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L'USH répond vigoureusement aux critiques de la Cour des comptes sur le logement social

Dans son récent rapport sur "Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise", la Cour des comptes a formulé diverses critiques à l'égard de la politique du logement social contre lesquelles Emmanuelle Cosse, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat, a tenu à s'inscrire en faux. Elle accepte mal, notamment, de lire que "les logements sociaux ne remplissent plus leur mission d'intérêt général, à savoir loger les plus précaires".

Il y a quelques jours, la Cour des comptes publiait son rapport sur "Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise" (voir notre article du 16 juin 2021). Ce document consacre un chapitre à la politique du logement, intitulé "Différencier, cibler et simplifier les outils de la politique du logement". En cinq pages, la Cour y formule plusieurs critiques – dont bon nombre sont d'ailleurs récurrentes – à l'égard de la politique du logement et en particulier du logement social. Ces critiques n'ont pas manqué de faire réagir l'USH (Union sociale pour l'habitat). Dans un courrier adressé à Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes – que  Localtis a pu consulter –, Emmanuelle Cosse, la présidente de l'USH répond vertement aux critiques formulées.

"Les logements sociaux ne remplissent plus leur mission d'intérêt général"

Le rapport de la Cour estime notamment que "les logements sociaux ne remplissent plus leur mission d'intérêt général, à savoir loger les plus précaires". Il pointe également un taux de rotation en diminution, qui rend "de plus en plus difficile" l'entrée de jeunes travailleurs modestes et de ménages précaires, "dont le profil est jugé le plus à risque par les bailleurs sociaux, voire par certains réservataires". La Cour souligne aussi que "la dilution des prestations sociales liées au logement joue également un grand rôle dans les évolutions constatées" et considère que les APL "sont insuffisamment ciblées sur les ménages modestes. En raison de cette dispersion, elles ont en outre un effet inflationniste sur le prix des logements de petite surface dans les territoires les plus tendus".

Tout en reconnaissant les réformes entreprises ces dernières années – réorganisation du secteur HLM, réforme des conditions d'attribution, APL en temps réel, accès au logement des plus précaires (dispositif Logement d'abord)... –, le rapport estime que les réformes sont "à amplifier".

Pour la Cour, des dispositifs à recentrer

La remarque visa notamment le recentrage des dispositifs de la politique du logement (APL, aides fiscales, dispositions réglementaires...) sur les publics les plus défavorisés. Cela suppose notamment de faire "du bail à durée déterminée la règle d'occupation des logements, en renforçant les règles de sortie du parc social et l'accompagnement des personnes qui dépassent les plafonds de ressources autorisés et en étudiant la possibilité d'instaurer un mécanisme de taux d'effort plancher". Le rapport prend notamment comme modèle "une vision du logement social beaucoup plus ciblée sur les plus modestes [...], telle qu'elle existe au Royaume-Uni, quitte à poser la question de la refonte du concept de mixité sociale".

Une autre orientation devrait consister à "renforcer le pilotage local de la politique du logement et de faire des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) le cadre de référence de la conception et de la mise en œuvre des politiques de logement territorialisées".

Le rapport "fait fi de la paupérisation des locataires du parc social"

Dans son courrier à Pierre Moscovici, Emmanuelle Cosse indique que "le Mouvement HLM partage une partie de vos constats, et sans doute le moins contestable d'entre eux : l'insuffisance de l'offre de logements dans les zones tendues". Là s'arrête toutefois la convergence. Au-delà de l'emploi de termes à l'évidence malheureux dans le chapitre sur le logement – "insiders" pour les occupants du parc social et "outsiders" pour l'entrée des nouveaux ménages modestes –, les désaccords portent avant tout sur le fond.

L'USH conteste par exemple le fait de classer la réduction de loyer de solidarité (RLS) parmi les "instruments" déployés "pour mettre les territoires et les acteurs sous tension". Elle estime en effet que "dans les faits, combinée à la rehausse du taux de TVA sur le logement social, elle s'est traduite par une baisse significative des capacités d'investissement des bailleurs sociaux". Non sans ironie, Emmanuelle Cosse rappelle au passage que la Cour des comptes a elle-même critiqué, dans un récent référé, les modalités de mise en œuvre de la RLS (voir notre article du 4 mars 2021).

Le passage du rapport qui heurte le plus l'USH est toutefois celui expliquant que "les logements sociaux ne remplissent plus leur mission d'intérêt général, à savoir loger les plus précaires". Emmanuelle Cosse s'étonne en effet "que ce rapport de la Cour des comptes fasse fi de la paupérisation des locataires du parc social, pourtant observée dans de nombreux autres travaux de la Cour et par de nombreux observateurs". Elle rappelle au passage trois chiffres "qui ont pu échapper à votre vigilance : 60% des ménages logés par les organismes HLM ont des revenus inférieurs à 60% des plafonds de ressources, un tiers des locataires HLM ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté et la moitié des attributaires se situent en dessous de ce seuil qui, pour mémoire, est établi à environ 1.000 euros par mois" [885 euros à 50% du revenu médian et 1.063 euros à 60% du revenu médian, Ndlr]. –

Non à la "perspective mortifère" du modèle anglais, oui à la mixité sociale

En particulier, l'USH rejette catégoriquement le modèle anglais prôné par la Cour mais qui, selon elle, conduit à la "perspective mortifère" de "ghettos" et de "ségrégation urbaine". En effet, "le Mouvement HLM est viscéralement attaché à la notion de mixité sociale". Devant les difficultés incontestables de certains quartiers populaires, l'USH juge qu'il n'est " pas opportun, et c'est un euphémisme, d'ajouter à ces difficultés une injonction provoquant la concentration des fragilités économiques. Ce serait tout simplement contraire à la devise de notre République".

Enfin, sur la faible rotation des logements sociaux, l'USH ne nie pas le phénomène, mais estime qu'"il n'est pas honnête de considérer que le manque de mobilité des locataires HLM dans leur parcours résidentiel tient à la sécurité de logement que leur offrirait le parc social. Il est bien sûr d'abord lié au manque flagrant de logements économiquement accessibles dans le parc privé".

Conclusion fort peu amène : "Le logement social, ses acteurs, ses locataires, ses accédants à la propriété valent mieux qu'un verdict en cinq pages, à l'emporte-pièces, dogmatique et idéologique, empruntant au gré de l'analyse à des organisations sociales et spatiales qui ne sont pas le modèle français du logement social et que nous soupçonnons de n'avoir pour objectif que d'habiller intellectuellement sa mise à bas."

 

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