Périmètre de protection des captages : la Cour de cassation fournit des précisions sur le fait générateur du dommage

Dès lors que les périmètres de protection des captages entraînent une restriction aux usages possibles des terrains concernés, le propriétaire ou occupant qui subit ainsi une dépréciation de sa parcelle grevée de servitude peut recevoir une indemnisation des collectivités. À défaut d’accord amiable, l’intervention du juge de l’expropriation permet de fixer le montant de l’indemnité, à supposer que la demande indemnitaire ne tombe pas sous le coup de la prescription quadriennale. Point sur lequel la Cour de cassation vient de fournir un éclairage.

L'instauration d'un périmètre de protection rapprochée pour la protection des captages d’eau potable n’emporte pas automatiquement l'inconstructibilité des parcelles concernées. C’est en substance ce que rappelle la Cour de cassation dans sa décision en date du 11 septembre 2025 (troisième chambre civile, n°23-14.398) s’agissant de trancher en droit un litige portant sur le point de départ de la prescription quadriennale de la demande d'indemnités dues aux propriétaires de parcelles. 

Les périmètres de protection des captages d’alimentation en eau potable destinés à assurer la qualité de la ressource font partie des servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation des sols. La déclaration d’utilité publique (DUP) a pour objet de créer trois périmètres de protection (immédiat, rapproché, éloigné), qui selon sa nature détermine les restrictions au droit de propriété sur les parcelles concernées. Sachant que sur un terrain situé dans un périmètre de protection rapprochée - cas de l’espèce -, le préfet ne peut plus poser d'interdiction générale et absolue de toutes constructions, et doit se borner à n’interdire (ou soumettre à prescriptions spéciales) que les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. 

À défaut d’accord amiable, les indemnités dues par le propriétaire du captage aux propriétaires ou occupants des terrains compris dans le périmètre de protection sont fixées selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. De plus, lorsque l'arrêté instaurant des périmètres de protection provoque une modification du zonage du PLU, et classe en zones agricoles des parcelles auparavant classées en zone d'urbanisation future - c'est d'ailleurs le cas en l'espèce -, le préjudice que subit le propriétaire du fait de l'inconstructibilité de son terrain doit pouvoir être indemnisé, car il trouve son fondement, non dans le changement de la réglementation d'urbanisme, mais dans l'acte instituant la servitude (cf. Cour de cassation, ch.civ 3, 9 octobre 2013, n°12-13-694). 

La prescription quadriennale court…

Dans cette affaire, les propriétaires de terrains compris dans le périmètre de protection rapprochée depuis 1999 - date de l’arrêté préfectoral de DUP - avaient saisi en 2021 le juge de l'expropriation d'une demande en fixation du montant de l’indemnité due par la commune à raison de la dépréciation de leurs parcelles. La cour d’appel de Reims, confirmant le jugement attaqué, les a toutefois déclarés irrecevables de leur demande indemnitaire pour cause de prescription. 

Il est désormais de jurisprudence constante que la prescription quadriennale applicable dans des dossiers impliquant des créances sur l'État ou des collectivités doit courir à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué. L’intérêt juridique porte donc en l’espèce sur la question du point de départ de la prescription de l’action indemnitaire du fait de la création d’une servitude d’utilité publique (ici la définition d’un périmètre de protection rapprochée). 

… à compter de la connaissance des restrictions d’usage

Après avoir constaté que l’arrêté de DUP de 1999 n’avait pas été régulièrement notifié aux propriétaires des parcelles, la cour d’appel a considéré que le point de départ du délai de prescription de quatre ans était un certificat d'urbanisme délivré par la commune en 2008, en ce qu'il manifestait pour les propriétaires la connaissance effective de la servitude grevant leur fonds. Les propriétaires, demandeurs au pourvoi, contestent cette appréciation du point d'ancrage du délai de prescription, qui selon eux n'était pas plus ce certificat d'urbanisme que l'arrêté préfectoral de 1999 ayant instauré le périmètre de protection rapprochée, qui n’entraînait pas par lui-même, faute de prescription à cette fin, l’inconstructibilité, mais la réception d’une lettre de préemption de la mairie datée de 2016 par laquelle ils ont été informés de l’interdiction de toute construction sur leurs parcelles. 

C’est sur ce point que la Cour leur donne gain de cause en cassant l’arrêt d’appel en ce qu'il les déclare irrecevables de leur demande indemnitaire pour cause de prescription. "Le point de départ de la prescription quadriennale de la demande d'indemnités dues aux propriétaires ou occupants de ces parcelles est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle ils ont eu ou auraient dû avoir connaissance des restrictions d'usage résultant de la servitude d'utilité publique les affectant", souligne-t-elle. C’est donc en violation de l'article L.1321-3 du code de la santé publique que l’arrêt d’appel a retenu que "le fait générateur du dommage est la création de la servitude de captage d'eau instaurant le périmètre de protection rapprochée et non celle de l'inconstructibilité des parcelles", appuie-t-elle. Car l'instauration d'un périmètre de protection rapprochée "n’emporte pas automatiquement l'inconstructibilité des parcelles concernées", à la différence d'un périmètre de protection immédiate, explique la Cour de cassation, avant de renvoyer les parties devant la cour d'appel d'Amiens. 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis