienter le public vers les guichets adaptés à leurs besoins. Mais en pratique, Abdoulaye Gueye fait aussi de la mise en relation directe avec les employeurs, notamment avec des structures d’insertion par l’activité économique. Un dépannage qui crée la confiance et peut permettre, par la suite, d’enclencher un parcours plus structuré qui sera confié aux professionnels de l’insertion. Il faut donc savoir être rapide et s’appuyer sur un réseau de partenaires réactifs. "Les personnes qui viennent ne demandent pas un accompagnement, mais d’abord de l’emploi, le plus vite possible", observe Thierry Saymard, responsable de ce programme à l’Epec et qui est intitulé "Aller vers l’emploi dans les quartiers".
Coupes dans les postes d’adultes-relais
Pour la ville de Paris, ce dispositif a fait ses preuves. Entre novembre 2022 et avril 2025, plus de 1.600 personnes ont été informées, 818 accompagnées dans leurs démarches, et 408 ont pu accéder à un emploi, une formation ou un accompagnement renforcé. L’an dernier, l’Epec a été lauréat d’un appel à projets relatif à l’offre de repérage et de remobilisation (O2R).
La ville veut doubler les effectifs de médiateurs emploi en 2025 pour s’étendre dans les 13e, 14e et 15e arrondissements, tout en renforçant les effectifs dans le 19e et 20e. Mais cet élan pourrait être en partie fragilisé par le retrait étatique du financement des postes d’adultes-relais, nécessaire à l’équilibre financier du programme. "La semaine dernière, le préfet m’a annoncé qu’ils allaient encore réduire ces emplois", regrette Mélody Tonolli. Au-delà de ce dispositif, la ville cofinance actuellement avec l’État 187 postes d’adultes-relais dans différentes associations.